dimanche 9 décembre 2007

L'Ecole est-elle au service de l'Etat

Introduction

Répondre à la question : « l’école est-elle au service de l’Etat ? » suppose d’une part, l’analyse des structures sociales qui constituent les grands corps, d’autre part l’identification des mécanismes mis en place en vue d’en assurer la reproduction ou la transformation. Cela nous renvoie directement à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) et les Instituts d’Etudes Politiques (IEP), qui forment les grands corps administratifs de l'État à savoir l’Inspection des Finances, le Conseil d'État, la Cour des comptes, y compris le corps diplomatique et le corps préfectoral et, plus récemment, l'Inspection générale de l'administration et l'Inspection générale des affaires sociales, aux Ecoles Normales Supérieures (ENS), à l’Ecole Polytechnique etc. qui pourvoient aux besoins en hauts fonctionnaires des Grands corps techniques de l’Etat. En ce sens se demande-t-on si les Grandes écoles ont une finalité prédéterminée à servir l’Etat ?

I/Regard historique et social

A) Un peu d’histoire….

Durant les cinq derniers siècles, les universités françaises ont peu contribué au développement de la société. Au 18ème siècle elles produisaient des armées de théologiens et des juristes qui avaient pour la plupart acheté leurs diplômes. C’est pour remédier à cette situation que le gouvernement créa les grandes écoles. La France était à l’époque le plus grand pays européen, à la fois en termes de territoire et de population, pour suivre l’élan de la révolution industrielle naissante elle avait besoin d’un meilleur encadrement dans l’administration publique ; la solution était de former des cadres. En 1747, Louis XV créa une école de génie civil, « les Ponts et Chaussés ». Puis, en 1783, fut crée l’ « école des Mines ». Au moment de la révolution, les vingt-deux universités de Paris étaient des foyers de féodalisme, de cléricalisme et de conservatisme intellectuel. Dans les années 1790, le gouvernement les fit tout bonnement fermer, alors que les grandes écoles, bien qu’attachées à la royauté demeurèrent, ce qui illustrait une reconnaissance de l’enseignement s’y trouvant

dispensé. Les révolutionnaires en créèrent d’autres, comme l’ « école des travaux publics » en 1793 et l’ « école Polytechnique ». La matière grise remplaçait le sang bleu. En 1794 fut inaugurée l’ « Ecole Normale Supérieure», destinée à former des professeurs d’élite en lettres, philosophie et sciences.

Cependant, le plus grand changement apporté au système éducatif fut celui mis en place par Napoléon Bonaparte, dans les années 1800, aux lycées et grandes écoles. Il voulait réformer ces dernières sur le système séculier de l'Eglise, dont il admirait la hiérarchie et l'ordre parfait qui y régnaient. La vision napoléonienne de l'école a été prépondérante dans l'histoire du système éducatif, car il est facile de remarquer que toutes les décisions prises deux siècles après n'ont pas transgressé son mode d'organisation.

Si l'enseignement devait être dirigé par l'Etat mais aussi mis à son service, c'était dans l'intérêt de la stabilité politique d'une part et sociale d’autre part.

A cet effet Napoléon déclare devant le conseil d'Etat que son « but principal dans l'établissement d'un corps enseignant est d'avoir un moyen de diriger les opinions politiques et morales ». (Cité par Ezra Suleiman in Les élites en France, grands corps et grandes écoles)

Néanmoins, le but prépondérant de cette réforme utilitariste répond à un besoin urgent. Celui-ci resta inhérent aux décisions de création d'écoles « spéciales » comme Napoléon les nommait. A l'époque, c'est le besoin d'officiers qui constituait un « danger pour la défense nationale » qui, en entérinant la réforme de Polytechnique la fit passer du ministère de l'Intérieur au ministère de la Défense. Les élèves de l’école étaient formés par un devoir de loyauté de l’empereur, ce qui devint rapidement la loyauté à l'Etat Français. Ces futures fonctionnaires à la formation techniques ont rapidement été déployées dans des tâches administratives durant le 19ème siècle.

