jeudi 29 octobre 2009

Mon pays est une nécessité de « rupture » historique.

Mon pays est une nécessité de « rupture » historique.

Les femmes et les hommes se rebellent. Des groupes sociaux souvent hétérogènes s’allient pour s’attaquer à la structure sociale, économique et politique qui, à leurs yeux, ne répond pas à leurs attentes. Ils s’emploient à transcender leurs conditions matérielles d’existence. En résistant par tous les moyens à l’oppression, ils s’attaquent au système institué qui est appelé à changer ou à « mourir ». Le combat contre le système institué, l’ordre établi, est un processus de constitution du chaos. Mais un chaos salvateur. Il se fait dans l’espoir que du chaos s’émergera un nouvel ordre correspondant à notre volonté. La révolution c’est l’incertitude. La peur de cette incertitude inspire nombre « d’esprits conservateurs ». C’est un pari sur l’avenir porté par l’incertitude du « devenir-révolutionnaire », pour ainsi reprendre un concept cher à G. Deleuze. Si une révolution a su donner telle chose, elle aurait pu en donner telle autre. Autrement dit, la Révolution Française a permis l’avènement du gouvernement représentatif et d’un nouveau type de bourgeoisie, la Révolution Haïtienne a fini par donner ce qu’elle a donné. Mais chacune de ces deux Révolutions congénitales aurait pu donner tout autre chose. L’Haïti ou la France d’aujourd’hui n’est autre chose qu’une possibilisation de ces deux processus de constitution du chaos. Possibilisation signifie ici, l’un des résultats possibles (avec l’idée de probabilité).

L’Haïti d’aujourd’hui n’est pas la conséquence directe et obligée de l’histoire. Mais une des possibles conséquences de l’agir de nos prédécesseurs. C’est, autrement dit, une des possibles conséquences de notre passé historique. Sur ce même passé historique Haïti aurait pu autrement « s’autoinstituer » (dans le sens de C. Castoriadis). C’est –à –dire ne pas instituer le chaos comme ordre social. C’est l’une des grandes différences entre ces deux Révolutions congénitales. Du chaos que constitua la Révolution Française, s’est émergée une bourgeoisie un petit peu différente de celle d’avant. Du chaos que constitua la Révolution Haïtienne s’est émergé le chaos comme ordre social, pour ne pas dire qu’elle a engendré un Rien. Le risque bien connu des révolutions est le risque qu’elles tournent mal. Ou qu’elles engendrent des monstres. Entre autre chose, la Révolution Anglaise a engendré Cromwell, la française Napoléon, la russe Staline ! Mais dans chacun de ces cas un autre ordre social est émergé du chaos révolutionnaire. Dans le cas haïtien, on est encore dans le chaos révolutionnaire. A force de perpétuation de ce chaos, il devient l’ordre social même. Et ça, c’est original dans les processus révolutionnaires connus.

Preuve en est que 1804 reste encore la référence explicite ou implicite des pratiques discursives et politiques en Haïti. Pas en ce qu’elle a de glorieux, d’universel. Mais comme processus de constitution du chaos prometteur d’un nouvel ordre social. Nous œuvrons, en tant que peuple, constamment dans le sens de ce processus de constitution chaotique. Des gens censés bien sensés ne font pas la différence entre une proclamation de J.J. Dessalines visant à réunir les haïtiens contre un ennemi extérieur d’il y a deux siècles – et par là même cimenter la nation -, et une situation chaotique produisant une présence étrangère hybride mi-mission/mi-occupation (une espèce de « missopation », quoi !). Alors, ils claironnent avec ferveur sur Internet: « liberté ou la mort ! ». Ils confondent, malgré eux, une situation de déshumanisation où les déshumanisé-e-s, à juste titre, sont déterminé-e-s à s’affranchir quitte à mourir, et une situation ou des citoyens estiment que leur pays n’est plus indépendant (à cause de la « missopation ») et réclament en conséquence l’indépendance. Situation créée en grande partie par « nous », faut-il le rappeler ? Ces pratiques discussives et les violences politiques (du genre père Lebrun) sont reprises comme en 1804. Le processus du chaos veut que la violence physique soit par tout, donc incontrôlée ; la contestation soit le but principal. La perte de contrôle de la violence physique légitime par l’Etat est l’une des conditions de la réussite de la constitution du chaos.

