samedi 3 novembre 2007

Méthodologie (rédiger un mémoire de licence ou de Master)

Quelques règles simples sont à appliquer

Choisir et cerner un sujet de recherche

Choisir et cerner le sujet : la détermination du sujet fait partie du travail du recherche.
I. Du thème au sujet.
1. Règle négative n°1 : Un thème général n'est pas un sujet de recherche.
Trop vaste, il risque de se perdre en généralités ou de se réduire à une simple synthèse des
travaux existants, quand ce n'est pas à une simple compilation.
Exemples négatifs : Le politique internationale des USA n'est pas un sujet — La politique
des USA au Moyen-Orient, non plus.
Pour délimiter un sujet, il convient de retenir des questionnements précis et de choisir des
phénomènes concrets déterminés sur lesquels vous allez travailler.
2. Obstacles (ou réponses à quelques objections)
- Croire que l'intérêt pour une question très vaste sera satisfait si cette question est abordée
dans toute son étendue. Croire qu'une préoccupation très générale trouvera une réponse si la
recherche la concerne dans toute sa généralité. En réalité, l'expérience montre que c'est
souvent en étudiant de près un aspect particulier d'un domaine ou d'une question que l'on
apprend à satisfaire une curiosité moins restreinte. On apprend à généraliser à condition de
savoir d'abord se spécialiser.
- Croire qu'il est plus facile d'effectuer une synthèse de travaux généraux qu'une recherche
précise. Au contraire, si on ne prend pas "à bras le corps" une question bien déterminée qu'on
se donne pour objet, on ne peut pas avancer une bonne présentation ou une discussion
informée de travaux plus généraux touchant à des questions en rapport avec l'objet étudié.
3. Quelques règles simples :
On commence à délimiter un sujet, lorsqu'on précise le domaine étudié, en lui fixant des
limites rigoureuses. Dans ce but, et selon les sujets :
- Préciser les limites chronologiques et géographiques ;
- Vérifier l'existence de sources et leur nature ;
- Préciser le ou les questions, concepts et méthodes à étudier et/ou à utiliser.
Mais, si un thème général n'est pas un sujet de recherche, un thème limité ne l'est pas
encore.
II. Des questions aux problèmes
1. Règle négative n°2 : Le titre d'un sujet délimité n'est pas encore un objet de recherche.
Un objet de recherche n'est pas une étiquette ou un titre (y compris le titre que vous
donnerez finalement à votre mémoire). C'est un objet de recherche, dans l'exacte mesure où
vous tenter de résoudre un ou des problèmes explicitement formulés.
Exemples négatifs : Le Marketing politique en France entre 1981 et 1995. Un tel titre ne
dit rien sur les objectifs de votre recherche, les questions que vous voulez aborder, les
hypothèses qui vont vous guider, la méthode utilisée, etc.
2. Obstacles (ou réponses à quelques objections)
- Quand on a choisi un thème ou un titre, on a déjà une idée du contenu de ce qu'on va
développer dans le mémoire, c'est-à-dire non seulement des questions à poser mais des
réponses à apporter. C'est là justement une source de pièges pour la pensée. La vigilance vis à
vis de ses présupposés de départ est la première attitude à adopter pour pouvoir mener une
recherche véritable.
- Une fois un sujet vaguement délimité, comment savoir quelles sont les "bonnes
questions" à poser et quelles sont les "bonnes méthodes" pour y arriver ? Autrement dit,
comment savoir ce que l'on cherche et comment le trouver avant de commencer à chercher ?
Justement, la définition de l'objet de la recherche et celle de la méthode font partie du travail
de recherche. C'est en réfléchissant au questionnement et à la méthode appropriés que le
thème choisi se transforme en objet de recherche.
- Croire que l'on attend de vous que vous preniez nécessairement dans le mémoire une
position "moyenne", intermédiaire, ménageant l'ensemble des analyses publiées sur le sujet
que vous étudiez. Au contraire, on attend de vous que vous fassiez avancer - même de
manière modeste - la connaissance d'un phénomène ou d'une question. Cela suppose que vous
ré-interrogiez, éventuellement de manière critique, les explications ou analyses déjà
proposées, que vous vous situiez par rapport à elles et, le cas échéant, que vous pensiez contre
elles.
3. Quelques règles simples.
1. Définir une problématique : la définition de votre objet suppose d'abord la formulation
d'une énigme centrale, inscrite dans le phénomène ou la question étudié(e). Cette énigme peut
se décliner en un ensemble de questions auxquelles vous avez l'intention de répondre. Plus les
questions seront précises, mieux votre sujet commencera à prendre forme. Vous partez donc
toujours d'une posture interrogative.
2. Poser des hypothèses : à partir de cette énigme, vous formulez des propositions de
solution, liées entre elles. Les hypothèses ne sont donc jamais des questions. Plus ces
hypothèses seront précises, mieux votre sujet continuera à prendre forme.
3. La mise à l'épreuve des hypothèses : les hypothèses sont falsifiées ou vérifiées à l'aide de la
méthode d'investigation adaptée. Les instruments de validation à utiliser dépendent des
hypothèses formulées elles-mêmes (par exemple, si on fait l'hypothèse de transformations
dans les croyances de certains individus ou certains groupes sociaux, une enquête par
entretiens auprès des individus concernés pourra être adéquate). Lorqu'une enquête de terrain
est menée, il est préférable de la prévoir faisable et bien ciblée, plutôt que démesurée dans son
volume (ex. vouloir faire 20 ou 30 entretiens...).
Dans la pratique, ces trois étapes sont largement simultanées et elles interagissent : par
exemple, les premiers résultats d'un travail de terrain peuvent conduire à la formulation de
nouvelles hypothèses ou à l'emploi d'une autre méthode d'enquête.
Bibliographie et Notes
La bibliographie en fin d’ouvrage et les indications bibilographiques dans les notes de
bas de page servent à donner les références nécessaires pour qu’il soit possible de comprendre
l'origine de ce que vous énoncez. Elles répondent à des règles d'établissement partiellement
différentes.
I. Bibliographie
1. Etablissement de la bibliographie
1.1. La recherche bibliographique
Pourquoi ?
Quels que soient le sujet choisi et la méthode adoptée, les sources bibliographiques sont
indispensables pour les raisons suivantes :
- vérifier la pertinence du sujet et le délimiter, repérer les problèmes, définir les notions et la
problématique en fonction des sources disponibles ;
- étayer l'argumentation et la démonstration par des références précises ;
- chaque travail universitaire doit être conçu comme un outil de recherche utile à d'autres
chercheurs.
Comment ?
Effectuer un premier relevé, grâce aux :
- conseils de votre directeur/trice de maîtrise ;
- bibliographies des ouvrages de références sur la question traitée ;
- fichiers des bibliothèques, générales ou spécialisées ;
- moteurs de recherche de l’Internet.
1.2. Le relevé de la bibliographie
Notez avec précision les références bibliographiques dès le début de la recherche, en vous
conformant au règles de présentation exposées ci-dessous, même si les ouvrages consultés ne
figureront pas dans votre bibliographie finale : vous éviterez ainsi d'avoir à effectuer ce travail
en fin de rédaction de votre mémoire et d'avoir à retrouver les ouvrages consultés pour
préciser les renseignement nécessaires.
La précision de ces références vous permettra en outre de rédiger correctement vos notes de
bas de page. Dans ce but également, vous devez relever systématiquement les références des
ouvrages ou textes que vous pourriez avoir à citer dans le mémoire ou auxquels vous pourriez
emprunter des idées.
2. Présentation de la bibliographie
La bibliographie se situe à la fin de votre mémoire et récapitule toutes les références que vous
avez utilsées dans le corps du texte, auxquelles s'ajoutent éventuellement les ouvrages que
vous avez lus sans les citer directement. Ces références doivent être en nombre suffisant pour
assurer la crédibilité de votre travail (4 ou 5 livres ou articles ne peuvent pas suffire...).
2.1. Présentation des ouvrages et des articles
2.1.1. Règles générales
[NB : Dans les notes de bas de page, les auteurs peuvent être désignés par la séquence
normale prénom-nom ; dans la bibliographie, le nom doit précéder le prénom, du fait du
classement par ordre alphabétique qui se fait en fonction du patronyme.]
Ouvrages
Nom de l'auteur (Prénom ou initiale du prénom) [entre parenthèses et après le nom], Titre
de l'ouvrage [en italique], lieu d'édition, maison d'édition, date d'édition, nombre de pages.
Exemple : Dupont (Jean), La maîtrise de science politique, Paris, Payot, 1999, 258 p.
Articles
Nom de l'auteur (Prénom ou initiale), « Titre de l'article » [entre guillemets « citroën »],
Titre du périodique d'où est tiré l'article [en italique, sans guillemets], Volume et numéro du
périodique, date de parution. [Dans la bibliographie seulement : pages du début d'article -
page de fin. En cas de citation directe d’une phrase ou d’un passage dans le corps du texte, il
faut indiquer dans la note de bas de page, la(es) page(s) exacte(s) d'où est tirée la citation.]
Exemple biblio :
Dupont (Jean), " La maîtrise de science politique ", La revue universitaire, vol. 4, n°16, 1999,
p. 125-135.
Exemple note de bas de page :
Jean Dupont, « La maîtrise de science politique », La revue universitaire, vol. 4, n°16, 1999,
p. 129.
Chapitres d'ouvrage
Nom de l'auteur (Prénom ou initiale), « Titre du chapitre », Nom(s) du (des) auteur(s) de
l'ouvrage collectif dont le chapitre est tiré (Prénom(s) ou initiale(s)), Titre du livre, lieu
d'édition, maison d'édition, date d'édition, pages du début de chapitre - page de fin, (le cas
échéant) page d'où est tirée la phrase citée.
Exemple : Dupont (J.), "La maîtrise de science politique", dans Alpha (A.), Lambda (L.),
Traité de science politique, Paris, Gallimard, 2002, p.235-286.
2.1.2. Points particuliers
- S'il s'agit de deux auteurs :
Dupont (Jean), Durand (Paul), etc...
- S'il s'agit d'un ouvrage collectif publié sous la direction de :
Chazel, Y. (dir.), La guerre des étoiles, Hollywood, Stars'shop, 1766,
- S'il s'agit d'un ouvrage collectif sans direction :
Dupont (Jean), et al.,
- S'il s'agit d'une énième édition, indiquez-là :
Dupont (Jean), La maîtrise de science politique, Paris, Payot, 4e éd., 1987.
- S'il s'agit d'une traduction, précisez-le :
Dupont (Jean), La maîtrise de science politique, traduit de l'anglais par L. Jospin, Paris, Payot,
1999, 258 p.
2.2. Mise en ordre de la bibliographie
Les références peuvent être ordonnées selon différents critères :
- tout mettre dans l'ordre alphabétique (un peu désordonné si vous avez beaucoup de
références), par noms de famille d'auteurs,
- séparer les références par type de sources : articles de périodiques séparés des ouvrages, ou
d'autres sources (archives, journaux, sites internet, rapports, etc.),
- séparer les textes directement pris pour objet de l'analyse dans le mémoire (ex. biographies
ou témoignages des acteurs sociaux que vous étudiez, rapports officiels, etc.) et ceux qui ont
fourni des instruments théoriques et méthodologiques permettant cette analyse (livres,
articles, etc.),
- distinguer des thèmes :
exemple : aspect social/aspect politique/aspect historique
- distinguer la nature des ouvrages (ouvrages généraux/spécialisés),
- découper la bibliographie selon le plan du mémoire (problématique si les mêmes ouvrages
sont utilisés dans plusieurs chapitres),
- combiner la distinction ouvrages/périodiques et les sous-thèmes.
Chaque rubrique conserve évidemment le classement alphabétique par noms de famille
d'auteurs.
Remarque : La seule mention : "Internet", dans la bibliographie, ne peut constituer en soi une
référence. Il faut impérativement préciser les adresses, aussi complètes que possible, des sites
et pages consultés.
II. Notes
1. Usages des notes
On peut distinguer deux usages des notes :
- Fournir des références précises, correspondant aux idées avancées dans le mémoire ou à des
propos cités. Cet usage renvoie, non seulement à une honnêteté intellectuelle consistant à