Face aux grandes écoles, le système d'études supérieures a laissé tout le long du 19ème siècle, les universités de coté. En effet, le progrès des connaissances s'effectuait en dehors, dans les cafés des milieux intellectuels. De même, la recherche était plus le fait des grandes écoles, écrasant ainsi par leur prestige, toutes possibilités de réformes. Selon un groupe d'observateurs étrangers, constatant l'absence de budget et de professeurs qualifiés, les universités françaises étaient « inexistantes ». À partir des années 1880, les débats sur le système à deux vitesses d'enseignement supérieur entrent dans le débat national. Or, aucune réforme englobant les Grandes Ecoles et les universités n'ont été faite pour deux raisons :

- la première étant la pression exercée par les Ecoles (grâce à une impressionnante autonomie face au pouvoir) sur les gouvernements et soutenues par le réseau d'anciens élèves présent dans les grands corps ;

- la deuxième est relative à la dépendance politique des élites sortant des grandes écoles : Napoléon avait créé un système éducatif élitiste, censé garantir la stabilité politique du pays, dont l’Etat est à la base même. Le caractère instable de la Troisième République, avec tous ses gouvernements éphémères qui se sont succédés, a compromis toute initiative de réforme.

Ainsi, on comprend comment la création de l'Ecole Libre des sciences politiques fut l'oeuvre d'Émile Boutmy, un homme de gauche profondément investit par l'espoir d'un système éducatif égalitaire. Subséquemment, il créa en 1870 l'école dans l'urgence, car il était impératif de former des gens « capables » de gérer les affaires politiques, diplomatiques et économiques du pays. C’est dans cette optique qu’en 1945 Michel Debré créa l’Ecole nationale d’administration (ENA), intrinsèquement liée au mode bureaucratique de la politique. Une nouvelle ère des élites politico-administratives formées par et pour l'Etat s’ouvre. Ces dernières ont pour fondement ontologique la méritocratie. L’analyse spatiale et temporelle des données statistiques révèle la ségrégation socioculturelle qui entache la politique méritocratique des grandes écoles.

B) Origines sociales des élèves des Grandes écoles

Depuis plusieurs décennies en France, voire plusieurs siècles, les hommes et les quelques femmes qui sont aux timons des affaires de l’Etat semblent appartenir à une catégorie sociale identique. Comment ce groupe social s’est-il constitué et pérennisé dans l’espace et le temps ? Toute tentative de réponse à cette question impose une révision objective de la sociologie des élites françaises.

Dans toutes les sociétés développées l’école joue, aujourd’hui, un rôle très important. Elle détermine ou transmet le pouvoir économique et social. En ce sens, elle assure la reproduction de l’ordre social et les inégalités qui le fondent.

En France on constate que la plupart des élèves de grandes écoles sont issues des « classes supérieures ». L’accès à ces institutions est théoriquement conditionné à un concours d’entrée équitable. Comment explique-t-on cette surreprésentation des classes supérieures au sein des grandes écoles?

En effet, en 1963, période succédant un certains nombre de réforme des structures ‘élitistes’ de l’enseignement supérieur, le gouvernement d’alors avait instauré la carte scolaire. Celle-ci avait pour but de « rapprocher les élèves de leur domicile et de lutter contre un enseignement à deux vitesses, avec d'un côté les bahuts pour riches, et de l'autre ceux pour pauvres, et, en conséquence, créer les conditions d'une véritable mixité sociale1 ».

Donc avec la mise en place de cette carte, à la fin des études classiques, indépendamment des milieux sociaux dont ils sont issus, les bacheliers devraient avoir quasiment des « chances égales » en vue de la réussite des concours d’entrée aux grandes écoles2. Or selon Pierre Bourdieu les modalités de recrutement -telles que les classes préparatoires, les concours d’entrée- de ces grandes écoles sont structurées de telle manière qu’elles ne sont profitables qu’à la bourgeoisie. Les épreuves d’entrée mettent en exergue les savoirs et les savoir-faire des « classes supérieures ».

On remarque qu’une très forte proportion, soient 67 % des pères3 des élèves des Grandes Ecoles exercent des fonctions de cadres supérieurs et de professions libérales. Tandis qu’en troisième cycle universitaire 46% des chefs de famille remplissent des fonctions de cadres supérieurs. Plus on gravit l’échelon social plus la proportion des élèves admis dans les grandes écoles est importante. Les enfants des employés et ouvriers sont considérablement sous-représentés, soit environ 5,7% seulement.