L’ordre social qu’a promis 1804 ne s’est pas encore émergé. On est dans le chaos révolutionnaire institué. Les discours révolutionnaires qu’on entend aujourd’hui sont tout, sauf révolutionnaires. Puisqu’ils vont dans le sens de l’ordre social institué, c'est-à-dire le chaos. Ils ne permettent pas de sortir de cet ordre social mais de le perpétuer ou de le conserver. La démarche consistant à construire le chaos dans le chaos est tautologique et non révolutionnaire. La démarche révolutionnaire est celle qui consiste à « construire » (ou faire émerger) un nouvel ordre social du chaos. C’est ce que je prône et que j’appelle rupture historique. Je dirai qu’une révolution vise à établir une instabilité politique et sociale provisoire pour pouvoir ensuite faire émerger un nouvel ordre social. Mais lorsque l’instabilité politique et sociale devient permanente, s’institue, une démarche visant à la perpétuer n’est pas révolutionnaire mais conservatrice. Les conservateurs se reconnaîtront dans mon discours. Ce dont mon pays, notre pays, a besoin est une rupture historique pour ne pas dire une révolution. Celle-ci a pour leitmotiv la stabilité politique : gage de la prospérité économique et sociale. L’ensemble de nos démarches doivent aller dans sens. La volonté de s’accrocher au pouvoir ou de contester tout et n’importe quoi est centrale dans le chaos comme ordre social qui s’est émergé du chaos de 1804. C’est cela qu’il faut combattre.


Québec, le 23/10/2009
Renald LUBERICE*

lundi 26 octobre 2009

Des actes sauveront Haïti de ses maux et non des mots

Des actes sauveront Haïti de ses maux et non des mots

Quand en Haïti le chaos s’installe
En collusion, quand notre patrie chérie est prise
Quand sa descente aux enfers s’accélère
Viendra une classe d’Haïtiennes et d’Haïtiens
De toutes les ethnies, de toutes les couleurs
De milieux sociaux très hétérogènes
Qui croira aux actes et non aux mots
Et qui restaurera Haïti chérie
Dans sa beauté antérieure
Afin qu’elle redevienne la Perle des Antilles
Ceci est mon plus grand espoir
Cette classe d’Haïtiennes et d’Haïtiens
N’aura pas besoin de s’envoyer des fleurs patriotiques
Car l’histoire s’en chargera…

Renald LUBERICE

jeudi 22 octobre 2009

Les vrais nouveaux faux patriotes ou les pompiers pyromanes ?

Les vrais nouveaux faux patriotes ou les pompiers pyromanes ?



Haïti, je t’aime. Je me protège. Si tu m’aimes comme je t’aime, sacrifie-toi. Sur mes lamentations, tu pourras toujours compter en échange. Telle est l’idéologie des vrais nouveaux faux patriotes. Ils ne se sacrifient pas pour la patrie, mais demandent à la patrie de se sacrifier pendant qu’ils la regardent gémie et pétrie. Pour rendre acceptable leur absurde position, ils évoquent un passé glorieux mais révolu. Un passé glorieux terni par les actes de leurs propres compères. Pour prouver la justesse de leur position, ils nous invitent à considérer les choses telles qu’elles furent et telles qu’elles devraient être et non telles qu’elles sont. Si nous ne faisons pas comme eux, c'est-à-dire réfléchir avec nos tripes et non avec nos têtes, alors nous ne sommes pas des patriotes. Laissez-moi vous décrire les vrais faux nouveaux patriotes.


Quand l’insécurité grimpe en Haïti, tu leur dis : « il est inadmissible que quels que bandits prennent en otage toute une population, il nous faut nous armer de courage et jouer notre rôle de citoyen ». Ils te répondent : « c’est vrai, tu as raison. Men sak mouri, mouri pou je pal ». Quand l’insécurité baisse, ils te parlent des incompétents au pouvoir qui n’arrivent pas à améliorer les conditions matérielles d’existence de la population, tu leur réponds : « nous avons les capitaux culturels nécessaires. Haïti est notre pays, même si nous n’avons pas d’argent, nous pouvons y retourner et participer à la vie de la cité ». « Oui, mais tu sais, on a des responsabilités, des enfants à nourrir, à éduquer, nous ne pouvons pas retourner en Haïti comme ça », rétorquent-ils. En gros, en ce qui a trait à leur vie privée, ils sont prévoyants, ils évitent tant que faire se peut les incertitudes. Mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit de la patrie ?


C’est le « j’m’enfoutisme» : agissons et on verra après. Ça donnera s’que ça donnera ! Lorsqu’il s’agit du pays, ils ne sont plus prévoyants. Ils n’ont que faire du chaos. De toute façon, ils ne sont pas en Haïti. S’ils y sont, les membres de leurs familles sont à l’étranger. Ils ne jurent que par le chaos. Pour eux, la lutte politique n’a qu’un sens : la perpétuation du chaos permanent engendré par l’éternel recommencement. Ils veulent nous faire croire que si on demande la préparation du départ de la MINUSTHA, c’est parce qu’on n’est pas des patriotes ! Etre patriote, c’est faire sa vie à l’étranger et participer sporadiquement aux gouvernements de ses compères. Une fois qu’on a plus de poste gouvernemental, on est « opposant diasporique » ! On ne sait pas construire mais déconstruire : on demande le départ d’Aristide, puis celui de Latortue, ensuite Alexis et aujourd’hui celui de la MINUSTHA.


