samedi 1 septembre 2007

Haïti: faut-il privatiser les entreprises publiques?

Haïti : faut-il privatiser les entreprises publiques ?

Lorsqu’une entreprise est dans une situation où l’Etat détient la majorité de son capital on dit qu’il s’agit d’une entreprise publique. Aujourd’hui la logique néolibérale dont le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) servent de punching-ball veut que l’Etat remplisse les fonctions régaliennes – à savoir la sécurité territoriale, la sécurité publique intérieure, la justice et l’émission des billets (dans le cas de l’Europe la Banque Centrale est communautaire les Etats concernés, pris individuellement, semblent démis de cette dernière fonction)- et laisse les autres activités au marché, à des initiatives individuelles. Il s’agit donc d’un Etat minimal. Nombreuses Organisations, notamment les Altermondialistes, se posent en opposants acharnés à cette logique néolibérale qui prône la marchandisation (commodification ou commoditization en anglais) du monde. Qu’en est-il du cas d’Haïti ? Faut-il défendre un Etat minimal ou un Etat maximal dans lequel l’Etat gère tout ? Haïti est-elle prête ?

Un Etat minimal comme veulent l’imposer les institutions financières internationales à travers leurs programmes d’ajustement structurels ou stratégies globales de développement n’est possible que dans le cadre d’un Etat au sens moderne du terme. C'est-à-dire dans son acceptation wébérienne « une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé (…) revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime. Ce qui est le propre de notre époque, c’est qu’elle n’accorde à tous les autres groupements, ou aux autres individus, le droit de faire appel à la violence que dans la mesure où l’Etat le tolère : celui-ci passe donc pour l’unique source du ‘droit’ à la violence » voir le site http://www.conflits.org/document1885.html . Si un Etat ne répond pas à ces critères c’est qu’il n’est pas non plus en mesure de remplir correctement ses fonctions régaliennes. C’est probablement le cas d’Haïti.

On est donc dans le cadre d’un Etat insuffisamment centralisé ou la bureaucratisation et la spécialisation des taches sont inachevées. Comment demander à cet Etat de gérer des entreprises évoluant dans le cadre d’un marché global en proie à une concurrence acharnée ? Si Haïti n’est pas moderne elle vit tout de même dans la modernité. A ce titre ses taches sont doublement complexes.

a) Elle doit marcher à grands pas en vue de rattraper son retard séculaire

b) Elle doit être prête à affronter les exigences contemporaines (dans le cadre d’une globalisation non maitrisée)

Pour ce faire nous devons réformer l’Etat, mettre en place une politique économique adéquate (non féodale) investir dans l’éducation et la formation technique.

Aujourd’hui nous constatons tous que la plupart des entreprises publiques sont improductives. Illustrons ce constat avec le cas de la Téléco. ou l’EDH qui n’arrivent pas à répondre au besoin de la population en terme de communication. Ces entreprises ne sont pas suffisamment organisées, et rentables pour répondre à la demande. Depuis environ deux ans la ville de Belladère (Centre) n’a pas d’électricité, l’EDH n’est pas en mesure de répondre à ce problème. Et j’aurais pu prendre des dizaines d’exemple de la sorte.

L’un des arguments phares des opposants à l’entrée des capitaux privés dans les entreprises publiques est que l’entreprise d’Etat doit être au service de la communauté et non celui du marché. Je suis de cet avis. Mais que faire quand l’entreprise publique n’arrive pas à desservir la communauté ? Quand l’Etat n’a pas suffisamment de ressources (humaines et matérielles) pour gérer ses entreprises ? Un pays qui a les moyens nécessaire peut tout de même garder ses entreprises improductives en y injectant des fonds publics en vue de satisfaire la communauté. Haïti en est-elle capable quand on sait qu’une grande partie du budget de l’Etat provient de la communauté internationale ? Chers/ères compatriotes soyons pragmatiques.

Nous devons rendre les entreprises publiques rentables afin qu’elles puissent résister à la concurrence nationale, régionale et mondiale (nous sommes à l’ère de la mondialisation, à nous seuls nous n’y pouvons rien).

Pendant que l’Etat entreprend les réformes nécessaires à l’établissement d’un Etat de droit en Haïti, il faut en même temps réformer en profondeur les entreprises publiques. Il faut, puisque l’Etat n’a pas les moyens, ouvrir leur capital à des fonds privés. Cela doit se faire dans le cadre d’un accord bien précis qui obligerait les entreprises à se moderniser en vue d’être rentables et de desservir normalement la population. En d’autres termes les actionnaires et l’Etat auront des engagements réciproques.

