mardi 20 avril 2010

L'approche des choix rationnels et les paradigmes traditionnels en RI

En quoi l’approche des choix rationnels diffère-t-elle des paradigmes traditionnels en Relations internationales tels que le réalisme, le libéralisme ou l’institutionnalisme libéral ?

David A. Lake et Robert Powell voient dans les différentes divisions subsistant au sein des Relations internationales un blocage au progrès de la connaissance dans ce champ. C’est pourquoi ils se proposent de « pull together many diverse strands of existing theory and research in international relations[1] » dans ce qu’ils appellent une approche de Choix stratégique. Selon eux, les choix des acteurs, qu’ils soient étatiques, militaires, entrepreneurs ou autres sont souvent stratégiques. « each actor’s ability to futher its ends depends on how others actors behave, and therefore each actor must take the actions of others into account. [2]».

On ne peut comprendre la coopération internationale sans la prise en compte des choix stratégiques des acteurs et l’interaction entre les différents choix. Il s’agit là d’une première ligne de démarcation majeure d’avec réalisme classique qui prétend que l’Etat est le seul véritable acteur international, que les rapports internationaux sont principalement composés de rapports intergouvernementaux, et qui ne descend pas au niveau des interactions à l’intérieur des unités (Etat). L’approche du choix stratégique fait primo des problèmes stratégiques et d’interaction l’unité d’analyse. L’interaction entre deux ou plusieurs acteurs constituant l’unité d’analyse pourvoit une meilleure compréhension des relations internationales. Secundo, elle fait la distinction entre l’acteur et son environnement (« actors are difined by the préférences and beliefs they hold, and the environment is disaggregated into the set of actions and the information available to the actors.[3] »). Cette distinction distingue les choix rationnel des paradigmes traditionnels en Relations internationales tels que le réalisme, le libéralisme ou l’institutionnalisme libéral. Tertio, il s’agit de l’approche méthodologique « to anlyzing strategic problems or, perhaps more accurate, a set of methodological bets about what will prove the productive ways to think about strategic interactions. /…/ the strategic-choice approach is agnostic toward the appropriate level of analysis in international relations, presumes that interactions at one level aggregate into equilibrium perspective, and avoids, when possible untheorized changes in préférences or beliefs as explanations of changes in observed behaviours. [4]»

Contrairement aux autres approches qui mettent accent sur le niveau d’analyse, l’approche du choix stratégique met avant le fait qu’un acteur en relation internationale ou pas adopte le même comportement face à un problème stratégique. « The levels-of-analysis approach tends to obscure this similiarity by emphasing the level at which causes are located, whereas the strategic–choice approach brings this similarity to the force.[5] » Cette position permettra, selon les auteurs, d’intégrer pleinement les Relations Internationales dans la Science Politique.

L’analyse des stratégies des acteurs en situation de décision est négligée par le Libéralisme. Bien qu’il faille reconnaître le caractère éclectique de cette théorie, ses adeptes mettent accent sur les instruments juridiques, les échanges et la communication, l’organisation du régime ou encore les institutions politiques. La primauté du droit international, la constitution, la méthode scientifique et l’organisation capitaliste de l’économie en constituent approximativement la base. Ce n’est pas l’anarchie qui dicte le comportement des souverains mais un système de droit. Bien entendu les libéraux croient que les individus et les organisations internationales jouent un rôle important dans les relations internationales contrairement aux réalistes. Les libéraux contre ces derniers avancent que « l’action internationale de chaque Etat s’explique davantage par le jeu des acteurs sociaux que par l’existence d’un improbable intérêt national que des dirigeants rationnels tenteraient de faire valoir. /…/ La capacité de chaque Etat de réaliser ses préférences dépend donc de la configuration des préférences de l’ensemble des Etats[6] ».

Là encore, le fait de mettre accent sur le jeu des acteurs sociaux, ou de leur prise en compte dans les relations internationales, on est davantage susceptible de trouver nombre de points de convergence entre les libéraux et les tenants du choix rationnels. Or pour les réalistes, tentant de présenter le monde tel qu’il est, les intérêts des Etats s’articulent autour de leur instinct de survie. L’Etat est considéré comme le seul acteur international, les rapports internationaux sont principalement composés de rapports intergouvernementaux. Les acteurs se comportent comme des acteurs unitaires et homogènes. La puissance est une valeur importante. La politique internationale peut être réduite à la guerre, la sécurité des grandes puissances et les concurrences économiques, la montée et la chute de grandes puissances, et la formation et la dissolution d’alliances.