L’« après » nous importe peu, seul le départ nous intéresse : on est des vrais faux patriotes. Or, ce que je dis – et si cela vous plaît de croire que je suis naïf au point de penser que la MINUSTHA n’est pas là pour défendre l’intérêt de ceux qui l’entretiennent, tant mieux pour vous ! – c’est que la MINUSTHA a su tirer sa légitimé (sa raison d’être) de faits réels. Ces faits-là n’ont pas été inventés (je ne parle pas de leur causalité) : instabilité politique chronique, perte quasiment complète du monopole de la violence physique tenue pour légitime.


Nous avons deux options. Soit nous nous disons que tout allait très bien jusqu’à ce que la MINUSTHA ne gâte tout (option très peu crédible). Soit nous nous disons que même si la MINUSTAH n’est pas à la hauteur de ses prétentions (et que si l’ONU savait stabiliser des pays en situation d’instabilité ça s’saurait !), les problèmes dont l’occupation tire sa légitimité sont réels et nous causent vraiment des difficultés. Je pense que les gens sensés se retrouvent dans cette option. Donc attaquons la MINUSTHA à partir de ces mêmes éléments légitimants. Exigeons la création d’une force publique capable de maintenir la violence physique légitime, orientons l’ensemble de nos actions politiques dans le sens de la stabilité politique et de la continuité institutionnelle. Dès que l’Etat aura récupéré le monopole de la violence physique légitime, il remerciera la MINUSTHA.


Et si les autorités haïtiennes, notamment l’exécutif, ne se résolvent pas à créer cette force publique, la Constitution nous donne les moyens de les poursuivre pour « haute trahison ». Là on est dans une situation d’illégalité, on demande la normalisation.


Un vrai nouveau faux patriote est un fondamentaliste, il ne délibère pas ! Pourtant la chose est claire :

1) La création d’une force publique haïtienne aux cotés de la PNH

2) Le départ des soldats étrangers

3) La fin de la Mission des Nations Unies.


Si vous vous planifiez avant de prendre une décision d’ordre privé, pourquoi vouloir à tout prix l’incertitude pour Haïti ? Moi, je veux, avant de traverser le pont de connaître sa structure et sa capacité à supporter les poids des gens qui m’accompagnent. Arrêtez de jouer les pompiers pyromanes !





Je m’appelle Renald,

Je ne suis pas vrai nouveau faux patriote ni pompier pyromane. C’est grave, docteur ?

mercredi 21 octobre 2009

Leslie Péan : reprenez-vous !

Leslie Péan : reprenez-vous !
Cher Leslie Péan,

Trois expressions utilisées dans vos textes suggèrent que vous vous êtes emporté et qu’il est temps que vous vous repreniez.

La première est l’utilisation de la notion de « sous-hommes » dans votre texte qui, implicitement, vise à culpabiliser (et reléguer à la seconde catégorie) ceux et celles qui ne partagent pas votre opinion et vos choix. Quoi que vous disiez, votre position n’est pas démocratique. Pourriez-vous énumérer, cher Péan, les attributs qui font de vous un homme et que les autres n’ont pas ? Au lieu de corriger le tir, d’admettre que vous vous êtes fourvoyé, vous vous enfoncez en affirmant : « Je maintiens que le système politique en vigueur en Haiti produit des lâches, des gens sans caractère, des sous-hommes /…/ » Heureusement que vous n’en faites pas partie ! Votre position est totalement subjective. Nonobstant la tenant, vous devez, me suis-je dit, avoir de bonne raison. Mais cela ne fera jamais de vous un sous-homme. Il ne peut y avoir de sous-homme ! On peut ne pas être d’accord sur tel ou tel point, nos choix, nos positions et intérêts peuvent être divergents (quoi de plus normal ?), mais nous resterons des hommes, cher Péan, ne l’oubliez jamais.