Certaines entreprises stratégiques comme les douanes, les ports etc. doivent être majoritairement détenues par l’Etat. L’éducation doit être la chasse gardée de l’Etat.

En libéralisant certaines entreprises qui vont devenir productives l’Etat va percevoir des taxes qui lui permettrons d’investir dans les programmes sociaux et les infrastructures nécessaires à la bonne marche du pays et à l’éradication de la pauvreté.

En utilisant le terme de privatisation le gouvernement a probablement commis une erreur de communication car dans l’histoire récente de notre pays la privatisation n’a pas toujours eu d’effets positifs. Je crois que toutes les haïtiennes et tous les haïtiens sont d’accord pour un plan de modernisation des entreprises publiques.

Renald LUBERICE

La misère de notre langue

La misère de notre langue

« Je propose d’appeler notre langue : haïtien »

A l’ère où le développement de liens d'interdépendance entre Hommes (les humains), le foisonnement des cultures, les activités humaines et les systèmes politiques à l'échelle du monde atteignent une propension considérable proposer d’appeler le créole haïtien : haïtien (tout simplement) peut paraître inopportun et futile vu les défis incommensurables que les hommes politiques haïtiens et le peuple haïtien ont à relever. Mon but n’est pas de défendre ni de prôner exagérément l’« haïtianité », ni un nationalisme exacerbé. Si les créoles sont « tous des langues mixtes qui se sont formées aux XVIe et XVIIe siècles à la faveur de la traite des Noirs organisée par les puissances coloniales de l'époque, particulièrement la Grande-Bretagne, la France, le Portugal, l'Espagne, les Pays-Bas et, plus tard, les États-Unis ».(1) on est obligé de considérer la particularité des haïtiens, l’originalité de leur langue maternelle – à savoir son inscription dans un cadre administratif, grammatical et éducationnel- qui constituent, entre autres, l’identité haïtienne.

Parler d’identité haïtienne ne signifie nullement être nationaliste, parler d’identité haïtienne n’est pas non plus révélateur d’une crainte de quelconque menace pesant sur celle-ci, parler d’identité haïtienne c’est assumer notre différence et notre particularité. J’ai susmentionné que le créole fait partie intégrante de cette différence et cette particularité. Il existe aujourd’hui une multitude de langues créoles, environ 127 (2), bien que certains créolophones se comprennent, qui ne se valent pas les unes aux autres. Il ne s’agit pas de constituer une hiérarchie « créolistique » (3) qui placerait « l’haïtien » -i.e. le créole haïtien- au sommet des langues créoles, mais au contraire mettre en exergue sa singularité et la place qu’elle occupe au cœur de notre nation. Je ne suis pas linguiste, ma seule légitimité d’écrire un article ayant trait à notre langue est le partage des valeurs dans lesquelles toutes les haïtiennes et tous les haïtiens se reconnaissent, la prise de conscience des difficultés que rencontrent les haïtiens de l’extérieur à chaque fois qu’ils doivent parler de leur langue. Ils sont obligés de préciser que leur langue maternelle et l’une de leur langue officielle est le créole mais le créole haïtien. Sinon l’interlocuteur aura du mal à comprendre de quel créole il s’agit. S’il est important de préciser qu’il s’agit du créole haïtien c’est que tout le monde est d’accord que tous les créoles ne sont pas les mêmes et que tous les créoles ne sont pas « créoles ». Alors pourquoi continuer à l’appeler créole malgré sa singularité ?

Le créole est le résultat de la transformation d’un système linguistique utilisé imparfaitement comme moyen de communication par une communauté. Nous avons vu comment les langues créoles se sont formées.

Les peuples européens dont les Français, les Italiens, les Espagnols… utilisent des langues qui ont essentiellement pour racine le latin classique et le latin populaire.

(1)Université Laval http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amsudant/creole.htm

(2) Selon le recensement effectué à l’Université du Texas en 1977 par Ian Hancock, docteur en linguistique.

(2) veuillez me pardonner ce néologisme qui me donne plus de liberté en vue d’étaler la ma thèse.


Haïti, à qui la faute?

Haïti, à qui la faute ?

Aux autres !

À lire, à entendre de nombreuses Haïtiennes et Haïtiens dont des intellectuels le « malheur haïtien » est imputable aux autres, à l’obscurantisme de nos dirigeants, à la voracité de la bourgeoisie, à la méchanceté des « blancs » et surtout à l’histoire. Ils ont peut-être raison.