rendre les idées à leurs auteurs, mais aussi à la nécessité de rendre les sources du mémoire
facilement consultables pour d'autres chercheurs.
- Proposer des remarques brèves, complémentaires mais secondaires par rapport à la
démonstration que vous menez dans le corps du texte.
2. Présentation des notes
Les notes de bas de page doivent indiquer la source des informations, idées ou citations
mentionnées dans le corps du texte. Vous devez systématiquement et précisément rapporter
cette source (vous ne pouvez pas développer sur plusieurs pages des arguments sans en
mentionner l'origine). Les propos qui ne sont pas rendus à un auteur sont supposés être de
vous, vous en êtes donc comptables et vous devez pouvoir les justifier. De même, il ne doit
pas se trouver de citation sans référence directe à l'auteur des propos. On doit toujours savoir
"qui parle" et quelle est votre position par rapport aux propos rapportés.
Usage de l'appel de note : celui-ci est placé en fin d'une citation, ou à la fin de l'expression ou
de l'idée dont vous voulez mentionner l'auteur et la référence.
Exemple : R. Dupont affirme que " la France est un pays démocratique "1 [appel de note].
Ou : La France est aujourd'hui une démocratie, si l'on suit la définition qu'en donne R.
Dupont1 [appel de note].
Toutes les références doivent être complètes.
Si vous reproduisez des propos tenus lors d'un entretien, les notes se présentent ainsi :
- Identification de la personne interrogée, date de l'entretien, et toute autre information
pertinente.
1
René Dupont, syndicaliste, entretien daté du 20.03.98 (reproduit en annexe n°1).
ou Dupont (R.), Le système politique français, Paris, La Découverte, 1995, p.521.
ou Dupont (R.), " La France est-elle un pays démocratique ?", Problèmes politiques et sociaux, 24(3), 1999, p.99-118, p.101.
- Renvoi à l'annexe qui reproduit tout ou partie de cet entretien.
Les notes doivent aussi renvoyer, à chaque fois que cela est nécessaire, aux annexes situées en
fin de volume, contenant principalement les "matériaux" qui ont été utiles à votre recherche
(documents, statistiques, entretiens ou extraits, questionnaires...).
Plans
Préambule :
L’exposé d’une recherche doit – évidemment – être organisé selon un plan. Mais ce plan
d’exposition ne peut-être rédigé que lorsque vous avez déjà des résultats de votre recherche
ou investigation.
Une erreur à éviter -. Ce serait une erreur de commencer par s’interroger sur le plan
d’exposition ou de le rédiger prématurément : l’obsession du “ plan ” détourne du travail de
recherche au lieu de l’orienter et risque de l’enfermer dans un schéma préétabli dont il sera
difficile de sortir … quand les résultats de l’investigation seront enfin disponibles. La volonté
de commencer par faire un plan conduit souvent à se retrouver, en fin de parcours, avec une
partie du mémoire correspondant au plan préétabli (articulant plus ou moins adroitement des
idées reprises de différents ouvrages, et/ou, souvent, vos préjugés de départ) juxtaposée, sans
véritable lien possible, à une seconde partie concernant véritablement l’objet et le terrain de la
recherche. En revanche :
Une distinction à opérer - Il est nécessaire de distinguer le plan d’investigation (ou de
travail) et le plan d’exposition (ou de rédaction)
- La recherche doit être ordonnée : une fois le sujet délimité et la problématique générale
définie, la recherche doit être méthodique pour être efficace. Un plan d’investigation
organisant les étapes de la recherche à mener est alors établi. Il distingue et articule les
différentes questions soulevées par la problématique générale, les hypothèses formulées pour
y répondre, les sources adaptées à la démonstration de ces hypothèses. Le plan d’investigation
permet de passer d’interrogations imprécises ou éparpillées à un système d’hypothèses
cohérent et construit, associé à des modes de vérification correspondants (enquêtes de terrain
et/ou corpus de textes). Seul le résultat du travail de recherche permet de stabiliser le plan
d’exposition qui sera rarement le même que le plan d’investigation. Ce dernier ne répond pas
aux mêmes exigences formelles que le plan du mémoire (respect d’un équilibre minimal entre
le volume des différentes parties, aspect pédagogique et rhétorique du travail de rédaction,
nécessité de rendre compte du travail effectué…) ; le plan d’investigation est d’abord un plan
pour vous-même, un guide de recherche à votre propre usage. Vous pourrez ensuite décider
de retenir dans le plan du mémoire seulement certaines hypothèses que vous avez validées,
abandonner certaines idées ou vous focaliser sur certaines hypothèses qui formeront
finalement plusieurs développements séparés, etc. Ces variations entre plan d’investigation et
plan d’exposition sont normales et souhaitables, sinon l’investigation elle-même ne servirait à
rien. Ensuite :
- La rédaction doit être ordonnée : une fois la recherche effectuée, il devient possible et
indispensable de rédiger un plan d’exposition. Celui-ci répond à des exigences intellectuelles
et formelles spécifiques :
I. Des divisions nécessaires (mais insuffisantes …)
Il est nécessaire de répartir les résultats du travail de recherche en plusieurs divisions et
subdivisions.
1. Combien ?
A la question “ Combien ? ”, la réponse est double :
1.1. Autant de divisions et de subdivisions que nécessaire : il n’existe aucun chiffre imposé
par la logique. Le plan en trois parties n’est pas forcément le plus cohérent, surtout s’il doit
aboutir au résultat suivant : thèse, antithèse, synthèse (cette dernière étant souvent creuse…).
Les seules règles qui s’imposent, de ce point de vue, sont celles de :
- la clarté : un exposé compact (sans subdivisions claires et titrées) est un exposé confus.
- la cohérence : un exposé divisé à l’infini se présente inévitablement comme un catalogue, et
non comme une démonstration. D’où :
1.2. Uniquement les divisions et les subdivisions qui, correspondant exclusivement au sujet,
permettent de maintenir la cohérence d’une démonstration.
2. Comment ?
2.1. Plusieurs types de divisions et de subdivisions peuvent être adoptés. Parmi les plus
simples et les plus claires : Parties (I, II, III …), Sections (A, B, C…ou 1, 2, 3…) avec ,
éventuellement, des sous-sections (1.1, 1.2, 1.3…/ 2.1, 2.2, 2.3 … ), Paragraphes (a, b, c, …).
2.2. Le type de subdivision adopté doit être homogène. Les principales d’entre elles doivent
comporter des titres explicites.
3. Mais les divisions ne suffisent pas
3.1. Diviser, ce n’est pas progresser - Une succession ne fait pas une progression, un
catalogue ne fait pas une démonstration.
3.2. Titrer, ce n’est pas questionner - Un catalogue de titres ne fait pas ressortir l’ordre des
questions auxquelles vous tentez de répondre.
C’est pourquoi il est souhaitable de faire apparaître, dans la rédaction du plan :
II. Une progression lisible (et indispensable …)
1. Objectifs
Avant même de rédiger le mémoire ou le mini-mémoire – autrement dit : dès la rédaction du
plan d’exposition – il est souhaitable pour le chercheur lui-même (et pour celui qui dirige son
travail) de pouvoir s’assurer de :
1.1. La liaison directe et explicite de chaque moment du développement avec l’objet de la
recherche (pour éviter la multiplication des préalables et des détours, et le hors sujet …) ;
1.2. La cohérence d’une démonstration progressive (pour éviter la simple succession
d’aperçus divers).
C’est pourquoi :
2. Moyens
2.1. Sous le titre des principales subdivisions, dès la rédaction du plan, il est souhaitable de
rédiger, en une ou deux phrases, les questions précises auxquelles chaque subdivision
s’efforce de répondre
- pour s’assurer de leur liaison directe et explicite à l’objet de la recherche ;
- pour faire ressortir la progression du raisonnement.
2.2. A la fin des principales subdivisions, dès la rédaction du plan, il est souhaitable de rédiger
- une conclusion partielle et provisoire qui permette de vérifier qu’il existe une réponse à la
question posée au début,
- une transition à la subdivision suivante qui permette de justifier le passage à une nouvelle
étape.
Ainsi, on peut disposer d’un véritable aperçu du mémoire ou du mini-mémoire (et
éventuellement le corriger avant qu’il ne soit … trop tard). On a alors également un véritable
guide pour la rédaction.
III. Au-delà du plan, la structure du mémoire
1. Introduire et conclure
L’introduction constitue une partie très importante du mémoire. Elle ne peut être rédigée que
lorsque le contenu du développement est déjà précisément connu : elle peut même être
rédigée en dernier. Elle indique le sujet traité, les questions et phénomènes dans lesquels il
s’inscrit et donc les enjeux de la recherche, puis la manière dont l’objet a été précisément
défini (éventuellement, ce qui ne sera pas traité, de ce fait, et la raison, intellectuelle ou
d’accès au terrain, pour laquelle il en sera ainsi ; les difficultés éventuelles liées à cette
délimitation de l’objet), la problématique générale et les différentes hypothèses qui en
découlent, les matériaux utilisés (ne pas hésiter à détailler lorsqu’il y a une enquête de terrain :
entretiens, observation participante…), enfin le plan d’exposition retenu (en montrant en quoi
celui-ci répond de manière progressive et cohérente aux questions soulevées par la
problématique).
La conclusion reprend synthétiquement les principaux acquis de la recherche et en évalue la
portée au-delà de l’objet très précis examiné dans le mémoire (pourrait-on éventuellement
transposer ou comparer avec d’autres phénomènes, sur quels enjeux les questionnements
abordés ouvrent-ils, etc. ?).
2. Le mémoire comporte également :
Une page de garde mentionnant clairement : le nom et le numéro de l’étudiant, l’intitulé
complet du sujet, le nom du/de la directeur/trice de recherche, le niveau de formation
(licence/maîtrise), l’année et la session de la soutenance.
Une bibliographie en fin de volume (voir la fiche correspondante).
Un sommaire ou table des matières : en début ou en fin de volume, la table des matières
répertorie l’ensemble des divisions et subdivisions du mémoire, ainsi que la pagination
correspondante.
Des annexes : elles sont souhaitables et nécessaires dès que vous détenez un document
susceptible d’éclairer et d’enrichir la lecture du mémoire (entretiens retranscrits - si possible
in extenso -, archives, journal de terrain, articles de presse, documents divers). Il peut s’agir
de fournir des informations concernant des aspects évoqués mais non développés dans le
mémoire, que vous rejetez en annexes pour ne pas interrompre la démonstration. Attention ici
à ne pas mettre en annexes des éléments importants qui auraient dû se trouver dans le corps du
mémoire, mais également à ne pas multiplier les annexes sur des aspects trop secondaires par
rapport à votre objet (donc inutiles). Plus souvent, les annexes présentent des documents
analysés dans le mémoire, et qui sont centraux pour votre démonstration. Lorsque vous avez
réalisé une enquête sur le terrain, les documents qui en résultent doivent se trouver en
annexes, ce qui valorise votre recherche et permet d’évaluer les résultats du travail d’enquête.
Les annexes sont répertoriées dans la table des matières.
Il est évident que :
- Le mémoire ne doit pas comporter d’abréviations et que les sigles utilisés doivent être
accompagnés du nom sous une forme développée, lors de la première apparition au moins.
- La mise en forme adoptée doit être homogène dans l’ensemble du mémoire. Le style et
l’orthographe doivent être corrects.
- La longueur du mémoire n’est pas en soi un critère d’évaluation. Néanmoins, un mémoire
trop bref ne peut pas répondre aux exigences de démonstration évoquées. Pour indication,
le volume total du travail (sans les annexes) ne devrait pas être inférieur à une quarantaine
de pages (ou 60.000 signes) pour le mini-mémoire, une soixantaine de pages (ou 90.000
signes) pour le mémoire de maîtrise.
- En cas de doute sur les règles de mise en forme du texte, la consultation de n’importe quel
ouvrage peut fournir les repères utiles.