La deuxième expression est ainsi utilisée « le texte de Renal[d] Luberice que tu recommandes est une collection de paroles qui affichent les immenses trous que ce jeune (c’est moi qui mets en exergue) a dans la connaissance de l'histoire de son pays natal. Ce texte de Lubérice ne contient aucune pensée articulée sur les vraies causes de l'échec national. » Ah oui ? Je ne sais pourquoi vous vous êtes offusqué lorsque j’affirme que mes ainés ont formulé des hypothèses les unes plus tautologiques que les autres. Avez-vous au moins compris que le but du texte n’était pas de formuler une pensée articulée sur ce que vous appelez « les vraies causes de l’échec national », mais de mettre en exergue la carence méthodologique de la démarche des pétitionnaires nationalistes du Web dont, je crois, vous faites partie ? Avez-vous relevez qu’il s’agissait d’une hypothèse (qui est de part sa nature une réponse provisoire) ? Cher Péan, accordez-moi la possibilité d’étayer cette hypothèse ailleurs. Vous avez, vous-même, tenté d’expliquer nos débâcles dans plusieurs volumes, a priori ce n’est pas aussi simple, que vous semblez l’insinuer. L’utilisation de la notion de « jeune » n’est à mon sens pas innocent. C’est la suite logique de votre démarche consistant à étiqueter pour décrédibiliser. Si on est « jeune » ou « sous-homme », on est moins crédible que Péan qui est homme et vieux, de surcroit. Cher Péan, depuis Pierre Bourdieu (« La jeunesse n’est qu’un mot » in Question de sociologie (1978), Paris, Ed. de minuit, 1984), on ne peut plus se permettre d’utiliser l’expression « jeune », comme si cela allait de soi. Elle ne renvoie pas à la date de naissance mais à un statut social. Maintenez-vous toujours que je suis un « jeune » ? Ou un sous-homme, peut-être (si on part de l’hypothèse, que je ne signerai pas cette pétition !).

La troisième expression procède du même esprit : catégoriser des gens et ensuite décider de la valeur politique de leur position ou s’ils sont aptes à avoir une position politique valable. Elle est ici formulée : « [Ray] je ne te laisserai pas te perdre dans cette voie de garage de gens qui sont nés de la dernière pluie dans le combat politique. » A vrai dire les mots que vous utilisez, cher Péan, montre que vous êtes de la vielle école : quand vous n’êtes pas d’accord avec quelqu’un vous l’insultez, vous vous attaquez à son prétendu statut social, même si vous ne le connaissez pas. Dans cette expression, ce qui ressort est la date de naissance qui attribuerait de la légitimité à la position politique de l’individu. Savez-vous, cher Péan, qu’en démocratie les choses ne sont pas ainsi faites ? Cette position aurait pu être valable dans un autre régime politique dénommé : gérontocratie (où les vieux gouvernent). En gouvernement représentatif vos postions ne sont pas tenables. Je compte donc sur vous, cher Péan, pour vous reprendre.

Ps : Je remercie toutes celles et tous ceux qui, comme Emmanuelle et Ray, continuent d’aborder ce problème avec beaucoup de lucidité.

Bien cordialement

Renald Lubérice.

Ci-dessous le texte de Péan.



Salut Ray,

Pourrais-tu bien vouloir m'indiquer la référence au texte, courriel ou message qui traite de "sous-homme" ceux qui ne veulent pas signer la pétition demandant un calendrier pour le départ de la MINUSTAH ?

Je profite aussi de l'occasion pour te dire que le texte de Renal Luberice que tu recommandes est une collection de paroles qui affichent les immenses trous que ce jeune a dans la connaissance de l'histoire de son pays natal. Ce texte de Lubérice ne contient aucune pensée articulée sur les vraies causes de l'échec national. Il est absolument faux de prétendre que "la principale cause de la constitution du chaos qui a engendré la MINUSTHA (sic) et qui engendrera la République Dominicaine, si nous ne prenons pas conscience, est la folie révolutionnaire permanente qui ne nous a pas quittés depuis 1804". C'est tout simplement de la fumisterie.

Les discussions fumeuses concernant la MINUSTAH relèvent à parler du sexe des anges. Ces troupes armées onusiennes doivent partir d'Haiti. Un point c'est tout. Un leve kanpe contre leur présence est à l'ordre du jour. C'est une situation de guerre et dans ce domaine, malheureusement, il n'y a pas beaucoup de places pour l'indécision. On est d'un côté ou de l'autre. Il faut offrir à chaque Haitien qui a le sang de Dessalines dans ses veines l'occasion de donner sa contribution au renvoi de ses soldats onusiens chez eux. Il faut laisser les Haitiens régler leurs propres affaires entre eux.

Reprends-toi Ray, je ne te laisserai pas te perdre dans cette voie de garage de gens qui sont nés de la dernière pluie dans le combat politique.

Cordialement,

Leslie

dimanche 18 octobre 2009

Si je n’avais pas lu l’histoire : je vous aurais pris au sérieux ! {Suite}

Si je n’avais pas lu l’histoire : je vous aurais pris au sérieux ! {Suite}

Je prendrai le risque de décevoir les amateurs de discussions circulaires: je ne répondrai que sur la base de ce que j’ai écrit et non sur ce qu’ils ont voulu lire. Ray a su très bien mettre en exergue le contenu de mon texte. Je l’en remercie. Ce qu’on a voulu signaler dès le départ est un problème de méthodologie qui pourra avoir pour effet la répétition des erreurs du passé. D’où l’importance d’avoir lu et de lire l’histoire !