Mais combien d’entre eux se posent-ils cette question salutaire : qu’ai-je fait ou que pourrais-je faire ou encore qu’est ce que je devais faire et que je n’ai pas fait entant qu’Haïtien en vue de sortir Haïti de là ? Combien d’Haïtienne et d’Haïtien se posant la question : quelle est ma contribution réelle dans l’effondrement d’Haïti ? Quand nous chargeons un racketteur pour l’obtention de notre carte d’identité à la DGI (Direction Générale des Impôts), lorsque nous payons le juge pour qu’il rende le verdict en notre faveur, à chaque fois nous dissimulons nos marchandises à la douane pour ne pas payer l’intégralité des frais requis, quand nous faisons en sorte que les places à l’Université d’Etat d’Haïti soit réservée à nos enfants ou nos proches alors que le rectorat organise un simulacre concours dont le résultat était disponible avant même le déroulement des épreuves etc. ces actes ne constituent-ils pas une contribution décisive à l’effondrement d’Haïti ? Ces questions ne sont pas posées dans le but de faire la morale à nos compatriotes. Car je suis convaincu que chaque Haïtienne et chaque Haïtien contribue à l’effondrement de l’Etat d’Haïti. Il n’y a pas qu’Aristide et Préval !

En ce sens, bien qu’il soit parfois difficile de mesurer le degré de scientificité (P. Karl) ou d’objectivité de ses textes, Gérard Etienne à raison de nous demander d’ « aller au-delà de René Préval » dans l’attribution des responsabilités du « mal haïtien ». La construction d’Haïti ne se fera pas par la communauté internationale (bien que sa contribution ne soit pas négligeable), la construction d’Haïti ne se fera pas non plus par un homme (bien qu’un homme éclairé à la tête de l’Etat pourra la conduire à bon port). La construction d’Haïti passera surtout par les forces organisées de la nation sans écarter aucune couche de la population.

A ce titre les partis politiques ont un rôle important à jouer. Mais Sont-ils prêts ? Dans les démocraties modernes qui sont pour la plupart des systèmes démocratiques représentatifs, les partis politiques jouent un rôle clé à la stabilité politique du pays. Pour ce faire leur modernisation, leur institutionnalisation est indispensable. Or la plupart de nos partis politiques s’installent à la « République de Port-au-Prince » et ignore la réalité du reste du pays. Ils n’existent qu’en période électorale. Dans ce cas il est difficile de réconcilier le peuple et la politique.

Dans la conjoncture actuelle si les partis politiques ne s’institutionnalisent pas, s’ils ne revoient pas de fond en comble leur stratégie de prise et de gestion du pouvoir, je vois mal la construction de l’Etat d’Haïti, ou d’Haïti tout court. Pourquoi ?

Parce que le gouvernement devant mener les réformes nécessaire à l’édification d’Haïti devra avoir une très large majorité à l’Assemblée Nationale. Pour ce faire il doit être issu d’un parti ayant une base idéologique forte (pour des élus très déterminés) et un ancrage national soutenu. Puisque la Constitution actuelle ne permet pas au président d’être immédiatement rééligible et que cinq ans seront insuffisants en vue de mener les réformes nécessaires. C’est le parti politique qui devra s’en charger. Autrement dit si le gouvernement succédant n’est pas issu de la même majorité, les réformes précédemment entreprises peuvent être compromises par des décisions politiciennes de la nouvelle équipe. Il est donc important que les partis se réforment, qu’ils soient des partis politiques d’Haïti et non des partis politiques de Port-au-Prince, qu’ils puissent travailler avec la population en dehors des périodes électorales. Si le Hezbollah libanais a su tenir tête à Israël et même à la communauté internationale c’est parce qu’avant tout, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce parti est le chouchou d’une très large majorité de Libanais, il a su accompagner la population dans ses détresses. La société civile (ce concept est multidimensionnel et problématique, voir le Canadien Charles Taylor, Invoking civil society) doit jouer son rôle.

Les organisations de la société civile devront faire des propositions concrètes, elles devront pouvoir influencer de manière éclairer et positive (en prenant uniquement en compte les intérêts du peuple haïtien) la politique du gouvernement et le rappeler au droit chemin à chaque fois que cela soit nécessaire.

Si Chaque Haïtienne et chaque Haïtien a su contribuer à un degré plus ou moins élevé à l’effondrement d’Haïti, c’est sûr qu’elle/il doit maintenant participer en essayant de minimiser ses intérêts personnels et maximiser l’intérêt collectif à la réédification d’Haïti. On a déjà identifié les erreurs historiques (la plupart de nos écrivains ne font que cela d’ailleurs) à la base de la non-émergence de l’Etat au sens moderne en Haïti et de l’échec socio-économique de notre nation.