Mémoire de Licence

"Banlieues en crises"? Construction et diffusion des représentations de la "Banlieue"

Soutenu à l'Université Paris VIII
par Luberice Renald
sous la direction d'Achin Catherine
Session 2006/2007


Introduction[1]

Depuis plus d’une génération, en France, la signification et l’usage du terme ‘banlieues’ ont évolué. Dans le champ lexical social, politique et médiatique, ce terme désigne désormais une partie du territoire concentrant les problèmes économiques, culturels et sociaux. Cette représentation de « la banlieue » tendant à en faire des lieux à part, à la dissocier du reste de la société attire notre attention. Raison pour laquelle nous avons décidé de traiter de ce sujet.

En effet, dans une recherche autour du mot banlieue[2] effectuée sur le site du quotidien Libération[3], on constate que sept résultats sur 12 concernent les problèmes, les « crises », la précarité ou les « jeunes de banlieues ». Ici le mot « jeune » n’a rien d’anodin et ne fait pas strictement référence à une classe d’âge mais à un statut social. Autrement dit ce n’est pas parce qu’on est âgé entre 15 et 25 ans et qu’on habite en banlieues qui fait qu’on est « jeune de banlieues », mais plutôt parce qu’on vit dans la précarité et qu’on habite des quartiers dits sensibles et suspecté de délinquance qui confère ce statut de « jeune »[4] . On ne parle pas de banlieues parce qu’on habite en « suburbs », c’est-à-dire la périphérie contiguë à la ville centre ou les espaces urbanisés plus éloignés mais du fait que, par glissement sémantique, le terme de ‘ banlieues’ (au pluriel) « désigne aujourd’hui une partie de la banlieue qui concentre […le] chômage de masse), […la] présence d’une forte proportion d’immigrés ou d’enfants d’immigrés et […de] nombreux îlots de pauvreté.[5] ».

Nombreux sociologues, journalistes et autres acteurs sociaux s’accordent sur le fait que les banlieues constituent ou tendent à devenir un « problème social ». Ainsi Cyprien Avenel avance : « Ces quartiers [de banlieues] que l’on dit ‘sensibles’ et qui tendent à être définis comme ghettos, voire des zones de non droit, constituent le problème social par excellence de la société française. »[6]. En quoi donc constitue ce « problème social » ?

Certains journalistes commentant « l’actualité à chaud » n’hésitent pas à utiliser des formules « choques » à propos de la banlieue. Aussi dans son article intitulé : « La cité, lieu emblématique des nouvelles crises sociales[7] », François BONNET qualifie ‘banlieue’ de « mot générique, mot fourre-tout qui inquiète et désigne un ailleurs redouté ». Les banlieues sont comme un grand « récipient social » au fond duquel un très grand nombre de difficultés de la société se « reposent ». Il suffit de le secouer légèrement pour que «tout explose ». Subséquemment un incident, impliquant une patrouille policière et trois « jeunes » dont deux en meurent, survenu le jeudi 27 octobre 2005 à Clichy-sous-Bois en Seine-saint-Denis, a déclenché des émeutes dans presque toutes les banlieues et certaines villes de France au point où l’Etat se voit dans « l’obligation », pour stopper les violences, d’appliquer la loi Martiale.

Un an plus tard « la banlieue », en particulier les quartiers dits sensibles, demeure le théâtre de violences diverses et fait toujours peur (aux autres). Omniprésente dans les discours sur la sécurité, obsession de certains politiques depuis bon nombre d’années, comme si elle était « l’essence » même du problème de l’insécurité, la problématique de « la banlieue » a comme par hasard disparu du débat de la campagne présidentielle 2007. Le terme crise devient l’expression « récurrente pour parler » des banlieues. Qu’est-ce donc qu’une crise ?

Sans cesse travaillé, retravaillé par les spécialistes de la « Lingua Quintae Respublicae [8]» -à savoir les spécialistes de la communication tels que les publicitaires, les économistes etc.- le mot crise a pour origine le champ lexical de la médecine classique. Il désignait « le bref moment –quelques heures- où les signes de la maladie (pneumonie, typhoïde) atteignent un pic, après quoi le patient meurt ou guérit »[9]. Le terme continuait à être utilisé jusque sous la IVe République pour désigner des événements acérés[10]. Aujourd’hui son utilisation s’étend à des domaines, des faits divers et variés tels que le logement, l’emploi etc. Comme si le mot « crise » était celui qui ne décrit plus une situation brève et aiguë mais pérenne. Ainsi depuis plusieurs années divers acteurs sociaux –les médias et les politiques surtout- parlent de la crise des banlieues, mais pas de la France. Pourquoi présentent-t-ils la banlieue comme constamment en « crise » ? Le terme crise ne s’apparenterait-t-il pas plus à un « fourre-tout » qu’à une réalité sociale observable ? Ou encore n’est-t-il pas un « stratagème » de désigner un ennemi qui n’est cette fois-ci pas de l’extérieur mais de l’intérieur ? Cela permettrait de survoler –en pointant du droit du doigt des quartiers en proie aux difficultés sociales, économiques et culturelles- un « malaise »[11] et/ou un « mal-être » plus profond dont certaines de nos pratiques républicaines seraient l’origine même.

Nombreuses sont les mesures prises en faveur des banlieues, notamment dans le cadre de la Politique de la Ville. Les lois et d’autres dispositions contre la délinquance ne manquent pas. L’une des dernières lois en date est celle de l’ancien Ministre de l’intérieur et nouveau président de la République Nicolas Sarkozy sur «la prévention de la délinquance », adoptée mardi 5 décembre 2006 par les députés de la majorité parlementaire en première lecture.

Les banlieues constituent-t-elles un ensemble géographique et social propice aux « crises », réfractaire à la réussite des politiques publiques? Et si le problème de la banlieue était ailleurs, c’est-à-dire « au cœur » de la société française toute entière ? Elle est la face la plus visible d’un problème qui est plus profond. Considérons la banlieue, prise dans le sens de l’encyclopédie Larousse que nous avons susmentionné, comme « miroir de la société ».

Enorme est la littérature sur la banlieue. Si nous devions faire une liste de sociologues ayant travaillé sur la question, elle serait longue[12]. D’où toute la difficulté de traiter d’un tel sujet sans tomber dans le descriptif, les « redites » ou la paraphrase. Une ou plusieurs enquêtes de terrain nous aurait/aient apporté une contribution importante dans le traitement du sujet. Nonobstant, vu le temps qui nous est imparti nous nous sommes contenté de sources de secondes mains –ouvrages de sociologues, article de journaux, revues etc.

Nous avons vu l’étendue et la complexité du sujet, c’est pourquoi nous ne saurons mener ici, dans un mini-mémoire d’une trentaine de page, une étude exhaustive sur cette question. Elle se contentera donc de l’analyse de certains mécanismes –urbanisation, package des ouvriers, puis les immigrés etc.- ayant conduit à la « configuration » de la banlieue telle que nous la connaissons aujourd’hui, d’une brève approche des actions des politiques publiques des années 80-90 –connues sous l’appellation de politique de la ville- et de la représentation des « banlieues » comme constamment en « crise ». Enfin nous étudierons certaines spécificités de la banlieue par rapport au reste de la société à travers cette fois-ci une approche basée sur des exemples divers et une réflexion plus personnelle.

I/ Banlieues : configuration spatio-temporelle

Dans cette partie il est question de voir comment la banlieue est peu à peu passée de quartiers paysans –les moins socialement et économiquement lotis- puis embourgeoisé et, ensuite, d’ouvriers et d’immigrés. Car ce phénomène ne s’est pas produit dans le même sens dans tous les pays industrialisés. Aux Etats-Unis par exemple au cours du XXe siècle, on assiste à un développement urbain constitué d’un schéma de séparation classique : les pauvres habitent en ville –ou quartiers voisins du centre ville- tandis que les classes moyennes et supérieures préfèrent les banlieues[13]. Alors qu’en France à part quelques exceptions la banlieue est plutôt réservée aux plus « démunis »

A) Banlieues pré révolution industrielle

La banlieue dès sa naissance semble avoir toujours été l’objet soit de traitement ou d’utilité spécifique. Au Moyen Age le terme « ban-lieue » concorde plutôt à une réalité juridictionnelle. Ses habitants, des paysans, sont forcés de moudre leur grain au moulin banal (du ban). D’où l’origine de l’expression banlieue de moulin[14]. Pour être exonérés d’impôts sur leur marchandise les « banlieusards » sont bien obligés de combattre dans les rangs de la police urbaine et rendre d’autres services qui leur sont demandés. Dans cette banlieue généralement dépourvue d’habitation on observe, en temps de paix, l’arrivée des faubourgs. Etymologiquement, ce terme signifie fort –hors –les murs. Ce sont des excroissances de la ville préindustrielle, le produit de l’implantation de certaines activités prohibées dans l’enceinte de la ville. Les excroissances déplaisent aux autorités municipales et au pouvoir politique qui ne ratent aucune occasion d’en interdire le développement. Ces tentatives formelles de prohibition sont souvent vaines. Corrélativement au développement des faubourgs, partout en Europe, jusqu’à l’ère industrielle, des membres des classes aisées, de l’aristocratie d’abord et de la bourgeoisie plus tard, en vue d’éviter les nuisances et les contraintes des villes n’attendent pas longtemps pour commencer à s’installer au delà des murs. L’apparition de ces nouveaux habitants engendre une nouvelle configuration des banlieues.

N’est-ce pas, au XVIIIe s, Rousseau qui prêche les vertus d’une campagne idyllique aux environs de la ville. Ses témoignages amplifient sans doute l’engouement de ses contemporains pour la campagne. Comment ne se montrerait-on pas satisfait, observe l’architecte Italie Léon Batista Alberti[15], d’avoir un lieu de repos tout près de la ville, où l’on pourra faire exactement ce qui plaît ? La quête de l’air pur, de l’espace, l’art du jardin, la chasse, la peur de l’insalubrité –choléra- se sont toujours objectés à l’encombrement, l’entassement, les miasmes des vieux centres-villes fermés.

Aussi, nous voyons donc se dessiner une ségrégation spatiale qui est due au fait que les plus riches cherchent de « l’air pur », ont peur de la promiscuité et de la crasse, et ne veulent pas habiter avec les plus démunis. La banlieue préindustrielle semble répondre parfaitement à cette demande contrairement à la ville qui n’offre pas le cadre attendu. Il faut attendre la révolution industrielle avant de voir apparaître un brusque changement au niveau du peuplement et l’extension de la banlieue. Même si des raisons diverses viennent amplifier cette ségrégation, la première motivation des plus riches, avant la révolution et après, est de ne pas habiter avec les pauvres.

B) Banlieues en mutations

La révolution industrielle –la croissance de l’industrie qui engendre une forte croissance démographique, la construction des premières voies ferrées, le tramway et le métropolitain plus tard- contribue largement à l’extension rapide des banlieues. Pendant la première moitié du XIXe siècle on parle d’une banlieue pavillonnaire ou une banlieue embourgeoisée. Car les mouvements migratoires en direction des banlieues restent en grande partie le privilège des classes aisées ayant les moyens de « rouler le carrosse » ou de payer chaque jour les frais d’un voyage en diligence. Ce « déplacement pendulaire » entre le centre-ville et la banlieue passe pour signe palpable de réussite sociale[16].