Déjà, au fond de moi-même, je me dis qu’il fallait vraiment être en mal d’inspiration pour se faire appeler « Camp patriotique ». Dans le contexte actuel nous avons davantage besoin de position fédératrice. Aux fallacieux « va-t-en-guerre » qui se cachent derrière leur petit écran pour nous assaillir à coups de cris « Liberté ou la mort ! », je voudrais tout de même dire : si Dessalines était à votre place et qu’il avait le sentiment (objectif ou subjectif) que la patrie est menacée, il ne demanderait pas à l’envahisseur de lui constituer une armée de 5000 hommes pour sécuriser ses frontières ! Il aurait réuni les hommes qu’il faut et dit aux envahisseurs : vous partez ou je vous mets dehors.

La question est-ce qu’on est « Oui ou Non » pour le départ de la Minustah est un non-sens. Aller demander à la MINUSTAH si elle est pour le départ de la MINUSTAH, elle vous répondra probablement oui. Donc, conclusion des amateurs de discussions circulaires : la MINUSTHA est pour le départ de la MINUSTHA. On est donc dans le même Camp patriotique ! La question est plutôt : Quand et comment ? C’est pourquoi j’ai parlé de méthodologie qui ne se résume pas à un résonnement binaire véhiculé par des nationalistes du Web.

Aujourd’hui la MINUSTAH est dans le pays. C’est un fait. Notre devoir en tant qu’Haïtien-ne-s est de faire en sorte que plus jamais nous (et les générations futures) n’ayons besoin d’une force étrangère en Haïti. Un départ précipité de la MINUSTHA, donc une transition mal préparée, aura certainement pour conséquences, si nous avons de la chance, une prochaine mission de l’ONU, sinon une tutelle de la République Dominicaine. Elle le fera pour notre malheur et pour l’histoire. Sortez de votre bulle et vous comprendrez ! Cessez de faire croire que vous tenez plus à Haïti que d’autres : agissez et par vos actions l’histoire jugera !

Ps : je n’ai pas tenu compte de toutes les interventions dans l’espoir que ce nouveau texte puisse mettre en exergue la question essentielle : la méthodologie. En ce qui concerne mes « rires », je pense que tout le monde a le droit de rire ou de pleurer quand cela l’enchante, et ce, sans l’autorisation du Chapeauteur !
Bon dimanche !
Renald

samedi 17 octobre 2009

Si Je n’avais pas lu l’histoire : je vous aurais pris au sérieux !

Si Je n’avais pas lu l’histoire : je vous aurais pris au sérieux !

Qui peut prendre au sérieux les nationalistes haïtiens du Web, les pétitionnaires fondamentalistes, les « va-t-en-guerre » fallacieux qui nous assaillent à coup de cris : liberté ou la mort ? Personne ! Personne à part eux-mêmes. Les haïtiens qui se soucient réellement de l’amélioration du sort du peuple haïtien et la prospérité d’Haïti ne les prendront pas au sérieux. Non. Parce que, comme moi, ils ont lu l’histoire de notre pays.
De mon silence, qui pourrait avoir l’air complice, je sors. Sous mes yeux, j’ai la chance de voir l’histoire se répéter. Sous forme de farce, bien sûr. Car nous n’avons rien appris de nos historiques tragédies. Nous ne craignons pas d’être risibles, puisque la comédie est notre affaire. Que nous importe le sort des générations futures ! Aujourd’hui nous ne savons pas nous prendre en charge, nous avons la MINUSTAH sur le dos. Dans 15 à 20 ans, si comme les nationalistes haïtiens du web et pétitionnaires fondamentalistes, nous agissons, nous aurons la République Dominicaine comme tutrice.
Pour expliquer nos débâcles en tant que peuple nous avons formulé toute sorte d’hypothèses. Les unes plus tautologiques que les autres : le sous-développement d’Haïti est dû à la non-émergence de l’Etat moderne ; la non-émergence de l’Etat moderne est dû à la non-institutionnalisation du vivre ensemble, etc. Or, il est plus plausible d’affirmer que la principale cause de la constitution du chaos qui a engendré la MINUSTHA et qui engendrera la République Dominicaine, si nous ne prenons pas conscience, est la folie révolutionnaire permanente qui ne nous a pas quittés depuis 1804. Elle engendre soit le sultanisme soit l’instabilité politique chronique. Le sultanisme et l’instabilité politique chronique sont à la base de la déchéance historique. Le fait qu’il n’y a pas eu de transition post-duvaliériste mais un pur et simple dessouchage (dechoukaj) a engendré ces 25 dernières années d’absurdités politiques et socioéconomiques.

