Du camp des déçus au camp patriotique : Haïti, tu pourras à nouveau être perdante !
Avant tout postulat, mettons les choses au clair pour éviter les amalgames :
1) Je suis contre l’occupation de mon pays
2) Je critique, comme bon nombre d’internautes, l’ « autodéresponsabilisation » des responsables et la corruption en Haïti.
3) Je suis toujours fier de voir des concitoyen-ne-s conscient-e-s du monde qui les entoure et qui agissent en conséquence. En ce sens je ne peux que féliciter l’initiative du « camp » autodésigné « patriotique ».
Cependant j’aimerais attirer l’attention sur le fait qu’une position politique sensée est une position conforme à la finalité recherchée. L’agent sensé utilise toutes les informations dont il dispose en vue de maximiser ses chances de parvenir au résultat souhaité. L’expérience montre qu’en Haïti on fait souvent l’inverse. On concentre toute son énergie à l’action comme si l’action était l’unique but recherché sans se préoccuper de la finalité. Or l’agent devrait se demander instamment : « mon action est-elle conforme à ce que je désire ? » Pour parler plus concrètement, j’ai eu l’occasion de discuter, notamment à Paris, avec des compatriotes qui se sont, à juste titre, mobilisés contre le « voyoucrate » dénommé Aristide. Force est aujourd’hui de constater leur amertume et leur déception. Il ne pensait jamais que la finalité réelle de leur action allait être en fait la substitution d’Aristide par la Minustah et Préval !
Je n’ai pas tous les éléments qui me permettraient de rendre compte de manière très objective de l’initiative du camp autodésigné patriotique en République Dominicaine. J’aurais toutefois pu me questionner sur le sens du lieu choisi eu égard au traitement que réservent les autorités dominicaines à nos compatriotes haïtiens, m’interroger sur l’opportunité éventuelle que représentent les prochaines élections pour un groupe autodésigné patriotique probablement en quête d’existence et de « devenir ». J’aurai pu aussi me demander dans quelle mesure « l’amour patriotique » est-il mobilisable à d’autres fins dans la configuration actuelle. Mais je me garde de le faire. Parce que, si je ne me trompe pas, je crois connaître certains des initiateurs et avoir rencontré quelques uns ou débattu avec eux. Je préfère donc croire à la sincérité de la démarche et me questionner de préférence sur ses finalités éventuelles en partant des postulats des agents initiateurs.
Des considérations très faciles nous ont portés à croire que pour sortir Haïti delà, il suffit de se réveiller un bon matin et d’appeler à « koupe tèt boule ». Cet appel peut se faire en des termes différents mais les finalités sont les mêmes : l’instabilité chronique ! Nous avons été déçus. Soit. Si nous ne voulons pas que Haïti soit à nouveau perdante, nous devons tabler sur la continuité institutionnelle et l’institutionnalisation de la démocratie. Nous pouvons avoir les meilleurs démocrates du monde mais nous n’aurons pas de démocratie sans les institutions démocratiques. La Minustah doit certes partir. Mais demander le non-renouvellement de son mandat est tout simplement irresponsable. Ce qu’il nous faut c’est une feuille de route sérieuse élaborée pas les haïtiens avec l’appui des pays qui s’engagent au sein de cette force d’occupation, en fonction de nos besoins actuels. Le départ de la Minustah devra être graduel. Haïti n’est pas un pays en guerre, nous n’avons donc pas besoin de petits soldats « volò kabrit » qui violent nos sœurs, nos enfants et qui tirent sur nos compatriotes. Nous devrons prioriser au sein de la Minustah des techniciens de haut calibre qui peuvent participer au renforcement institutionnel et non des soldats qui reproduisent en Haïti les pratiques barbares de chez eux.
Nous ne nous débarrasserons pas des forces de la corruption en renversant Préval et/ou son gouvernement. Nous devons en toute circonstance prioriser la stabilité politique si nous voulons que Haïti ait une chance de s’en sortir. Si la demande du Camp autodésigné patriotique est le renforcement institutionnel et la stabilité politique (négociation, compromis, délibération), alors nous pouvons minimiser les petits manquements qu’on leur reproche par-ci par-là et les soutenir. Si ce n’est pas le cas, nous sommes en face du camp des déçus et Haïti sera perdante dans cette affaire !
Renald LUBERICE
Québec, le 07/09/09
lundi 7 septembre 2009
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