lundi 26 janvier 2009

Hymne à la voyoucratie


Ayons le courage de dire plus jamais ça

Peuple haïtien, hommes et femmes conscient-e-s ayons le courage de dire : non, nous ne revivrons pas les vingt dernières années qui viennent de s’écouler. Ayons le courage de dire non à l’amnésie qui gangrène notre nation. Ayons le courage de dire tant que les voyous, tant que les criminels n’ont pas été jugés ils ne peuvent pas être réhabilités sur la scène publique comme si de rien n’était. N’allons pas chercher les causes de la débâcle nationale dans l’au-delà. Car elles se trouvent dans la gestion et l’instauration de la voyoucratie dans notre pays ces 20 dernières années.

Oh oui, je me rappelle ce jour-là. J’étais encore en terminale ! Il pleuvait. Après une sieste de 30 minutes, je m’apprêtais à travailler quelques exercices de chimie organique avec des condisciples. Quand soudain j’entendais des tirs sur le toit de ma maison. Celle-ci n’était pas clôturée seul le trottoir la séparait de la rue. La porte de ma chambre donnait sur celle-ci. Pris de panique on voulait sortir pour aller s’abriter chez un ami qui habite un peu plus profond. On allait très vite se rendre compte qu’il était impossible d’ouvrir la porte. Car il y avait des gens qui s’appuyaient dessus. En regardant par la fenêtre nous avons vu 3 chefs de fils du « parti » fanmi lavalas, bien connus, en tenue swat-team lourdement armés accompagnés de deux policiers.

Point n’est besoin de vous dire que la seule légitimité de ces chefs locaux lavalas de terroriser la population est leur appartenance au parti du Président. Ce jour-là, il s’agissait du début d’un simple règlement de compte entre le député et le maire Lavalas de la commune. Cela n’allait pas s’arrêter là. Deux semaines plus tard c’est le local de la mairie, le commissariat, et le local de la délégation dont la réparation venait tout juste d’être financée par un organisme étranger qui allait être incendiés. Une personne (membre du parti fanmi lavalas) a été tuée. elle était coupable d’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment !

Après ces tragédies tout se passe comme si de rien n’était. On est au cœur d’une voyoucratie institutionnalisée. Si vous êtes du bon côté, vous pouvez tuer, détruire voler en toute quiétude. C’est le propre de la voyoucratie.

Peuple haïtien, hommes et femmes conscient-e-s, nous avons longtemps accepté que l’inadmissible soit la règle. Êtes-vous prêts à recommencer à nouveau ? Êtes-vous prêts à assister impuissants à l’égorgement de vos enfants, au pillage des deniers publics ? êtes-vous prêts à commencer à supporter la terreur de la voyoucratie ? Allons-nous laisser Lavalas reprendre le pouvoir (directement) pour ensuite descendre dans la rue avec la certitude de voir des manifestants assassinés ?

Mon intérêt n’est franchement autre qu’Haïti. Je sais que vous êtes nombreux à avoir le même intérêt que moi, mais n’oubliez jamais que la passivité tue. Elle tue vos enfants, vos parents, vos amis. N’oublions pas ceux/celles qui se sont faits assassiné-e-s ces vingt dernières années. Pour elles/eux et nos enfants nous nous devons d’agir

samedi 24 janvier 2009





Qui est responsable de nos malheurs ?

Qui est responsable de nos malheurs ?

Contribution pour une rupture historique

Ce matin Joël est mort « sans » être malade : se maje YO manje-l. Natacha n’arrive pas à travailler à l’école : se fè YO fè-l sa. Jojo est homosexuel : se lakòz vye lwa bò manman-l YO. Quel-le haïtien-ne n’a jamais entendu, sinon prononcé, ce genre de discours ? Quel peut être son impact sur la société dans son ensemble ?

Dans le cas de Joël, le « YO » responsable de sa mort a pour effet de supprimer l’imprévisibilité du corps, d’annihiler la probabilité qu’un corps sous apparence saine puisse être profondément malade. La Mort qui frappe Joël n’est scientifiquement pas explicable, vu sa dimension mystique. L’éventualité qu’une visite médicale préventive puisse sauver Joël est écartée. Point n’est donc besoin de revendication politique pour l’établissement généralisé de visite médicale préventive.

Natacha ne réussit pas à l’école : se fè yo fè-l sa. L’affirmation de la culpabilité de « YO » réduit automatiquement le champ possible de solutions. Si on se contentait uniquement de constater la situation d’échec de Natacha on pourrait essayer de regarder le contexte social (environnemental et familial) dans le quel évolue Natacha. On aurait pu constater qu’en revenant de l’école, la jeune fille a en réalité très peu de temps à consacrer à ses études. Car elle doit repasser, faire le ménage, s’occuper de ses frères, etc. Ce constat obligerait la société à réagir. Comme « se fè yo fè-l sa », le cas de Natacha qui peut être celui de plusieurs milliers d’autres jeunes filles est individualisé. Les parents de Natacha n’ont pas de responsabilité dans l’échec scolaire de leur fille. Donc pas vraiment d’effort à consentir en vue d’une remédiassions. Il s’agit de quelque chose qui les dépasse.