Pour comprendre notre histoire et les causes de nos désarrois, il faut la découper en séquences. Il est courant en Haïti d’appréhender l’histoire uniquement de manière holistique. Ce faisant, beaucoup de choses nous échappent. Et les erreurs se répètent ! Nous traversons une phase cruciale de notre histoire. Si nous voulons cette fois-ci réussir, il faut, comme je le dis maintenant depuis trois ans, un calendrier précis avec des taches précises pour la MINUSTHA. Le renouvellement annuel est un leurre qui crée une situation de tension permanente, organise une précarité institutionnelle et ne permettant pas une projection à long terme. Le calendrier prévoira un retrait progressif de la MINUSTHA, et l’ONU pourra prendre conscience de son échec ou sa réussite. Le fait de dire qu’il s’agit d’une mission de stabilisation est aussi un leurre. Puisque personne ne saura évaluer cette « stabilisation ». Par définition la stabilisation est processuelle. Quand s’arrêtera le processus ?

Faire de la politique de manière systématique exige un certain nombre de sacrifice que les pétitionnaires du Web ne sont pas prêts à faire. C’est tellement plus confortable de rester derrière son ordinateur et de crier : « Liberté ou la mort ! ». Combien de pétitionnaires du web sont-ils prêts à prendre les armes, si besoin était ? Entre 2001 et 2003, j’ai suivi de près des groupes armés qui réclamaient le départ d’Aristide en Haïti. Entre 2003 et février 2004, j’ai rencontré à Paris nombre d’actuels pétitionnaires qui manifestaient en vue du départ d’Aristide. Je peux vous assurer qu’ils procèdent toujours de la même logique : renvoyons-le et on verra après. C’est ainsi qu’on fait de la politique en Haïti. Personne ne prend le temps de réfléchir le jour d’après. Une fois que le chaos se produit, ils disent que c’était mieux avant.

En 1986, j’avais 4 ans. L’histoire ne s’est donc pas déroulée sous mes yeux attentifs. J’ai tout de même entendu de façon répétée des gens disant que c’était quand même mieux sous Duvalier, que sous Aristide on avait tout de même un brin de souveraineté. En cas d’un départ précipité de la MINUSTHA, les pétitionnaires fondamentalistes, les « va-t-en-guerre » fallacieux qui nous assaillent à coup de cris : liberté ou la mort seront les premiers à le regretter. Mais n’oubliez pas : si Haïti ne se prend pas en main dans la décade (dans le sens anglais), la République Dominicaine le fera à notre place, pour notre malheur et pour l’histoire.

A bon entendeur salut !

Québec, le 17 octobre 2009

vendredi 16 octobre 2009

Question de citoyenneté : adresse à Lyonel Trouillot

Question de citoyenneté : adresse à Lyonel Trouillot

Monsieur Trouillot,

Je suis avec beaucoup d’intérêts vos chroniques et apprécie vos tentatives de problématiser des questions qui, en général, sont considérées dans en Haïti comme allant de soi et ne constituant donc pas de problèmes en soi, voire de problèmes politiques. Votre accroche dans la chronique du 01/10/09 parue sur le site de la Radio Kiskeya, reflète bien cette situation. Vous affirmez que depuis votre essai, que j’ai pris un énorme plaisir à lire, intitulé « Haïti, (re)penser la citoyenneté », rien « n’a été fait pour aménager une sphère commune de citoyenneté ». C’est un fait. Cependant une question en apparence toute simple me vient à l’esprit : pourquoi ? Je n’ai nullement la prétention, ni la capacité d’apporter réponse à cette question. Je tenterai néanmoins de participer à votre essai de problématisation, si vous me le permettez.

Partons du postulat, comme il est admis dans la Science politique contemporaine, que la politisation se fait en trois étapes. La première consisterait à identifier le problème, la seconde à le faire valoir comme problème social (c’est ce que vous tentez de faire, me semble-t-il) et la dernière à son accaparement par les politiques qui le considèrent comme effectivement politique en tentant d’y apporter une réponse politique. Le point de blocage de la question de la citoyenneté se trouverait entre la deuxième et la troisième étape. Sa problématisation en tant que problème social reste inachevée, et les politiques ne le considèrent pas comme un problème politique auquel il est bon de trouver une solution. Du moment où vous avez fait votre essai à aujourd’hui, la question de la citoyenneté n’a toujours pas constitué aux yeux de nos politiques un problème ! Les entrepreneurs politiques n’ont pas réussi à le faire valoir en tant que tel.

