Je suis né dedans, j’ai grandi avec… ya basta !
Toutes celles, tous ceux qui, comme moi, sont né-e-s dans les années 80 n’ont vécu et ne vivent qu’une seule et même situation, elles/ils n’ont fait et ne font qu’un seul et même constat : la politique haïtienne est une entreprise de perpétuation du chaos rythmé par l’éternel recommencement. Cette politique n’est pas politique mais « monolitique », dans la mesure où elle forme un bloc rigide attaché à Haïti chérie accélérant sa descente aux enfers.
Une politique (politea) dont le but est la constitution et la consolidation du chaos ne saurait être politique. Une politique (politikè) qui a pour essence la production et la reproduction du chaos comme pratique de pouvoir n’a rien de politique. Une politique remplaçant la praxis par l’hexis n’est pas politique. Ces politiques qui ne font jamais de compromis lorsqu’il s’agit de l’intérêt national mais qui en font s’agissant de l’intérêt de leurs poches, ces politiques qui psalmodient leur devise qui est « tout ou rien » lorsqu’il s’agit d’une question nationale et qui pourtant n’hésitent pas à trainer leur dignité dans toutes les ambassades étrangères s’agissant de l’obtention de quelques « grapiay » ont produit cette Haïti-là.
A force de répéter leurs pratiques monolitiques ils ne sont capables d’aucune réflexivité. Ils ne se questionnent guère sur leurs actions passées et présentes, ni sur leurs finalités. L’histoire récente se répète sous formes de farce mais ils sont incapables de s’en rendre compte. Ensemble, gouvernants et soi-disant opposition s’apprêtent à reproduire 2000 et 2001. Comme si les résultats de leurs actions et non-actions durant ces dernières années n’avait pas suffi ! Après le scandale du tirage au sort (où le CEP est accusé à tort ou à raison d’avoir favorisé le parti INITE), des partis et regroupement politiques qui protestaient (ils en ont le droit) avaient promis une réponse politique concertée au CEP. Ayant entendu cela, je me suis dit qu’ils ont enfin compris qu’il faut faire de la politique, c’est un bon signe.
A peine 24 heures plus tard, ils ont annoncé leur verdict : ils conditionnent leur participation aux joutes à la démission du CEP. Ils appellent ça une réponse politique, parce que dans leur tête c’est ça la politique ! En réalité c’est une réponse qui procède de l’habitus haïtien : lorsque le paysan pense que la vielle voisine est un loup-garou et qu’elle est la cause des maux dont souffre son enfant, il ne cherche pas à prouver que ce qu’il pense est vrai, le seul fait de l’avoir pensé est déjà une vérité. Alors il aiguise sa machette et s’apprête à décapiter la pauvre voisine. Il se fait justice.
Des partis politiques pensent que le CEP a favorisé un autre parti, ils ne cherchent pas à le prouver, ils ne portent pas plainte devant les instances compétentes. Ils ne se demandent pas qui est coupable de quoi au sein du CEP, ils se réunissent et se font justice ! Après, ils vont nous parler de démocratie, patati patata…. Etant donné que c’est une « réponse politique » ils ne prouveront jamais leurs allégations, ils sont prêts à aller jusqu’au bout quitte à mettre en péril nos maigres acquis institutionnels.
On peut dire que si effectivement le CEP favorisait de cette manière un parti politique ce serait très plat, très plat et stupide. Mais la sanction ne devrait pas être juste une démission, ce serait trop facile. Les fautifs devraient répondre de leurs actes par devant la juste.
Cependant la réponse des partis politiques est aussi stupide et ce sont ces genres de pratiques devenant traditions qui ont plombé le pays ces 20 dernières années. On ne peut pas prononcer un châtiment de groupe de cette manière. Or la démission collective ne serait rien de plus qu’un châtiment de groupe. Il faut déterminer le degré de responsabilité de chaque membre du CEP.
De toute façon une réponse politique ne saurait dans ces circonstances être « capitale ». Il faudrait prévoir une réponse graduelle. Si bien sûr ces politiciens (péjoratifs) ne pensaient pas à leurs intérêts de poche et de chapelle mais à l’intérêt national. Ils ne comprennent pas que leurs actes sont performatifs et participent du procès de constitution de la réalité haïtienne tant du point de vue matériel qu’immatériel.
Ils ont l’âge de nos parents, ils agissent sans réfléchir à l’Haïti qu’ils vont nous léguer, sans réfléchir aux conséquences de leurs actes sur notre avenir. Ils ne font pas de politique pourtant ils prétendent le contraire. Nous ne voulons pas de cette Haïti qu’ils s’apprêtent à nous léguer tout en essayant de l’enfoncer un peu plus avant de partir, nous leur disons : Ya basta !
Renald LUBERICE
mercredi 9 décembre 2009
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