Jojo est Homosexuel : se lwa bò manma-l yo. L’homosexualité n’est plus une orientation sexuelle mais le fait des « esprits » ou des « loas ». Dans les trois cas susmentionnés le responsable est toujours le même : « YO » ! YO, ce n’est pas « je » mais l’« autre ». Les problèmes sociaux ou encore les questions sociétales sont ainsi altérisés et, de ce fait, dépolitisés. Ce processus d’Altérisation et de dépolitisation fonctionne dans notre société comme un ensemble de structures structurantes qui structurent les mœurs et les mentalités. Les échecs individuels sont dus à « YO ». Il ne faut pas l’oublier, YO puise sa force mystique dans le vodou. Donc, la plupart des échecs personnels et individuels causés par « Yo » sont imputables au Vodou.

Quant aux échecs collectifs, notamment la descente aux enfers d’Haïti, ils sont dus aux blancs – dans le sens de l’étranger – (je ne minimise évidemment pas le poids de l’impérialisme dans la politique intérieure de mon pays). L’échec est systématiquement altérisé. Cela a pour effet d’interdire toute remise en question de soi, tout questionnement de sa propre pratique tant individuelle que collective.

A vrai dire, il n’y a pas qu’à l’échec une dimension mystique est attribuée. La réussite également est souvent cause mystique : se pwen misye pran pou-l ka gen lajan, se grann ni li bay, etc. Cette question pourrait faire l’objet d’un texte à part.

L’altérisation de l’échec, qui a pour corolaire la déresponsabilisation de soi et de nous, dépolitise des questions qui sont pourtant fondamentalement politiques : le problème de la non-existence d’une politique sanitaire préventive, dans le cas de Joël, n’est pas posé. La surcharge des taches ménagères de Natacha et surtout l’environnement social qui peuvent être des facteurs déterminants dans son échec sont négligés au bénéfice de la superstition.

Nos responsabilités dans l’échec national sont délaissées, et, parallèlement, notre capacité à nous prendre en charge en tant que peuple minimisée.

Ainsi, nous donnons une excuse non-méritée à nos gouvernants qui privilégient la tribune de l’ONU à toute réflexion digne à des alternatives nationales. Puisque l’autre est responsable de nos malheurs mais aussi le seul capable de les solutionner, nous n’avons qu’à attendre la solution importée !

Pour une Haïti à la hauteur de son Histoire

Paris, 16 janvier 2009

Renald LUBERICE

vendredi 23 janvier 2009

Réponse à Jacques Mali

Mon cher Jacques Mali,

Je dois commencer par te remercier du temps que tu as consacré à cette discussion qui demeure, comme je l’ai expliqué, une distraction vu son caractère cyclique et rébarbatif. Je ne disserterai pas sur ce que tu crois. Tu as le droit de croire à ce que tu veux.

En revanche, cher Jacques, je n’ai pas dit que j’ai pas été au courant des vagues de privatisations des années 90 mais avoir été trop jeune pour assister voire participer au débat. Tu vois Jacques, c’est pas vraiment la même chose. Pour participer à un débat il faut être présent pour en être informé on n’a ni besoin d’être présent ni d’être né ! Les témoins s’en chargent.

Jacques les informations que tu m’as apportées me sont tout à fait utiles. Cependant j’y vois une stratégie de légitimation idéologique. L’idéologie qui veut qu’on privatise en toute circonstance est absurde. Les circonstances obscures dans lesquelles, peut être que je n’ai pas toutes les infos, la minoterie et la cimenterie ont été privatisées ont permis des licenciements mais surtout de diminuer la production locale. Cela a été probablement positif pour la bourgeoisie comprador. Cela a permis de diminuer à volonté la production nationale pour qu’on puisse importer. C’est tellement plus facile d’importer quand on peut faire passer discrètement ses marchandises pour ne pas payer la douane. C’est probablement plus rentable.

Jacques, je te provoque, si tu as les données apporte-les-moi, avec des références bien sûr ! Et je me ferai un plaisir de les analyser. Je suis par ailleurs capable de changer d’avis si je réalise m’être trompé.

