Haïti : faut-il privatiser les entreprises publiques ?
Lorsqu’une entreprise est dans une situation où l’Etat détient la majorité de son capital on dit qu’il s’agit d’une entreprise publique. Aujourd’hui la logique néolibérale dont le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) servent de punching-ball veut que l’Etat remplisse les fonctions régaliennes – à savoir la sécurité territoriale, la sécurité publique intérieure, la justice et l’émission des billets (dans le cas de l’Europe la Banque Centrale est communautaire les Etats concernés, pris individuellement, semblent démis de cette dernière fonction)- et laisse les autres activités au marché, à des initiatives individuelles. Il s’agit donc d’un Etat minimal. Nombreuses Organisations, notamment les Altermondialistes, se posent en opposants acharnés à cette logique néolibérale qui prône la marchandisation (commodification ou commoditization en anglais) du monde. Qu’en est-il du cas d’Haïti ? Faut-il défendre un Etat minimal ou un Etat maximal dans lequel l’Etat gère tout ? Haïti est-elle prête ?
Un Etat minimal comme veulent l’imposer les institutions financières internationales à travers leurs programmes d’ajustement structurels ou stratégies globales de développement n’est possible que dans le cadre d’un Etat au sens moderne du terme. C'est-à-dire dans son acceptation wébérienne « une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé (…) revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime. Ce qui est le propre de notre époque, c’est qu’elle n’accorde à tous les autres groupements, ou aux autres individus, le droit de faire appel à la violence que dans la mesure où l’Etat le tolère : celui-ci passe donc pour l’unique source du ‘droit’ à la violence » voir le site http://www.conflits.org/document1885.html . Si un Etat ne répond pas à ces critères c’est qu’il n’est pas non plus en mesure de remplir correctement ses fonctions régaliennes. C’est probablement le cas d’Haïti.
On est donc dans le cadre d’un Etat insuffisamment centralisé ou la bureaucratisation et la spécialisation des taches sont inachevées. Comment demander à cet Etat de gérer des entreprises évoluant dans le cadre d’un marché global en proie à une concurrence acharnée ? Si Haïti n’est pas moderne elle vit tout de même dans la modernité. A ce titre ses taches sont doublement complexes.
a) Elle doit marcher à grands pas en vue de rattraper son retard séculaire
b) Elle doit être prête à affronter les exigences contemporaines (dans le cadre d’une globalisation non maitrisée)
Pour ce faire nous devons réformer l’Etat, mettre en place une politique économique adéquate (non féodale) investir dans l’éducation et la formation technique.
Aujourd’hui nous constatons tous que la plupart des entreprises publiques sont improductives. Illustrons ce constat avec le cas de la Téléco. ou l’EDH qui n’arrivent pas à répondre au besoin de la population en terme de communication. Ces entreprises ne sont pas suffisamment organisées, et rentables pour répondre à la demande. Depuis environ deux ans la ville de Belladère (Centre) n’a pas d’électricité, l’EDH n’est pas en mesure de répondre à ce problème. Et j’aurais pu prendre des dizaines d’exemple de la sorte.
L’un des arguments phares des opposants à l’entrée des capitaux privés dans les entreprises publiques est que l’entreprise d’Etat doit être au service de la communauté et non celui du marché. Je suis de cet avis. Mais que faire quand l’entreprise publique n’arrive pas à desservir la communauté ? Quand l’Etat n’a pas suffisamment de ressources (humaines et matérielles) pour gérer ses entreprises ? Un pays qui a les moyens nécessaire peut tout de même garder ses entreprises improductives en y injectant des fonds publics en vue de satisfaire la communauté. Haïti en est-elle capable quand on sait qu’une grande partie du budget de l’Etat provient de la communauté internationale ? Chers/ères compatriotes soyons pragmatiques.
Nous devons rendre les entreprises publiques rentables afin qu’elles puissent résister à la concurrence nationale, régionale et mondiale (nous sommes à l’ère de la mondialisation, à nous seuls nous n’y pouvons rien).
Pendant que l’Etat entreprend les réformes nécessaires à l’établissement d’un Etat de droit en Haïti, il faut en même temps réformer en profondeur les entreprises publiques. Il faut, puisque l’Etat n’a pas les moyens, ouvrir leur capital à des fonds privés. Cela doit se faire dans le cadre d’un accord bien précis qui obligerait les entreprises à se moderniser en vue d’être rentables et de desservir normalement la population. En d’autres termes les actionnaires et l’Etat auront des engagements réciproques.
Certaines entreprises stratégiques comme les douanes, les ports etc. doivent être majoritairement détenues par l’Etat. L’éducation doit être la chasse gardée de l’Etat.
En libéralisant certaines entreprises qui vont devenir productives l’Etat va percevoir des taxes qui lui permettrons d’investir dans les programmes sociaux et les infrastructures nécessaires à la bonne marche du pays et à l’éradication de la pauvreté.
En utilisant le terme de privatisation le gouvernement a probablement commis une erreur de communication car dans l’histoire récente de notre pays la privatisation n’a pas toujours eu d’effets positifs. Je crois que toutes les haïtiennes et tous les haïtiens sont d’accord pour un plan de modernisation des entreprises publiques.
Renald LUBERICE