Maintenant passons à autre chose, identifions ce que nous pouvons et devons faire à titre individuel et collectif en vue de la reconstruction d’Haïti. Nos très chers/ères Héroïnes et Héros –eh oui, on a occulté le rôle des femmes dans la lutte pour la libération d’Haïti, mais je suis convaincu qu’il n’était pas négligeable- ont victorieusement lutté, elles/ils ont créés les conditions de l’établissement d’un Etat « moderne », c’est à nous de faire le reste.

L’heure est à la reconstruction nationale. Et si certains passages de notre histoire servent de blocage à notre avancement, adoptons les prescriptions de Nietzche dans Considérations inactuelles et avançons. Si nous ne le faisons pas, nous aussi, aurons des comptes à rendre devant l’Histoire. Les autres c’est nous !

Renald LUBERICE

Faut-il le developpement politique d'Haïti avant son développement économique?

Faut-il le developpement politique d'Haïti avant son développement économique?


(Voir les différentes opinions sur le site Haitian politics)


Quel passionnant débat !

Je trouve que la plupart de ces thèses « tiennent la route » et je vous y encourage. A vrai dire, rares sont les régimes politique à l’échelle de l’histoire de l’humanité qui ont eu l’honneur de choisir quel mode de production économique à mettre en place en vue de leur consolidation et leur maintien. Cependant, chaque mode de production économique correspond plus ou moins à un certain type de régimes politiques.

Je vois mal un développement accéléré du capitalisme dans le système féodal européen. C’est-à-dire avant l’émergence en Europe de l’Etat au sens moderne du terme. A en croire Benjamin Constant le capitalisme nécessite un certains nombres de liberté individuelle que la démocratie représentative (et peut-être la seule) rend possible. Cela permet au gens de vaquer librement à leur activité commerciale sans avoir à se soucier des affaires de la cité contrairement à Athènes où le « Citoyen » prenait part activement à la gestion politique de la cité et de ce fait n’avait pas suffisamment de temps pour le commerce (le moteur du capitalisme).

Nombreux sont les auteurs qui attribuent une corrélation sinon une interdépendance entre le capitalisme et la démocratie représentative. Je pense que notre ami à raison d’écrire que ce n’est pas le régime politique qui décide du mode de production à mettre en place mais l’inverse.

Certes, certains types de régimes politiques non-démocratiques adoptent le mode de production capitaliste pendant un certains temps, mais il arrive un moment où ils n’ont guère le choix que de se libéraliser c’est-a-dire attribuer plus de liberté individuelle et politique à leurs citoyens où s’effondrent politiquement ou/et économiquement.

L’URSS avait mis en place un « capitalisme d’Etat », le pire des capitalismes, sous couvert du socialisme. L’histoire nous dit ce qu’est devenu l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. La Chine d’aujourd’hui n’a rien à voir à la Chine de T. Mao. Si elle n’accorde pas encore à ses citoyens un certains nombre de liberté politique elle finira par le faire dans les années qui viennent sinon elles s’exposent à de graves crises politiques.

Autrement dit le fait que la Chine adopte le mode de production capitaliste l’oblige à adopter également le régime politique adéquat sinon ce sera suicidaire. Le cas d’Haïti est vraiment problématique puisqu’il s’agit d’un « mode de production mixte » : féodal et capitaliste. Le problème aujourd’hui n’est plus de se demander quel mode de production pour Haïti puisque nous n’avons, tout seul, dans ce « Village global » guère le choix. Nous devons donc sortir du « mode de production mixte » pour adopter un seul mode de production : le capitalisme, si nous voulons une intégration régionale et un développement local satisfaisant.

La question est de savoir quel type de capitalisme qui corresponde mieux à notre société et à son état (état des choses) ? Comment nous organiser politiquement en vue de répondre à cette double exigence : la consolidation économique et la fondation de l’Etat haïtien ?

Dans ce monde globalisé l’économie haïtienne doit être compétitive et solide. Comment y parvenir ? Ne nous faisons pas d’illusion. Nous ne pourrons prétendre à ces objectifs si nous ne mettons pas en place l’Etat, le système politique et le mode de production adéquats.

Un capitalisme prospère et durable nécessite, comme nous l’avons précédemment souligné, la liberté individuelle, la liberté d’entreprendre et la liberté politique.

Voilà chers amis ce que j’en pense.

Renald Luberice