Dans des circonstances où les entreprises publiques sont délaissées, la téléco sabotée au profit de titelefòn 2004, il n’est pas difficile de trouver les privatisations rentables. Jacques, il est facile quand on a les cornes des affaires politiques en détenant parallèlement la richesse de la nation de laisser pourrir les entreprises publiques pour ensuite dire : vous voyez, les entreprises publiques ne sont pas rentables il faut les privatiser ! Voilà la vérité qui est dure à entendre. On fait tout ce qui est en son pouvoir pour que cela ne marche pour en suite appeler à la privatisation.

Je suis content que tu prennes l’exemple de la digiciel, car à mon sens c’est une entreprise sérieuse, je défendrai ces genres d’entreprises. Or jacques tu le sais aussi bien que moi, la bourgeoisie comprador a fait tout ce qu’il pouvait pour empêcher à cette entreprise de s’installer. Te rappelles tu jacques les 15 millions de dollars américains qui ont été déposés en espèce au palais national pour pouvoir garder les privilèges du monopole de télécommunication ? Jacques, tant qu’on a un Etat Lespwa/Lavalas, la privatisation c’est ça !

Ma conception des entreprises publiques n’est pas la rentabilité financière à tout prix, mais la rentabilité en termes de services rendus à la population. On fait plus de mal à l’entreprise publique quand on la privatise dans un contexte de l’Etat patrimonial et sultanique et d’entrepreneurs tribalistes.

Cordialement.

Des débats pour nous distraire

Privatisation : des débats en boucle pour nous distraire

Des débats qui nous distraient, qui nous donnent l’impression d’être utiles, qui nous détournent du vrai problème. Des débats qui nous permettent d’exister tout simplement. C’est à cela que je pense quant à la récurrence des discussions relatives à la privatisation.

Je suis sûrement parmi les moins âgés de ces forums, sûrement parmi ceux qui n’ont pas assisté aux débats concernant les vagues de privatisation des années 90, parce que trop jeune. En tant que fils de paysans, je suis également des premières victimes de ces privatisations. Quels en ont été les résultats ? Pourquoi ont-elles ou n’ont-elles pas réussi ?

En effet, je me suis, depuis deux ans, inscrit sur ces forums en y apportant activement ma contribution. Je ne pourrai rien vous apprendre en ce qui a trait des débats cycliques. La privatisation fait partie de ces termes qui viennent, font du bruit et soudain disparaissent. Nous avons beaucoup discuté de la réalité des privatisations, des conditions qui pourraient permettre à la collectivité d’en tirer profit. Cependant, nombre d’entre nous préfèrent soutenir les idées de leur clan en faisant croire qu’ils parlent dans l’intérêt de la collectivité. Il y en a d’autres qui ont l’impression de connaître le système haïtien et qui lancent des idées dans l’air espérant qu’elles y trouvent application.

Nous n’avons eu de cesse de mettre accent sur les faiblesses structurelles qui empêchent d’appréhender l’Etat haïtien de la même manière que les Etats-Unis d’Amérique qui servent de modèle à plus d’un. La privatisation se fait dans le cadre d’une production capitaliste (rationalisation) et de l’existence réelle de l’Etat. On a tous constaté l’échec des privatisations enclenchées vers la deuxième moitié des années 90. Deux raisons majeures ont occasionné cet échec. D’une part la privatisation se faisait dans un contexte de non-existence de l’Etat, d’autre part les acquéreurs s’apparentaient plus à des bandes de mafias qu’à des capitalistes qui visaient la rentabilité des entreprises acquises.

La faiblesse de l’Etat, l’esprit patrimonialiste et sultanique des gouvernants que nous avons eus ces vingt dernières années rendait impossible le prélèvement de taxes sur les entreprises vendues. Taxe qui allaient, je vous le rappelle combler le manque à gagner de l’Etat. Les entreprises vendues ou volées n’ont pas pu servir la collectivité.

Par ailleurs les conditions dans les quelles ces privatisations se font rendent difficilement crédibles tous ceux qui ont appelé et qui appellent à la privatisation. La cession ou vente des entreprises ne se font pas de manière ouverte, c'est-à-dire suite à une discussion parlementaire suivie d’un appel d’offre où l’acquéreur donnant à l’Etat le plus de garantie est privilégié. Les ventes se font de manière tribale où le règlement se fait en espèce ! Tout le monde, à part les complices, ignore les modalités de vente.

Au moment où vous vous demandez si on doit ou non privatiser la privatisation a presque terminé. Ça se passe dans le monde tribal de la République d’Haïti qui réunit les élites politiques et économiques.

Nous pouvons tout de même continuer à en discuter en jouant sur les tableau d’absence et de présence à la fois, en nous distrayant, en réfutant d’assumer nos responsabilités, en jouant au cache-cache, en attendant que les professionnels de la politique du ventre nous construisent une Haïti paradisiaque. Pendant ce temps la descente aux enfers suit son cours !