Il faut attendre les années 1860 avant de voir le début de partition sociale de la banlieue, surtout la banlieue parisienne. Bien entendu sous une forme bien différente que celle que nous connaissons présentement. C’est à dire les contrastes prononcés que présentent les différents secteurs géographiques. A ce moment-là il s’agit plutôt d’alternances, à l’est comme à l’ouest, au sud comme au nord, de communes bourgeoises et de communes populaires. Bien que certaines localités parviennent à préserver leurs privilèges champêtres, la plupart d’entre elles sont complètement envahies par l’extension de l’industrie et la construction des logements ouvriers. Les ouvriers résident à proximité de leur usine. Souvent, il s’agit de quartiers encombrés. Le docteur Deville[17], concernant le quartier de l’Hôtel de ville après le choléra de 1832, rapporte : « on y trouve peu d’appartements vastes ; les logements y sont divisés en chambre et cabinets ayant vue pour la plupart sur les cours étroites et mal aérées. L’élévation des maisons, leur saleté à l’intérieur et les familles nombreuses qui les encombrent font de ce quartier un des plus malsains de la capitale. »

On sait que les conditions hygiéniques du XIX s ne sont en rien comparables à celles d’aujourd’hui. Si nous rapportons ces récits, c’est pour pouvoir voir comment certains quartiers qui faisaient l’objet de problèmes identiques ont pu s’améliorer, ont pu y échapper plus facilement que d’autres. Cela pourrait nous aider à comprendre les impacts de l’accélération de la construction des logements sociaux sur les conditions de vie des populations concernées. Si l’on en croit le Dr toulousain Saint-André[18] la situation n’était plus meilleure en province. Il nous décrit l’atmosphère dans laquelle vivent les habitants de sa ville : « Ils sont habitués à vivre au milieu d’un air chargé de mille vapeurs putrides fournies par les boucheries et les cimetières […]; au milieu d’un air quelque fois imprégné des vapeurs arsenicales, sulfureuses, bitumeuses qui s’élèvent de nombreux ateliers, et principalement d’une fonderie où l’on tourmente de tant de manières plusieurs métaux. »

A cette époque la situation des logements est alarmante. 2,1 millions d’individus sont entassés dans des logements insalubres[19]. C’est une véritable « crise » qui trouve sa source dans les longues journées de travail (12 à 14 heures), les salaires très faibles, la pénurie accablante de logement…

N’est-ce pas Blaise Cendrars[20] qui décrit le mieux la situation des banlieues industrielles plus précisément la banlieue Nord de paris : « Usines à gaz, hôpitaux, docks, hospices, centrales électriques, asiles de nuit, gares de triage, cimetières, écoles, missions, armée du salut, terrains de sport et terrains d’équarrissage, marchés aux puces et panifications, manutentions, dépôts militaires, couvents, chapelles, surplus américains, clubs clandestins de propagande, salle de réunion, stade où se tiennent les meetings publics et désignent les piquets de grève, soupes populaires, orphelinats des rues [.…] ». Après nous avoir fait cette liste interminable mais pertinente, il poursuit : « c’est alors que l’on peut voir les pauvres, à la recherche d’un morceau de bois flottant, une vielle poutre, une planche de bois pourrie, s’aventurer comme des loups dans des bourbiers solidifiés par le froid, assiéger les cimetières d’autos pour dérober un morceau de carrosserie, ridelle ou caisse… [Pour se construire des baraques] »

Quelques années plus tard les HBM (Habitations à Bon Marché, qui deviennent les HLM) vont commencer à remplacer peu à peu les taudis. Des logements de deux pièces, trois pièces entassés les uns sur les autres jusqu’au septième étage à raison de deux, trois douzaines de portes par pallier dans des couloirs interminables. Cendrars affirme : « dans ces îlots plus rien n’est français, sauf la voix de bandes de gosses rivaux qui chamaillent le soir au fond des cours, les petits bébés qui crient toute la nuit, faisant les dents, ayant les vers, et ce sont leurs pleurs inextinguibles qui percent les cloisons et les façades… ».

Ces logements communément appelés logements sociaux sont toujours insuffisants compte tenu du nombre élevé des solliciteurs. Une situation perdurant que l’Abbé pierre[21] dénoncera dès 1954. Il dressera un panneau de détresse qui permet de montrer dit-il une société incapable de loger ses travailleurs. On pourra y ajouter une société incapable de donner du travail à ses habitants et de les loger dignement. Pour se loger aujourd’hui un emploi dont la rémunération ne dépasse pas largement le Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance (SMIC) est insuffisant. Dans cette optique nous pouvons dire que le SMIC est un leurre. Dans la mesure où il ne répond pas aux besoins minimaux de la population. Pouvoir se loger est, nous semble-t-il, un besoin minimal. Les politiques ne semblent guère se soucier de cette réalité. Les propositions de la malheureuse candidate socialiste à l’élection présidentielle d’augmenter le SMIC graduellement en 5 ans en vue de passer à 1500 n’était pas une nouveauté. Car selon les spécialistes au rythme actuel sans y toucher le salaire minimum atteindra ce seuil à la date prévue. L’actuel président de la République a quant à lui proposé de « travailler plus pour gagner plus ». Une proposition qui ne permettra en vérité de résoudre le problème.

Nous pouvons donc affirmer que la très forte disparité existant entre les différentes catégories sociales est entretenue par l’Etat lui-même, vu l’écart salarial qui y est, de facto ou formel, établi. La banlieue est la plus évidente illustration de l’hétérogénéité des catégories sociales dont la société française semble aujourd’hui se constituer. Elle présentée comme « différente ». Elle est à la fois la personnification et la matérialisation de « l’autre[22] » ce qui n’est pas sans incidence sur son vécu quotidien.

B) Des populations à part entière ou des populations « entièrement à part » ?

Aujourd’hui quasiment tout débat sur les banlieues renvoie aux questions de l’immigration. Les immigrés sont des « personnes nées étrangères à l'étranger[23] » qui viennent en France, dans la plupart des cas, « vendre leur force de travail ». Donc il est évident qu’ils constituent une main d’œuvre non négligeable à l’industrie et à l’économie française en général. Par banlieue on entend les quartiers pauvres. C'est-à-dire les espaces de concentration du chômage et de la précarité. Et, comme ces derniers engendrent délinquance et ghettoïsation, de l’insécurité[24]. Une insécurité qui n’est d’ailleurs pas toujours réelle. Certains médias parlent souvent du « sentiment » d’insécurité, ce qui prouve qu’on est dans la pure subjectivité. On peut avoir le sentiment d’être menacé tout simplement parce qu’on est en face de « l’autre » qui est donc « différent ». Nous reviendrons sur le rôle des médias dans la diffusion de l’idée de cette insécurité réelle ou supposée, qui n’est pas l’objet de ce chapitre.

Pourquoi Immigration rime-t-elle avec « problèmes des banlieues » ou « crise des banlieues » ? Le processus de ségrégation sociale, que nous avons mentionné au début de cette partie, fait que les classes moyennes et supérieures se mettent ensemble et les laissés-pour-compte dont les immigrés font largement parties s’agglomèrent dans les « quartiers difficiles ». C’est l’espace géographique des plus démunis, des non « intégrés » ou des désintégrés socialement, économiquement voire culturellement en ce qui concerne les immigrés. Toute personne ayant un revenu nettement inférieur à la moyenne nationale – dans les quartiers difficiles il y a, selon l’INSEE, un creusement des écarts avec les autres quartiers, notamment en termes d’emploi, de revenus ou de mixité sociale-, c’est le cas de la majorité des immigrés, qui se voit obligée d’accepter un logement dans l’un de ces quartiers. Elle n’a pas d’autre alternative. Ainsi s’est installée une forme de ségrégation sociale et spatiale. Les commentateurs de la « crise des banlieues » ne mettent pas l’accent ou pas assez sur ce phénomène de ségrégation sociale qui fait des banlieues la « fabrique à problèmes sociaux ». Un ensemble de problèmes que Hervé Viellard-Baron recenserait dans la rubrique « discrets ou confidentiels : précarité des ménages, fragilisation du lien social, faiblesse de la représentation politique, déperdition associative…[25] »

Paradoxalement ces quartiers « entièrement à part » qui passent aujourd’hui pour des lieux sans histoire ne faisant qu’inspirer la peur (aux autres), furent les hauts lieux de l’histoire ouvrière[26]. C’est aussi l’endroit où l’Etat a consenti d’importants efforts en vue de répondre aux problèmes de logements qu’a connus le pays après la deuxième guerre mondiale. Mais ces efforts ont de facto participé à ce phénomène de ségrégation.

En effet, la crise de logement des années 1950 pousse les pouvoirs publics à s’engager dans la construction de logements sociaux. Ces derniers sont construits en série à la périphérie des villes qui vont se révéler, pour certain, être de graves erreurs urbanistiques. Ces constructions entraînent une densification des banlieues tandis que les centres urbains dépérissent. C’est ce phénomène brutal qui fabrique les « banlieusards ». Ce constat retrouve sa source dans la définition de Le Corbusier dans la charte d’Athènes définissant la banlieue comme « le symbole à la fois du déchet et de la tentative ». Pour Jean Menanteau ce phénomène nous conduit de « catastrophe en malédiction ». Entre 1962 et 1968 la population intra-muros diminue régulièrement, les vingt arrondissements parisiens perdent 1,71 % de ses habitants. Tandis que ceux de la banlieue augmentent de 3,45 %. C’est dû en partie à la flambée du prix de l’immobilier.

La ségrégation sociale et spatiale s’est accentuée depuis une dizaine d’années en région parisienne avec l’explosion du prix de l’immobilier. Sur le site du Ministère des finances on peut trouver des informations concernant le prix moyen des logements commune par commune. En 1980 le prix d’un logement moyen était en moyenne de 6.156 F par m2 pour les communes les plus riches et de 2.102 F par m2 pour les dix communes les moins chères de la banlieue parisienne. Soit un écart de un à trois entre banlieue riche et banlieue pauvre. Dix ans plus tard, pour le même type de logement, on est passé à 4.410 F par m2 pour les communes les moins chères et à 17.420 F par m2 pour les communes les plus chères, soit un écart de un à quatre. En 2005, le rapport des prix fonciers entre ces deux mêmes groupes de communes est passé de 1 à 10. La ségrégation des banlieues s’explique donc par des facteurs sociaux et institutionnels.

Considérant les facteurs sociaux, on peut remarquer que la plupart des communes riches, Neuilly/Seine par exemple, sont constituées de Français non issus de l’immigration, (expression difficilement définissable), ou de « blancs » issus de l’immigration mais riches. Nous avons un exemple : notre président de la république Nicolas Sarkozy ! Tandis qu’on constate que :

-18,6 % des habitants des « quartiers difficiles » sont de nationalité étrangère ;

-14,2% y sont monoparentales ;

-12,9 sont des familles nombreuses ;

- les couples sans enfant y sont rares ;

- la part de jeunes de moins de 25 ans y est la plus importante que dans le reste du pays.

Le niveau de vie moyen des habitants des « quartiers sensibles » est de 918 euros par mois contre 1260 pour les résidents hors « quartiers difficiles ». 51,5% d’entre eux perçoivent des allocations familiales ou des aides au logement, 8,6% sont bénéficiaires de RMI. C’est trois fois plus que le reste de la population. Un cinquième des ménages des quartiers prioritaires vit sous le seuil de la pauvreté contre un ménage sur dix dans le reste de la France[27]. On voit clairement que le point commun entre les banlieues est la pauvreté et la ségrégation dont fait l’objet leurs habitants soit en raison de leur origine sociale soit en raison de leur origine ethnique ou les deux. Ces Français sont les premiers à payer la crise économique liée à la mondialisation de l’économie et des capitaux qui frappe tout le pays.