L’Etat haïtien, l’ « ordre social » chez nous, se base sur l’exclusion. L’identité est toujours mouvante. Elle se construit de manière relationnelle et/ou « réactionnelle ». Il faut probablement envisager l’émergence de l’Etat d’Haïti comme une collusion Etat vs Bourgeoisie au détriment des « sans-parts », notamment ceux dont les parents étaient encore en Afrique. Et comme vous l’avez bien affirmé, les mobilités sociales individuelles n’ont presque pas d’incidence sur la structure issue de cette collusion et qui est appelée à pérenniser.
Lorsque vous affirmez : « La bataille est donc pour sortir individuellement du groupe défavorisé auquel on appartenait pour rejoindre un groupe duquel on était exclu, et de faire jouer soi-même les mêmes mécanismes d’exclusion dont on était hier la victime. » Vous me faites penser à la fameuse « classe en soi », « classe pour soi » qu’a théorisée K. Marx. Les groupes en question (la « bourgeoisie » exceptée) forment peut-être des « classe en soi » mais sont loin d’être des « classe pour soi ». Je ne pense pas qu’il y ait une conscience de classe dans ces cas précis. Et même s’il y en avait, le seul fait de transcender sa condition de classe fait qu’on n’a plus les mêmes intérêts avec nos anciens « compagnons de classe ». Et donc, si on veut continuer à maximiser ses intérêts, on ne peut plus aller dans le sens de ceux qui n’ont plus le même intérêt que soi.

En ce qui a trait au « populaire », le mot seul est déjà l’objet d’une dévalorisation. Cet adjectif, de Platon aux théoriciens « postmodernistes », est synonyme (faux) de plèbe, de vulgate, de canaille, etc. D’où la misère de la culture dite populaire.
Je serai moins optimiste que vous quant au patriotisme et au mercenariat des bourgeoisies américaines et françaises. Ce que vous dites n’est pas faux mais je crois que toute bourgeoisie agit en fonction de ses intérêts (ou ce qu’elle croit l’être). Il se trouve que les activités se déroulant au tour des fêtes nationales concordent aux intérêts des dites bourgeoisies, alors on a l’impression qu’elles sont plus patriotiques et plus éclairées que la notre. L’Etat sert indéniablement la bourgeoisie, il entreprend un rapport incestueux avec elle. Et lorsqu’il menace de ne plus la servir, elle se révolte et fait alliance si nécessaire avec celui qu’elle considérait jadis comme de la « canaille ». C’est une alliance provisoire puisque les intérêts ne sont pas les mêmes. Aussi tôt que la situation retourne à la normale chacun/e regagnera sa place.

Aujourd’hui le débat, à mon sens, n’est pas de se demander pourquoi notre bourgeoisie est moins « gentille » que les autres bourgeoisies. Mais de se demander qu’est ce qui fait le rapport bourgeois/Etat est si différent en Haïti qu’ailleurs ? Comment fonctionne la bourgeoisie haïtienne, où sont ses intérêts ? Mon hypothèse est que si on fait vaciller ses intérêts actuels, elle sera amenée malgré elle à changer de comportement. Il importe donc d’identifier ces intérêts !

Renald Lubérice,

mercredi 7 octobre 2009

Faculté de Médecine / Un brin d’intelligence politique pour une réforme en profondeur

Faculté de Médecine / Un brin d’intelligence politique pour une réforme en profondeur


Par Renald Lubérice*

paru dans Le Matin du 07/10/09

Il est inconcevable qu’en 2009 nous n’ayons que 2,7 médecins pour 10.000 habitants. Oui, c’est bien joli de l’affirmer, me diriez-vous ! En plus, cela fait consensus. Des plus démunis aux hautes autorités haïtiennes, tout le monde s’accordera là-dessus. Ces dernières années, on n’a eu de cesse d’assister à des luttes politiques intenses parfois sauvages. Mais combien d’entre elles se portaient sur un vrai problème de société ? Il s’agit toujours de luttes pour la répartition du/des pouvoir/s, sur le choix du Premier ministre, etc. Y a-t-il eu un projet de société ayant cristallisé les oppositions du fait que le gouvernement pense qu’il faut y apporter tel type de solution, tandis que d’autres disent qu’il lui faut apporter telle autre ? Non. Si le débat politique ne se porte pas sur la répartition des pouvoirs, il se fait sur des questions purement «métaphysiques ». En tout cas, si l’objet n’est pas en soi métaphysique, la manière dont nos « entrepreneurs politiques » l’abordent lui attribue une dimension que seuls les connaisseurs du monde de l’au-delà sauront comprendre et résoudre. Étant donné l’absence de ces êtres surnaturels, on ressasse toujours les mêmes discours avec le sentiment que les choses ne s’améliorent guère. Ce papier concernant la réforme de la faculté de Médecine et de Pharmacie sera justement une tentative d’aborder une question de société avec des propositions concrètes qui nous, j’espère, épargneront l’engouffrement dans le monde de l’au-delà.