Alors que les tenants des choix rationnels postulent la scientificité de leur approche, des doutes subsistent quant aux prétentions scientifiques du réalisme (Aron, Buzan, Gilpin, etc.). Certains, comme Morgenthau, avancent pour réfuter ce postulat de scientificité que les principes de la science sont « toujours simples consistants et abstraits, le monde social est compliqué incongru et concret[7] », appliquer les principes de la science au monde social est ou bien futile ou bien fatal. Quand les choix rationnels tentent de trouver des points de convergence entre les différentes théories, le Réalisme à travers, notamment l’un des six principes postulés par Morgenthau, met accent sur une différence réelle et profonde avec les autres écoles de pensée. Les réalistes croient qu’il est impossible de juger les actions de l’Etat selon les mêmes critères que les actions individuelles.

L’approche stratégique se veut théoriquement inclusive. Elle assume le fait que les acteurs, bien qu’ils puissent commettre des erreurs, poursuivent leur but du mieux qu’ils peuvent. Les acteurs utilisent les informations à leur disposition, ils ont des préférences (peu importe le cadre où ils interagissent). Il est à noter que selon des tenants de cette approche, « international relations theorists oftent use the terme of préférences in ambigous and conflicting ways, and this has veen a source of considerable confusion[8] ». Les croyances des acteurs influent sur leur préférence. L’accent mis sur la séparation entre les acteurs et leur environnement différencie fondamentalement les choix rationnels des paradigmes traditionnels. L’approche des choix rationnels « presupposes that many important issues in international politics can be studied fruitly by assuming that sbstate actors interact, that this interaction effectively aggregates these actors into states, and that these states, in turn, interact with each other. At the most basic level, individuals are the actors.[9] »

Pour les tenants de cette approche, le Libéralisme et le Réalisme ne traitent pas de l’interaction stratégique « as their focus and unit of analysis, these two principal paradigms, with their numerous variants, and many second- and third-image theories typically share a concern with strategic interaction. As such, these other paradigms are generally compatible with strategic-choice approch.[10] »

Par ailleurs, au lieu de se référer à la nature humaine pour expliquer les causes de la guerre l’approche stratégique préfère se questionner sur les raisons qui feraient que l’Etat choisisse la guerre à la négociation. Cela est dû, en fait, à la « privation » d’information[11]. Mais il faut ajouter « the fact that states have incentives to misrepresent their positions is crucial /…/ to clarify disagreements about relative power or to avoid the miscalculation of resolve[12] ».

Enfin, la différence entre les choix rationnels et les approches traditionnelles s’expriment essentiellement au niveau ontologique et épistémologique. Avec le réalisme la question se pose au niveau de la rationalité prêtée à l’Etat. « Realism has often been paired with the assumption of rational and unitary state actor, but its Relationship with rationalist theorizing has been uneasy, in both classical, powermaximizing and its neorealist and structural variants[13] ».

Renald LUBERICE

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[1] David A. Lake and Robert Powell, Strategic Choice and International Relations, Pinceton, Princeton University Press, 1999, p. 3

[2] ibidem.

[3] Ibidem, p. 4

[4] ibidem.

[5] David A. Lake and Robert Powell, op. cit., P.5

[6] O’Meara, Macleod (dir.), Théories des Relations Internationales. Contestations et résistances, Montréal, Athéna éditions, 2007, P. 104.

[7] Voir O’Meara, Macleod, op. cit., P. 38

[8] David A. Lake et Robert Powell, op. cit. p. 9

[9] Ibidem, p. 14

[10] Ibidem, P. 29

[11] Voir James D. Fearon, « Rationalist explanations for war », International Organization, 49, 3, Summer 1995, pp. 379-414.

[12] Ibidem, P. 391

[13] Miles Kahler, « Rationality in International Relations », International Organization, 52, 4, Autumn 1998, pp. 919-941.

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