Dans une économie de marché les vendeurs donnent la priorité aux acheteurs qui offrent le prix le plus élevé. Depuis une vingtaine d’années les gens riches sont prêts à payer de plus en plus cher pour ne pas habiter avec les pauvres. On assiste donc a une sorte de redistribution à la marge de l'ensemble de l'espace urbain, en commençant par les couches sociales les plus fortunées, qui peuvent choisir, jusqu'aux couches les plus pauvres, qui vont là où elles peuvent acheter, ou même là où on leur dit d'aller en fonction des localisations des logements sociaux qu'on leur affecte. La ségrégation urbaine est à l’image de la ségrégation sociale, elle engendre des crises sociales.

Considérant les facteurs institutionnels on peut dire que de facto la politique de décentralisation adoptée en 1983 est, en partie, responsable de la ségrégation spatiale. Le prix des terrains dépend du marché des logements mais aussi des pouvoirs locaux. Depuis cette année-là l’urbanisme des villes n’est plus mené par l’Etat mais par les maires. Ces derniers agissent souvent en fonction de leurs intérêts politiques et électoraux ou de leur idéologie tout simplement. Certains d’entre eux préfèrent être des « hors-la-loi »[28], que d’appliquer la loi "Solidarité et Renouvellement Urbains" (SRU, déc. 2000). Le nouveau président de la République, N. Sarkozy, ancien maire de Neuilly s/Seine, a préféré payer la pénalisation infligée aux maires enfreignant cette loi que de construire un certain nombre de logements sociaux dans sa commune. On assiste donc à un refus systématique des pauvres et puisqu’en France les personnes issues de l’immigration ou simplement les immigrés font parties des plus pauvres, ils se voient donc tous condamnés à vivre ensemble dans des espaces qui leur soient « propres ». Dans ce cas, ils se retrouvent à coté de la société française, pas dans la société. L’ « intégration » -un terme très problématique dès lors qu’il s’agit de personnes nées en France depuis plusieurs générations voire des siècles (les Antillais)- devient quasi-impossible. C’est ce que nous appelons la crise de l’« intégration » dans cet espace pluriel à la fois agricole, ouvrier, bourgeois, résidentiel et historiquement de rejet qu’est la banlieue.

Il est à noter que depuis le début des années 1980 l’Etat n’a de cesse de multiplier les initiatives en vue de trouver une issue aux crises que connaissent les banlieues. Ces initiatives ne se sont-t-elles pas généralement soldées par des échecs ?

II- De l’action des pouvoirs publics et autres acteurs sociaux

Dans cette partie nous mettrons l’accent sur certains aspects de la politique de la ville. A travers des dispositions spéciales qu’elle contient et certaines mesures « conjoncturelles » prises en faveur ou contre les banlieues, notamment en période dite de « crise ». Il sera également question des rapports, (ou le regard), du reste de la société avec la banlieue.

A) Interventions locales

On pourrait définir les banlieues d’aujourd’hui –malgré les différentes tentatives, elles demeurent très difficiles à définir- comme étant les quartiers ciblés par la politique de la ville. Celle-ci se révèle être une réponse à un désordre social assigné à certains lieux et à certaines populations. Cette politique d’Etat a été entreprise dès 1981 sous le nom de « Développement social des quartiers » avant de prendre l’appellation de « politique de la ville » plus tard. « La politique de la ville a été conçue pour faire face au désarroi d’une population qui ne réussissait plus à projeter son existence dans une société vécue comme lointaine, indifférente[29] ».

Au cours des années 80-90, l’Etat français connaît une transformation inégalée sur le plan de la territorialisation, de la décentralisation et de la pratique du contrat entre l’Etat et les collectivités territoriales. La banlieue sert de terrain d’expérimentation sociale et institutionnelle. C’est une sérieuse remise en question de l’Etat unitaire centralisé. Les événements de l’été 1981 dans le quartier de Minguettes à Vénissieux, sont les premiers principaux catalyseurs des initiatives de l’Etat dans les banlieues. Comme s’il fallait ces événements pour que l’Etat pense à la banlieue comme méritant d’attention spécifique. Faisant référence aux émeutes de 2005, Françoise Davisse déclare : « […] ils ont fait avec 49 voitures ce que nous n’avons pas réussi en 5 ans[30] ». Bien entendu dès le mois de juin 1981 la commission Schwartz s’est chargée de la mission de réflexion sur les moyens en vue d’une « meilleure insertion professionnelle des jeunes de 16 à 21 ans ». En décembre 1981 la Commission nationale de développement social des quartiers est mise en place. Quelques mois plus tard la Commission sur la sécurité qui se métamorphosera en Commission nationale de prévention de la délinquance est créée. Les rapports que font ces commissions sont à la base de la Politique de la ville[31].

La politique de la ville promeut la « désectorialisation » des interventions publiques et la mise en valeur des compétences des élus locaux, des professionnels et de la population. Elle a pour cible, comme nous l’avons précédemment évoqué, les Zones Urbaines Sensibles (ZUS).

La loi du 14 novembre 1996 relative au « pacte de relance pour la ville » définit les ZUS comme étant « de grands ensembles ou des quartiers d’habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l’habitat et l’emploi ». La France en compte en 2006, 751 dont 717 en métropole. Le nombre d’habitants des ZUS s’élevait en 1999 à 4,46 millions, soit 7,6% de la population. Les ZUS de la métropole concentrent les principaux indicateurs de difficultés sociales contrairement aux agglomérations dont elles dépendent. Entre 1990 et 1999, le taux de chômage dans les ZUS passe de 18,9% à 25,4% alors que durant la même période il croit de 10,8% à 12,8 pour la métropole. Hors ZUS quand le taux de chômage des moins de 25 ans est de 24,5%, il frôle les 40% dans les quartiers sensibles[32].

Les Zones Urbaines Sensibles forment un grand ensemble comprenant des sous ensembles comme : les Zones de Redynamisation Urbaine (ZRU) et les Zones Franches Urbaines (ZFU) mises en place par la loi du 4 février 1995. Les ZRU sont des ZUS en proie à des difficultés particulières, appréciées en fonction de leur situation dans l'agglomération, de leurs caractéristiques économiques et commerciales et d'un indice synthétique. Les ZFU concernent des quartiers de plus de 8 500 habitants (loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances) particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des ZRU.

L’intervention de l’Etat au niveau local, dans les ZUS, se fait essentiellement dans le cadre des contrats conclus avec les communes et autres acteurs locaux tels que : contrats de ville, contrats urbains de cohésion sociale etc. La politique de la ville regroupe des mesures en faveur du logement, de l’emploi et du développement économique des quartiers, de sécurité et prévention de la délinquance, de l’enseignement scolaire et promotion de l’« égalité des chances ». Par son caractère interministériel, la politique de la ville regroupe quasiment tous les ministères (avant l’arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence). Elle est continuelle. Dans la mesure où les gouvernements de gauche comme de droite, qu’il s’agisse d’alternance politique ou non, continuent à l’appliquer. Néanmoins, de manière totalement différente. Les périodes majoritaires ou de cohabitations n’ont pas de réelles incidences sur le fonds de la politique de la ville.

On l’a vu, la politique de la ville a connu des périodes de modification ou d’adaptation, sans pour autant se démarquer de son principe de base qui vise à répondre à un problème contemporain, celui de l’urbanisation et de l’immigration, et un problème social : donner aux citoyens concernés les moyens nécessaires en vue d’assurer leur propre bien-être. Dans l’état actuel des choses, « l’assistanat » d’un coté, ou minima sociaux de l’autre, ne peut être qu’une solution provisoire. Une ou des catégories sociales bien déterminées ne sauraient vivre « normalement » des aides sociales toute leur vie. Elles aspirent donc à une certaine autonomie qui ne passe que par une situation sociale acceptable, un emploi et un logement convenables.

La politique de la ville, en un quart de siècle, n’arrive pas à remplir ses missions. N’est-ce pas un échec ? Selon Cyprien Avenel, parler d’échec de la politique de la ville est un « contresens ». Il considère que le problème n’est pas là, mais dans le fait que les populations ne sont pas suffisamment « associées » aux décisions qui les concernent. Donc « il s’agit d’un échec de la politique de la ville. »[33] mais pas de l’échec de la politique de la ville. Nous considérons que les indicateurs dont nous disposons ne sont pas suffisants pour corroborer ou infirmer cette dernière affirmation. Le moins que nous puissions dire c’est que les mesures prises en faveur des banlieues sont parfois paradoxales. Nous avons un exemple palpable : la SRU et l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine). D’un coté la SRU exige la construction de logement sous peine d’amende de l’autre l’ANRU propose la démolition d’un certain nombre de logements sociaux en vue « d’aérer » les cités. On nous reprocherait d’un constat simpliste mais révélateur de la profonde « incertitude » qui domine la politique de la ville. Celle-ci voulait rompre aux obligations anciennes qui étaient : l’uniformité des normes, la logique sectorielle et la hiérarchie centralisée au profit d’ambitions nouvelles visant la primauté du projet local, une approche globale, la contractualisation entre l’Etat et les collectivités. Nous constatons aujourd’hui un basculement vers l’ancien modèle.

Au vu des éléments que nous venons d’étayer la politique de la ville n’est pas un succès. S’il s’agissait d’un échec ce serait donc celui de la classe politique, mais aussi de la société dans son ensemble. L’échec peut résulter de la façon dont on appréhende le problème. Résoudre un problème donné suppose préalablement son identification. Or, lorsqu’on entreprend de l’identifier, il est fort probable que ses « a priori ou sens communs» altèrent sa perception des éléments concernés –à savoir les éléments constituant l’essence du problème- et brouille leur nature. Ce qui n’est pas sans incidences sur les types de réponses qu’on va y apporter après l’identification proprement dite. Ainsi, les réponses apportées aux problèmes des banlieues sont-elles subordonnées à la façon dont le reste de la société perçoit les « banlieusards » -à savoir que les politiques sont parties intégrantes de celui-ci. Autrement la construction et diffusion des représentations de la banlieue comme constamment en « crises » influent les solutions qu’on tente d’apporter aux problèmes.

B) Le « regard » d’anomie

Les « banlieusards » sont souvent vus comme des groupes sociaux ne respectant pas les normes généralement admises au sein de la société française. Parler des banlieues évoque spontanément la question de la délinquance, de l’insécurité etc. Avec les reportages médiatiques nous nous construisons une image de violence et de malheur des banlieues. Il n’y a pas que les banlieues d’ailleurs, grâce à certains reportages nous arrivons à nous construire des images complètement farfelues de certains pays. Certains sociologues contribuent à consolider cette représentation négative[34].

Souvent les médias jouent un rôle de dramatisation et d’amplification du malaise des « quartiers à problèmes ». Ils les présentent comme des zones de non-droit. La médiatisation des banlieues est due aux violences émeutières répétées. Ainsi, « La dramatisation exploite les ressorts commercialement rentables de la peur des banlieues » selon Cyprien Avenel[35]. Il ne s’agit pas ici de « diaboliser » les médias. L’analyse de leur influence à propos de notre perception des banlieues peut se faire sur deux angles avance l’auteur de la sociologie des « quartiers sensibles » :

Le premier « consiste à montrer que les médias « construisent » le problème des banlieues, de telle sorte que les informations transmises n’ont rien à voir avec la réalité des faits. […] ». Car il considère que quand on médiatise un événement, le travail qui s’opère vise à le rendre exceptionnel. Il y voit une « mise en scène de façon dramatique, l’événement suscite une vive émotion à même de faire la Une des journaux ». Le travail des médias en termes d’information consisterait à choisir une angle d’attaque spectaculaire des quartiers, « en accentuant le sentiment de la distance sociale, conformément aux attentes du grand public, grand amateur d’étrangeté exotique. Ainsi la presse et la télévision fabriquent une représentation de la réalité des faits qui s’éloigne du monde réel[36]. ».