En Haïti, nous avons les ressources les plus précieuses à notre développement socioéconomique : des femmes et des hommes. Mais nous refusons de les utiliser à bon escient. La réforme dont je vais parler concerne moins la structure de la faculté – qui a certainement besoin d’être réformée, mais que je ne connais pas bien – que la manière de l’optimiser afin qu’elle puisse remplir sa mission première : former des médecins au service des Haïtiens. Souvent, dans les luttes internes à l’UEH, on oublie que l’Université se doit d’être au service de la société et non l’inverse. Parfois, il y a des petits malins qui se plaisent à croire que l’Université doit être au service de l’Université, avec une fâcheuse tendance d’isolation.
L’Université, soi-disant autonome, n’a que faire de la demande de formation en médecine de nos jeunes et, par ricochets, du besoin de la population en professionnel-le-s de santé. Tous les ans, des milliers de jeunes Haïtien-ne-s partent faire leur formation juste à quelques kilomètres d’Haïti en langue espagnole. Cela n’interpelle personne. Cette attitude déconcerte l’une des théories des institutions économiques, politiques et sociales, pourtant largement admise. Celle d’Hirschman. En effet, il y a deux principaux moyens d’amener une entreprise ou une institution à se réformer. Soit une partie de la clientèle fait défection (exit) – l’entreprise ou l’institution qui s’en rend compte va s’interroger et prendre les mesures de redressement nécessaires-, soit une partie de la clientèle prend la parole (voice), espérant que la protestation verbale va interpeler les dirigeants. Il y a une autre possibilité qui est le loyalisme qui ne m’intéresse pas ici. Cette théorie suppose que les dirigeants soient attentifs aux réactions de la clientèle. Sauf que dans le cas de cette faculté, et plus généralement des autorités publiques, c’est le « J’m’enfoutisme » qui règne. Donc la demande des jeunes Haïtiens et de la société dans son ensemble leur passe au-dessus de la tête. Pourtant le seul fait que des jeunes Haïtiens puissent aller faire leurs études à l’étranger et payer en devises étrangères prouve qu’il ont des ressources économiques, et qu’ils seraient prêts à payer si la faculté pouvait leur offrir un service équivalent. Comment résoudre ce problème ? Je crois à l’autonomie des institutions d’études supérieures publiques et non à leur indépendance. La solution a, à mon sens, deux volets.


Le premier est fondamentalement politique. Le second renvoie à la capacité de gouvernance de l’UEH. Tout le monde sait, et pas besoin d’être à l’intérieur de l’UEH, que l’Université manque énormément de moyens tout comme l’État haïtien dont le budget est tributaire de l’étranger. Mais nous ne pouvons pas attendre indéfiniment que les cailles du ciel nous tombent sur la tête. Il faut optimiser nos maigres moyens en vue de la résolution de nos problèmes socioéconomiques. La faculté de Médecine peut et doit former les médecins dont nous avons besoins. Il faut pour cela renforcer sa capacité d’accueil et lui doter de matériels pédagogiques, scientifiques et les ressources humaines nécessaires. Où trouver l’argent ?
Dès la classe de seconde, TOUT élève haïtien doit avoir suffisamment d’informations sur les filières de l’UEH et les modalités de concours. Les dates et les modalités des concours doivent être affichées dans TOUS les établissements supérieurs dotés d’une ou de plusieurs classes de terminale au moins trois mois à l’avance. Chaque étudiant reçu en médecine et/ou dans les professions sanitaires aura la possibilité d’un prêt-bourse couvrant l’ensemble des coûts de la durée de ses études. Ceux qui en ont les moyens peuvent choisir de payer leur scolarité sans utiliser le prêt-bourse que l’État haïtien mettra, de concert avec des établissements bancaires partenaires, à disposition des étudiants en médecine et/ou en professions sanitaires. Le prêt-bourse se fera à taux zéro. Chaque bénéficiaire aura le choix de rembourser l’État à l’issue de la formation ou s’engager formellement à rester en Haïti et travailler pour le compte de l’État pendant une période allant de 5 à 10 ans.


Le montant de la scolarité sera fixé en fonction du coût réel de la formation. Cela permettra à la faculté de proposer un salaire compétitif à l’échelle régionale aux enseignants. Nous attirerons ainsi les meilleurs enseignants haïtiens partis à l’étranger et les étrangers désirant enseigner en Haïti. La faisabilité de cette réforme dépend d’une réelle volonté politique. Haïti est capable de s’endetter pour acheter des voitures de luxe pour ses ministères. Pourquoi ne le pourrait-elle pas en vue de la formation de ses médecins ?
Cette réforme nécessite une bonne gouvernance au sein de la faculté avec de la transparence tant au niveau du recrutement des futurs médecins et professionnels de santé que de la gestion du budget. Je ne doute pas que nos dizaines de prétendant à la magistrature suprême aient de meilleures idées. J’aimerais juste qu’ils commencent à les partager avec nous.

*Doctorant contractuel en Science Politique à l’Université Laval (Canada) et à l’Université Paris 8 (France)