Le deuxième angle « considère le médias comme un simple miroir de la société. » Les informations que nous rapportent les journalistes ne sont pas « l’évangile » donc « pas nécessairement fidèles aux ‘faits’ ». Elles sont le reflet de la réalité sociale. « Les médias ne sont ni neutres ni tout puissant. Certes, ils ont leur part de responsabilité dans la diffusion du sentiment d’insécurité, en accentuant de façon disproportionnée la gravité de la situation. Il s’agit de mettre au jour le jeu de dépendance mutuelle dans lequel se situent les jeunes qui veulent faire parler d’eux et les journalistes tentés par le spectaculaire […][37] ».

Souvent la question des banlieues ne fait pas objet d’une approche sociologique mais de stigmatisation des individus concernés. Ainsi dans les années 80 les commentateurs et les médias assimilent les violences dans les banlieues à la question d’intégration des immigrés. Ils voient dans les émeutes de 1990 en Vaulx-en-Velin, « un repli communautaire » engendré par la question de l’immigration. Les discours national et médiatique sur les « banlieusards » sont parfois entachés de considération d’ordre moral. Ils relatent des comportements antisociaux, du manque de civisme etc. des jeunes de banlieues. Ainsi on se retrouve dans une ambiance de stigmatisation généralisée. Les habitants suscitent des sentiments de peur ou de pitié. Ils sont toujours perçus à travers un certains écarts qui les séparent des normes dominantes. La majorité de la population ne connaît les habitants des quartiers difficiles qu’à travers la lecture des journaux et des reportages de télévision. Elle n’a, sinon, aucun lien propre avec ces populations. Celles-ci représentent, un groupe de gens hors normes et l’image négative de la société.

Tandis que de l’autre coté les « jeunes banlieusards » ne cessent d’exprimer leur « ras-le-bol » face à une société qui cultive une image dont ils estiment leur est indigne, et face à certains fonctionnaires de police qui manifestent des comportements racistes vis-à-vis d’eux. Ils admettent généralement l’idée qu’il y a de la violence et de la délinquance dans les banlieues mais ce sont des actes qui ne concernent qu’une minorité, et que la majorité d’entre eux aspirent tout simplement à un meilleur avenir. Ils réclament donc la déconstruction des stéréotypes construits à leur égard.

C) Problème des banlieues : une construction

La façon dont la société perçoit la banlieue contribue à la définir. On passe de la perception d’une banlieue symbolisant la construction massive des cités de grands ensembles à une banlieue concentrant les problèmes sociaux urbains. De l’après guerre au début des années 70, les débats sur les banlieues se portaient notamment sur les problèmes urbains. C'est-à-dire sur les nouveaux modes de vie urbains et la rationalité industrielle dont la sociologie urbaine de l’époque se faisait l’écho[38].

Vers le début des années 80, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre. On voit brusquement apparaître une violence médiatisée : les opérations « anti-été chaud » des pouvoirs publics en 1982, l’installation progressive de l’extrême droite dans les quartiers, le développement d’incidents, avec mort d’homme, qualifiés de racistes, la marche des « Beurs » qui donnent une forme, cette fois-ci plus sociale, aux « problèmes des banlieues ». Ces derniers deviennent pluridimensionnels englobant chômage, délinquance, émeutes, économie parallèle, échec scolaire, immigration, exclusion, ghetto etc. A partir de cette période on assimile ces problèmes à une « nouvelle pauvreté » et à l’intégration insuffisante des immigrés et de leurs enfants, sans questionner les conditions d’accueil et d’installation. Les problèmes des banlieues sont désormais associés à l’immigration. La banlieue devient synonyme de problème social et de l’exclusion. Les médias et le cinéma vont accentuer l’image mythique des banlieues et de leurs habitants[39]. Ce qui fait que le problème des banlieues est perçu comme un problème d’ordre public. On perçoit les quartiers comme des zones de « non-droit ». Cela engendre un phénomène de simplification, de généralisation et de stigmatisation de la jeunesse des banlieues.

Les premières victimes de l’exclusion sont les immigrés, les Noirs et les Arabes en particulier. Cela peut s’expliquer par le fait que notre société est, aujourd’hui en plein 21eme siècle, incapable d’accepter et d’accorder les mêmes possibilités d’ascension sociale à des gens qui soient ethniquement différents des français dits de « souches » ou « blancs ». Ce constat nous fait penser à l’Algérie française où l’on demandait à l’arabe musulman de rejeter son « statut personnel » -sa religion et sa culture- en vue de devenir citoyen français. Or, à vrai dire le terme musulman ne faisait pas strictement référence à la religion musulmane, puisque même après conversion au christianisme les musulmans continuaient de se voir attribuer ce qualificatif. C’est un moyen de rappeler constamment à l’individu ses origines. Ce cas se répète aujourd’hui en France quand il s’agit des gens dont les parents ou les grands parents étaient des travailleurs immigrés. Le qualificatif « immigré de seconde, de troisième génération » constitue, en fait, un stratagème subtil de rappeler aux fils d’immigrés –non blanc surtout- qu’ils ne sont pas des français comme « nous », qu’ils ne sont pas des français de « souches[40] », mais des français greffés. Il constitue un réel blocage à une intégration définitive, puisque la personne se voit renvoyée à chaque fois à ses origines lointaines non-françaises[41].

Si le colonisé pouvait devenir blanc, il lui serait plus facile d’accéder à la citoyenneté. Toute la difficulté tient au fait que la « différence » est mal vécue et mal comprise. Paradoxalement l’éternelle différence permet de mieux dominer le dominé. Si les enfants d’immigrés pouvaient devenir blanc leur intégration serait plus facile. Il est, en effet, plus courant et plus « commode », quand on s’appelle Devidjan, Sarkozy, Balladur etc. mais blancs, d’occuper des fonctions importantes que de s’appeler Begag, Datti, Moussa etc., arabes et noirs, d’arriver à se faire accepter en tant que français à part entière dans des postes valorisés et valorisant. Telle est la réalité républicaine, que l’on peut délibérément occulter (en disant que ce n’est pas du racisme républicain) ou mettre en exergue (en affirmant que c’est un problème lié à la couleur de peau donc à la « race ») !

Pourtant les politiques ne cessent de clamer hauts et forts la politique de l’ « égalité des chances ». Les plus défavorisés sont pour la plupart des banlieusards, pour mener à bien la politique de l’intégration et de l’égalité des chances les Pouvoirs publics mettent l’accent sur des zones bien déterminées (les ZUS). Cela handicape tout résultat global et durable. Yves Sintomer[42] affirme : « Du point de vue des politiques publiques, la focalisation sur le bout de la chaîne et spatialement sur les quartiers dits en difficultés conduit enfin à développer des politiques ciblées sans intervenir réellement sur les processus qui sont à la base des inégalités urbaines et notamment les enjeux fonciers et d’aménagement et les politiques sociales du logement ».

Quand l’exclusion systématique et la marginalité, la violence et le risque de ghetto, l’échec urbanistique et la médiocrité architecturale persistent, la banlieue devient automatiquement l’endroit propice des crises sociales. Les émeutes survenues à la fin de l’année 2005 en sont un exemple palpable. Certes, c’est une disqualification sociale dont les origines sont difficilement repérables. Pour la seule raison que les facteurs explicatifs sont interdépendants. Le point de départ de tous ces phénomènes n’est pas aisément saisissable. Dans ce mémoire notre but n’est pas de chercher ni de définir les causes[43]. Nous accordons priorité à l’évocation et à l’analyse des faits les plus tangibles.

Les problèmes des banlieues sont le fruit d’une ségrégation sociale et spatiale, d’une construction mentale, sociale, politique, mais pas seulement. Ils correspondent à une situation bien réelle. C’est l’accumulation d’un double handicap, à savoir « problèmes économiques » et « problèmes sociaux ». Les effets de l’un des deux handicaps engendrent l’autre. Selon G. Baudin et P. Genestier[44], appréhender la question des banlieues nécessite deux considérations. C’est-à-dire, il faut considérer que ses habitants « ont des problèmes qu’ils sont aussi un problème ».

Entreprendre un travail sociologique autour des banlieues nécessite une nouvelle considération, dirions-nous, à savoir qu’elles ne constituent pas qu’un ensemble géographique dont les habitants sont sujets à « des problèmes » divers et représentent également «des problèmes ». Les banlieues constituent, tout de même, une source de main d’œuvre importante à l’industrie française, leur histoire récente coïncide à celle de l’industrie moderne et la lutte des ouvriers.

Les années 70 ont apporté un nouveau changement au niveau du peuplement des banlieues. Elles deviennent de plus en plus le réceptacle des travailleurs immigrés. Ce qui leur apporte une dimension multiethnique et pluriculturelle très visible. Les jeunes banlieusards agissent malgré tout avec « allant et énergie ». Les banlieues, grâce à leurs jeunes habitants, sont dotées d’une très grande faculté d’invention, d’imagination.

III- Le reflet d’une France hétérogène

A) Dynamisme et créativité

En 1983 dans la foulée de son cousin américain apparaissent en France un nouveau mouvement musical et une nouvelle danse. C’est le hip-hop et le rap Français. Parallèlement on observe l’utilisation fréquente du mode graphique (tag, graffiti), le développement du langage gotique (le verlan), une nouvelle façon de s’habiller et un style de vie propre. Ce sont les caractéristiques d’une culture urbaine spécifique, instaurée par des jeunes pour la plupart issus de l’immigration, comme on dit en France[45]. Le rap français, pratiqué en grande partie, par les jeunes de banlieue, se singularise par son dynamisme et sa créativité, allant jusqu’à intéresser des publics étrangers. Bien que le hip-hop de son coté ne reste pas enfermé dans les banlieues « sensibles », il y trouve un écho très favorable[46]. Cet enracinement du hip-hop à travers des adolescents « blacks-blancs-beurs » issus des zones urbaines défavorisées a selon H. Bazin pour conséquences de réduire dans l’imaginaire social aux champs du ghetto, de l’immigration et de la jeunesse ; il sera une « culture du ghetto », à un phénomène ethnique ou encore à une « sous culture de la galère[47].».

A l’instar des rappeurs américains les rappeurs français mettent en musique des textes évoquant les questions de minorités, de racisme, de violences urbaines, de précarité, les rapports entre les garçons et les filles, de drogue, etc. M. Kokoreff, déclare que « c’est art c’est la manifestation d’un ‘traumatisme social profond’ ». Nous dirions plutôt que dans cet art se manifeste un traumatisme social profond.

En dehors de La musique, les jeunes banlieusards sont galvanisés aussi par le sport. La danse (break-dance, smurf), qui fait partie intégrante du hip-hop, et le basket en particulier connaissent une progression spectaculaire. Ils pratiquent le foot et en faire l’une de leurs « meilleures » passions. Vu que le mouvement hip-hop renferme des activités artistiques, des racines culturelles, un langage, un style vestimentaire, une « économie », un état d’esprit s’étendant depuis plus de 15 ans dans le monde urbain, beaucoup se demandent s’il n’existe pas une culture propre à la banlieue ?

Les jeunes des cités ne renient pas leur identité de « banlieusard ». Ils cherchent constamment à la protéger, à la sauvegarder. Cela peut « expliquer » en quelque sorte la réaction du reste de la société française qui ne se reconnaît pas dans cette catégorie identitaire, et en conséquence considère les jeunes des banlieues comme des gens à part.

C. Avenel souligne que « l’appartenance à la cité est au cœur de l’identité [des jeunes] et combine deux types de conduites complémentaires visant à s’approprier et protéger son espace. ». En dehors du fait que les quartiers sont l’objet de stigmatisation et de ségrégation, les « jeunes » manifestent leurs vifs attachements à ces lieux-là. Ces « banlieusards » qui sont parfois si différents du point de vue religieux, d’origine ethnique etc. trouvent un dénominateur commun qu’est la banlieue. Elle fait partie de leur existence quotidienne. Ils transforment la banlieue qui est un espace public en un « espace privé » où ils tentent parfois de réguler selon leurs « normes » le rapport fille-garçon, allant jusqu’à vouloir empêcher les filles de se vêtir de telle ou telle manière. Souvent les patrouilles policières trop régulières leur semblent incongrues, car ils ont le sentiment de la pénétration d’un corps étranger dans leur « espace privé ».

Les jeunes se côtoyant bien qu’ils sont les produits d’une très grande diversité partagent le fait d’avoir grandi ensemble dans un même lieu. Cette « inscription territoriale de l’identité donne une forme à une sociabilité originale qui préserve et stabilise l’identité individuelle contre les violences symboliques et sociales. [Ainsi] on peut opposer aux logiques de la galère, la formation d’une nouvelle culture de rues[48] ».

D. Lepoutre décrit le comportement des « jeunes » dans une sorte de fonctionnement collectif qui repose sur des codes d’honneur et de la réputation, des conduites de compétition et de défi plus ou moins violentes. Comme si c’était dans le but de se trouver une alternative aux stigmatisations dont ils sont l’objet, les jeunes banlieusards développent une conscience de fierté qui devient la force du groupe. Corrélativement les désordres urbains, parfois liés à des activités économiques prohibées, et l’irruption des émeutes ont connu une progression importante depuis les années 1980 dans les banlieues.

B) Lieux d’affrontement et de « business louches »

Quand des responsables politiques, des décideurs institutionnels, des acteurs sociaux, des sociologues se trouvent dans l’incapacité collective à élaborer des solutions en vue de résoudre les problèmes des « quartiers en difficultés », graves sont les conséquences qui en découlent. Pendant des décennies, parallèlement à un sentiment d’insécurité, la délinquance juvénile, la violence, les problèmes liés à la toxicomanie, la montée en puissance de la xénophobie gagnent les banlieues françaises –plus précisément les banlieues défavorisées. Ces faits sont suivis par le pointage du doigt des « quartiers difficiles ». Des commissaires de polices ont dressé une carte des cités où « circulent de la drogue, les armes de guerres et où la police ne peut plus exercer normalement ses missions ». Parmi ces cités retenons : Les quartiers bosquet à Montfermeil, Gennevilliers, des 4000 à la Courneuve, du val fourré à mantes la jolie, de Balzac à Vitry-sur-Seine, des indes à Sartrouville et des Musiciens aux Muraux[49]. La violence est aussi présente dans les institutions scolaires. Ainsi Jean-Michel Dumay, journaliste du Monde, relate les propos d’un enseignant : « certains collèges sont touchés par la violence qui n’est non seulement verbale, elle est sentie par les élèves comme faisant partie de leur environnement quotidien[50] ».

Il est vrai qu’à propos de la violence ceux qui sont censés la combattre en font « un peu trop » dès fois. Un commissaire de police qui a réalisé un entretien avec le journaliste Eric Inciyan, dans son article du Monde du 25 mai 1991, avance: « quelques groupes se caractérisent par un recours plus systématique à la violence. Formés de mineurs, parfois âgé d’à peine 10 ans, avec une forte ‘identité de quartier’ et une ‘cohésion ethnique’. […] car les jeunes sont souvent de race noire ». Ici le commissaire tente de hiérarchiser la fréquence de la violence par rapport aux taux de mélanocytes contenu dans l’épiderme des individus qui la commettent. Son constat serait : plus le taux est élevé plus les individus ont recours à la violence. Le fonctionnaire fait appelle à la notion de race. Comme si la violence commise était effectivement liée à l’appartenance raciale de l’individu et que le concept de race n’était pas en réalité une construction sociale ! Contrairement à ce que de Gobineau[51] et la République raciale[52] voulaient nous faire croire.

La question de la violence ne renvoie pas toujours à une réalité objective. C’est également une notion très subjective. Sa définition varie en fonction de la situation, des périodes et des personnes qui la subissent. Concernant les banlieues les deux types de violences les plus fréquents sont la violence verbale et la violence physique. Bien entendu ces types de violences ne s’exercent pas uniquement dans les quartiers dits sensibles. On les rencontre aussi dans les milieux aisés. Si la délinquance juvénile augmente depuis les années 1960, elle connaît un accroissement significatif depuis ces dix dernières années[53]. Les vols et cambriolages constituent l’essentiel des infractions commises dans les banlieues, nonobstant, ce qui clarifie la perception des problèmes de la vie quotidienne des quartiers ce sont les « incivilités » des jeunes. Elles ne portent pas atteintes aux physiques des personnes mais sur les règles élémentaires de la vie en société (qui nous renvoie une fois de plus à la question de normes).

En effet, l’exclusion sociale engendre bien d’autres phénomènes. On se demande quel est le rapport réel entre celle-ci et l’aggravation de la situation économique ? Il semblerait, en tout cas, qu’elles vont de paire. Dans les banlieues pauvres, la précarité enracine l’économie parallèle liée à la diffusion de la drogue. La consommation du cannabis connaît une expansion particulière durant ces vingt dernières années. La vente de la drogue est surtout le fait des jeunes « banlieusards ». Mais la consommation concerne plutôt les classes moyennes et supérieures[54].

L’ancien Ministre de l’intérieur N. Sarkozy annonce au début du mois de novembre 2005 à l'Assemblée Nationale que les Groupes d'Intervention Régionaux (GIR) ont bouclé «neuf enquêtes avec 18 interpellations » dans des affaires d'économie souterraine dans les quartiers, au niveau national. Il a ajouté « que 60 enquêtes sont en cours dans un certain nombre de quartiers pour démanteler l'économie souterraine (…); des saisies, pour la plupart dans les quartiers « difficiles », portent sur « 27 millions d'euros, 1 500 armes, 5 tonnes de cannabis, 1000 kilos de cocaïne, 1300 véhicules achetés avec l'argent de la drogue et des trafics ».

Les données statistiques montrent qu’une très grande partie des personnes interpellées est issue des quartiers sensibles et ont quitté l’école avant 16 ans. Sans euphémisme, ces actes de banditismes peuvent se définir comme une résistance face à l’exclusion, la ségrégation et le racisme. Ils pourraient s’inscrire dans le même cadre que les révoltes des jeunes qui ne sont rien que la revendication d’un cadre plus agréable de vie, de leur place dans la société. Expliquer les problèmes des banlieues nécessite une rétrospection historique et sociologique. A cet effet Jean Menanteau affirme : « A cette époque celle où nous vivons, où il n’a jamais été autant question de « politique de la ville » et du « malaise des banlieues », de « révoltes de jeunes » et des difficultés d’intégration, le passé récent peut être une clé d’explication non négligeable ». Les « banlieusards » ne se contentent pas de subir ou d’accepter leur situation, ils essaient à leur manière d’y apporter des réponses. Celles-ci peuvent être très diverses et variées.

C) Les réponses des « banlieusards »

Lorsque plusieurs groupes sociaux, aussi distincts soient-ils, se trouvent confrontés aux mêmes difficultés, les stigmatisations, le surchômage et la pauvreté, la mauvaise santé et les difficultés scolaires dont ils sont objet leur servent de ciment de liaison et les obligent à mener des actions identiques ou semblables. En effet, « La résurgence de la délinquance est inséparable de la crise d’emploi comme ressource économique mais aussi comme socle d’identité personnelle et de la reconnaissance sociale […] [c’est le résultant] du trop grand écart qui existe entre les aspirations des individus et les moyens légitimes dont ils disposent pour les réaliser[55] ».

Etant l’objet de « malheur » commun, les « banlieusards » se voient de facto, en France, unis pour mener des actions soient communes ou qui vont dans le même sens. Les près de 7 000 faits de violences urbaines d’octobre à novembre 2005, survenus dans presque tout le pays en sont un exemple palpable. Ces émeutes constituent un sérieux indicateur du malaise dans les banlieues et le refus des habitants de leur situation socio-économique défavorable. Les types d’actions ou les réponses peuvent être différents mais la finalité se veut être la même : avoir un meilleur cadre de vie et une représentation sociale convenable. Ainsi, se demande-t-on si l’abstention électorale, (ce qui n’était pas le cas à la dernière élection présidentielle, grace notamment à une grande campagne de sensibilisation), le « repli communautaire » c'est-à-dire l’ethnicisation des rapports, la sociabilité communautaire, et la délinquance ne constituent pas entre autre des réponses apportées par les « banlieusards » au reste de la société et la volonté d’amoindrir leur situation de précarité?

La stigmatisation quasi-systématique dont les habitants des quartiers dits sensibles sont l’objet n’est pas moins intolérable qu’elle vienne de la part d’un simple citoyen ou d’un fonctionnaire de l’Etat. Des « sauvageons » de l’ancien ministre de l’intérieur Jean-Pierre Chevènement aux « racailles » du nouveau président Nicolas Sarkozy[56], la jeunesse banlieusarde se voit de plus en plus stigmatisée. Elle répond souvent par des actes de violences ou de protestions verbales. A cet effet après le discours de M. Nicolas Sarkozy à Argenteuil, où il aurait tenu des propos stigmatisant vis-à-vis des jeunes, des associations de jeunes de banlieues, des chanteurs de rap et de hip-hop ont protesté énergiquement.

Les banlieues constituent l’espace géographique de France où l’abstentionnisme électoral est le plus élevé[57]. Ce qui n’est pas, paradoxalement, sans incidences sur le comportement des politiques vis-à-vis des banlieues. Les politiques se disent qu’il n’y a pas de réels enjeux électoraux dans les « quartiers sensibles », puisque la majorité de ces habitants ne prennent pas part aux élections. Tout l’enjeu reste la question sécuritaire, qui elle concerne l’ensemble de la population et la violence anti-institutionnelle dont la banlieue fait l’objet qui elle concerne l’Etat directement à travers ses fonctions régaliennes.

Pour pallier à la violence anti-institutionnelle, s’inscrivant dans les réponses des « banlieusards » aux institutions étatiques (La police, les transports publics etc.), la direction des renseignements généraux a mis sur pied dès 1991 une section « violences urbaines » puis « villes et banlieues ». C’est un instrument de mesure des actions de sécurité publique. Nicolas Sarkozy a renforcé ces dispositifs. La plupart des émeutes ont survenu à la suite d’une « bavure » policière ou d’un fait considéré comme tel.

Face à l’impunité dont bénéficie un bon nombre de policiers impliquant dans ces bavures, les jeunes banlieusards tentent de se donner justice en s’attaquant aux institutions étatiques ou commerciales de leur quartier. Ce sentiment d’impunité s’accompagne d’un sentiment d’injustice sociale. Les violences sont aussi le résultat d’une relation de méfiance qui est établit entre les jeunes et les policiers, c'est-à-dire le produit d’un climat de suspicions et de tensions, de défis et de provocation réciproques.

Dire que les émeutes sont uniquement une conduite dictée par la pauvreté n’est pas tout à fait exact. Car elles ne sont pas toujours produites que dans les zones marginalisées, et les jeunes qui s’y livrent ne sont pas tous des jeunes à problèmes[58]. Le facteur déclanchant des émeutes est donc les écarts sociaux trop prononcés entre les quartiers pauvres et les agglomérations dont ils dépendent. Ainsi on constate que les quartiers de la région Nord-pas-de-calais ou Poitou-charentes sont globalement dénoués de violence collective contrairement aux régions Ile-de-France, Rhône-alpes et Alsace qui connaissent, elles, des émeutes à répétition[59].

Les émeutes sont parfois instrumentalisées, mises en scène par les médias en vue d’assurer une visibilité sociale qui « peut se montrer payante ». Les « jeunes » peuvent provoquer une émeute en vue d’attirer l’attention de la société et par là interpeller les institutions et les hommes politiques qui sont obligés de donner des suppléments de ressources au quartier[60]. L’émeute est ainsi un « excellent » moyen d’entrée avec succès dans le débat public.

En effet, les conduites des jeunes de banlieues ne sont pas le résultant d’un « manque de socialisation » mais d’une « volonté d’intégration ». « Il s’agit d’un ‘conformisme déviant’ comme mode d’adaptation rationnelle à des conditions objectives[61] ». C’est un ensemble de réponses qui constituent une alternative face à une situation socio-économique parfois désastreuse.

Conclusion

Nous concluons donc que la « crise » des banlieues –dont le chômage, la configuration socio-spatiale et les jeunes banlieusards en particulier apparaissent comme le punching-ball- est structuro-générationnelle. Elle perdure depuis plus de deux décennies. Les solutions diverses encadrées par « la politique de la ville » dont les banlieues sont l’objet tardent à faire leurs preuves. Les aides sociales –non négligeables- octroyées aux quartiers dits sensibles accentuent leur rapport de dépendance vis-à-vis des services sociaux plutôt que de permettre aux ménages d’accéder à l’autonomie « économique ». On n’a pas de données suffisantes à évaluer l’impact de la politique de la ville, c’est pourquoi il n’est pas aisé de parler d’échec, malgré toutes les difficultés que nous avons ci-dessus évoquées, ni de réussite d’ailleurs.

Peut-on parler d’insolubilité de la crise? Pour ce faire se faire il aurait fallu essayer toutes les solutions possibles. Or ce n’est pas encore le cas. Aujourd’hui, on constate que la crise des banlieues est pérenne, l’Etat peine à y trouver la solution qui puisse permettre un réel dénouement.

La déconstruction et « l’arrêt » de diffusion des représentations de la banlieue comme anomique est une condition sine qua non en vue d’une sortie de crise. Une égalité de traitement par rapport au reste de la société sera aussi importe.

Bref, un nouveau regard qui ne consiste pas à faire des banlieusards des « hors-normes » évoluant dans des « zones de non-droit » mais des citoyens confrontés a des difficultés sociales particulières qu’il faut à tout prix résoudre, un autre mode d’approche visant à donner plus d’autonomie financière aux habitants et ne pas faire de ces espaces, des lieux dédiés aux pauvres, mais des endroits successibles d’accueillir différentes catégories sociales sont donc nécessaires. Le processus de décentralisation qu’entreprend la « République une et indivisible » depuis le début des années 1980 et qui connaît aujourd’hui une phase d’atermoiements pourrait dans une optique plus poussée comme la plupart de nos voisins européens, Italie en particulier, permettre d’aborder les problèmes des territoires périurbains d’une autre manière. A savoir une autonomie de gestion plus adaptée aux problèmes des banlieues.

La loi 2004-809 du 13 août 2004 entrée en vigueur le premier janvier 2005 relative aux libertés et responsabilités locales pourrait, peut-être, apporter une réponse plus significative à la « crise » des banlieues – en essayant de catalyser le développement économique local, le tourisme et la formation professionnelle, néanmoins une certaine harmonisation à l’échelle nationale en vue d’empêcher une solution à deux vitesses. Les « jeunes » des banlieues ont participé massivement à l’élection présidentielle 2007. Le président élu a beaucoup promis en vue de faciliter une meilleure prise en compte des difficultés auxquelles ils font face quotidiennement. Etait-ce, encore, un « stratagème messianique » en vue d’arriver à ses fins ? Les cinq prochaines années pourraient pourvoir une véritable réponse à cette question.

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Sur la toile

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- http://fig-st-die.education.fr/actes/actes_2005/viellard-baron/article.htm



[1] Ce mémoire a été achevé avant les législatives de 2007, certaines analyses peuvent ne pas être tout à fait conformes à l’actualité politique (concernant surtout le taux d’abstention)

[2] En tapant « banlieue » tout simplement dans le moteur de recherche d’archives du quotidien Libération

[3] Voici l’adresse complète de la page web consultée le 18/03/07, http://www.liberation.fr/php/pages/pageSearch.php?recherche=banlieue&select=http%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2Fphp%2Fpages%2FpageSearch.php . En vue de plus de pertinence, seules les réponses affichées sur la première page ont été prises en compte.

[4] A ce sujet voir Bourdieu Pierre, « La jeunesse n’est qu’un mot », in Questions de sociologie, Paris, MINUIT 2002

[5] © Larousse 2005

[6] Cyprien Avenel, Sociologie des « quartiers sensibles », Armand colin, 2005. « Problème social » a été mis en gras par nous.

[7] Paru dans Le Monde du 18 Janvier 1996

[8] LQR, c’est l’expression utilisée par Eric Hazan dans son ouvrage du même titre. Elle a été proposée sous le modèle de l’ouvrage de Victor Klemperer LTI, Lingua Tertii Imperii. Voir LQR, La propagande du quotidien, Eric Hazan, 2006, Seuil.

[9] Op. cit. p.33

[10] Idem

[11] Hervé Viellard-Baron sur http://fig-st-die.education.fr/actes/actes_2005/viellard-baron/article.htm avance : « […] on appelle par globalisation hâtive "le malaise des banlieues ». Consciemment nous utilisons ce terme pour éviter l’expression « problème social ».

[12] Voir la bibliographie qui est loin d’être exhaustive. On pourra se faire une idée du nombre d’ouvrages ayant été écrit sur le sujet.

[13] Sudhir Venkatesh, The Rise and Fall of a Modern Ghetto Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts, 2000. P. 238

[14] Hervé Viellard-Baron, les banlieues, paris, Flammarion, 1996. P. 22

[15] Seigneur Léon Batista Alberti, L’Architecture et Art de bien bastir, Florence éd. princeps, 1485. P.167. Cet ouvrage a été édité et traduit en français à plusieurs reprises. La référence de page peut varier selon l’édition consultée. Il est téléchargeable sur le site Gallica.

[16] Jean-Marc Stébé, la crise des banlieues, PUF, 2002 P.18

[17] Cité par R.H Guerrand, propriétaire et locataires. Les origines du logement social en France (1850-1914), paris Quintette, 1987

[18] Jean-Marc Stébé, idem.

[19] F. Soulignac, la banlieue parisienne. Cent cinquante ans de transformations, paris, la documentation française, 1993.

[20] La banlieue de paris, Seghers, édition de 1996, pp.68 à 70.

[21] Le Monde, 15 juin 1955

[22] Quand on est présenté comme « l’autre », c'est-à-dire comme « différent », cela réconforte et rend « légitime » en quelque sorte la discrimination dont on est l’objet. A ce sujet voir T. Minh-ha, “Not you/ Like You: Postcolonial women and interlocking. Questions of Identity and difference”. In: Dangerous liaisons: gender, nation, and postcolonial perspectives / Anne McClintock, Aamir Mufti, and Ella Shohat, editors. pp: 415-419. Minneapolis : University of Minnesota Press, c1997. Cultural politics (Minneapolis, Minn.)

[23] Voir la définition du Haut conseil à l’intégration

[24] Voir Cyprien Avenel, Sociologie des « quartiers sensibles », P.18

[26] A. Bertho, Banlieue, banlieue, banlieue, pp. 12-13

[27] Source INSEE

[28] Le Monde du 12/10/05

[29] Jacques Donzelot et Philippe Estèbe, L’Etat animateur

[30] Elle considère que « grâce » aux émeutes l’Etat a su prêter attention à la banlieue. Ces propos ont été recueillis par Michel Kokoreff, « Pourquoi mettent-ils le feu ? Des acteurs de terrain racontent », in Mouvements, no 44, mars, avril 2006. p.45

[31] Voir Bernard Schwartz, L’Insertion professionnelle des jeunes, La Documentation française, Paris, 1981

[32] M.-F. Goldberger, P. Choffel …, « Les Zones Urbaines Sensibles », INSEE Première, no 573, 1998.

[33] Cyprien Avenel, « Les émeutiers de la politique de la ville », in Mouvements, ibid. p. 36

[34] Voir C. Grignon, J.-C. Passeron, Le savant et le populaire en sociologie et en littérature, Paris, Seuil, 1989

[35] C. Avenel, Sociologie des quartiers sensibles, Armand Colin, Barcelone, Juin 2005

[36] Idem

[37] Idem

[38] M. Amiot, Contre l’Etat, les sociologues. Eléments pour une histoire urbaine en France (1900-1980), paris, EHESS, 1986

[39] C. Avenel, Sociologie des quartiers sensibles, Armand Colin, Barcelone, Juin 2005

[40] Le fait de parler de français de souche suppose l’existence de français greffé !

[41] Tous les descendants d’immigrés n’ont pas le droit à ce rappel, c’est le cas de certains arméniens, d’Italien, d’européens de l’est. Il leur suffit de changer de nom pour faire oublier leur origine étrangère. Ce qui est plus difficile pour les non-blancs.

[42] Revue, Contre temps, no 13, P. 19 dir. Bensaïd Daniel

[43] Nombreux travaux ont été réalisés la dessus. Voir la bibliographie.

[44] Gérard Baudin et Philippe Genestier, Banlieues à problèmes, paris, la documentation française, 2002

[45] Dans la partie précédente nous avons évoqué les dérives et implications de ce qualificatif.

[46] Jean-marc Stébé, La crise des banlieues, ibid.

[47]H. Bazin, la culture du Hip-hop, ibid.

[48] Op. cit. P.61

[49] Jean Menanteau, les banlieues, Le monde éditions, 1994

[50]Janeczek, Lionnel, http://194.167.255.17/telechargement/memoires/janeczek00.pdf Consulté le 18/05/07

[51] Arthur de Gobineau, Essai sur l'inégalité des races humaines, 1853. A. Hitler s’est beaucoup inspiré de sa théorie.

[52] Ce terme est emprunté à Carole Raynaud Paligot, La République raciale, 1860-1930, PUF, 2006. L’auteure nous montre que la construction et propagation des théories raciales étaient une affaire républicaine. Et cela servait le colonialisme.

[53] Roché, Sébastien., La délinquance des jeunes, paris, seuil, 2001

[54] D. Monjardet, ce que la police fait. Sociologie de la force publique, paris, la Découverte, 1996. Cité Par C. Avenel

[55] R. K. Merton, Eléments de théorie et de méthode sociologiques, paris, Plon, 1965.

[56] Il était à l’époque ministre de l’intérieur (ministre d’Etat)

[57] à part l’exception de la dernière présidentielle dont nous avons ci-dessus parlée

[58] Cyprien Avenel, Sociologie des « quartiers sensibles », P. 85

[59] L. Bui-Trong, « l’insécurité des quartiers sensibles : une échelle d’évaluation », les cahiers de l’insécurité intérieure, n° 14, août-septembre,1993. Et aussi : « Violences urbaines, dans les quartiers sensibles, M. F. Mattei, D. Pumain (coordonné par), Données urbaines, Tome 3, Paris, Economica, 2000, P. 123-136

[60] Cyprien Avenel, 2005 op cit.

[61] R. A. Cloward, L.E. Ohlin, Delinquency and opportunity. A theory of delinquent gangs. N. Y. The free press, 1960. Cité par C. Avenel. La thèse des auteurs se résument ainsi : “la cause de bon nombre de conduites délinquantes réside dans le fait que les occasions de se sont limitées », P. 45. En France O. Galland reprend cette thèse pour les jeunes de banlieue mais en accentuant la profondeur de la frustration. L’intégration culturelle s’accompagne d’ « une perte radicale de tout espoir de mobilité ascendante, même par les moyens illégaux », O. Galland, sociologie de la jeunesse. L’entrée dans la vie. Paris, Armand Collin,1991, P.223.