De 1940 à la fin des années 90 -période sur laquelle porte l’étude de l’INSEE que nous avons susmentionnée- la sélection drastique d’entrée dans les grandes Ecoles au fond n’a pas changé. Elle favorise les détenteurs d’un capital culturel qui s’acquiert dans les familles aisées. Bourdieu souligne un phénomène de népotisme, c'est-à-dire une sorte de favoritisme familial que présente ces concours. Ceux-ci s’organisent autour de la naissance et de la nature mais restaurés sous les dehors démocratiques d’une idéologie du don naturel et du mérité personnel. C’est pourquoi le sociologue parle de “ Noblesse d’école”. « On est normalien comme on est prince de sang » avance-t-il. L’étude de l’INSEE montre que la base sociale de recrutement dans les grandes écoles s’est resserrée dans les années 80 après une tentative apparente de démocratisation. Elles renforcent leur méthode de sélection, ce qui défavorise encore plus les candidats de “milieux modestes’’. Et puisqu’on est dans une « énarchie », pour reprendre le terme de Jean-pierre Chevènement4, les hautes fonctions de l’Etat sont, dans la majorité des cas, attribuées aux énarques et aux diplômés des autres grandes écoles.

C) Origines scolaires des « hauts administrateurs »

Dès leur création par Napoléon III au XIXe siècle les écoles affichaient clairement leurs intentions méritocratiques. Il s’agissait de sélectionner les meilleurs élèves pour le service de l’Etat. A ce titre elles ne s’écartent pas de leur mission en reproduisant systématiquement les élites. Bien que des changements infimes ou des modifications s’opèrent inévitablement dans la transmission entre les générations, les classes dominantes parviennent, grâce à l’institution scolaire, à garder leur prédominance sur le reste de la société. C'est-à-dire à maintenir l’ordre social ainsi établi.

La mise en vigueur de ces mécanismes dans les grandes entreprises bureaucratiques, au sens bourdieusien du terme, altère la propriété du titre scolaire ; c'est-à-dire son attribut. Il ne confère plus à son titulaire tout simplement un statut ‘superficiel’, comme c’était le cas pour les Rothschild qui souvent s’arrangeaient chacun pour avoir un diplôme de droit qui de toute manière ne changeait pas grand-chose à leur statut, « [il devient] un véritable droit d’entrée5 » dans les fonctions administratives.

Si le sang liait les nobles à l’Etat le titre scolaire garantit aux diplômés, des grandes écoles surtout, l’accès aux fonctions publiques. Les élèves des grandes écoles forment une famille non matrimoniale mais corporatiste, basée sur la solidarité scolaire et sociale.

Comme dans un système népotiste les entreprises qui en ont la possibilité se chargent de la transmissibilité des privilèges. Il s’agit des grandes sociétés industrielles, commerciales ou bancaires dont le capital est réparti entre un grand nombre d’organismes, sociétés ou individus.

Dans ces entreprises dites technocratiques6 on constate que 73% des PDG contre 74% PDG des sociétés contrôlées par l’Etat déclarent avoir obtenu deux diplômes d’enseignement supérieur. La plus forte partie de ces diplômes proviennent de : centrale, mines paris, Nancy, St Etienne (15,5%), Sciences Po (38,5%), HEC ou autre école de commerce (2%) et Polytechnique, Mines, Ponts (31%). Concernant les entreprises contrôlées par l’Etat ou entreprises publiques les grands pourvoyeurs (ENA exceptée) de cadres -PDG ou autres- sont les facultés de droit ou autres établissements habilités à délivrer des diplômes dans cette filière (16%), Sciences Po (36%), Polytechnique seule (10%) et Polytechnique, Mines, Ponts (29%) 7.

Cette surreprésentation des ‘classes supérieures’ dans les fonctions supérieures s’explique par le fait que, comme dans une famille matrimoniale, la valeur de chaque membre dépend de la contribution de tous les autres, c'est-à-dire de la solidarité effective entre les membres du groupe. Donc l’appropriation d’une haute fonction par un membre du groupe renforce le capital symbolique de tous les autres membres. Et pour maintenir l’intérêt collectif –celui de tous les membres du groupe- il serait mauvais de laisser au hasard ou à des initiatives individuelles l’ascension aux postes clés de l’Etat. Pour ce faire bon nombre de précautions sont à prendre :

- éviter tout ce qui pourrait engendrer la dévaluation et le discrédit du « capital des grands corps », c’est-à-dire le contrôle strict du rapport de l’offre et de la demande ;

- gérer rationnellement le capital, c’est-à-dire veiller sur le choix des élèves des grandes écoles en suivant « l’évolution dans le temps des rangs de sortie du premier et du dernier des élèves qui ont bien voulu adhérer au corps8 ».

Toutes ces précautions n’excluent pas la possibilité qu’il y ait des exclus, c’est-à-dire des ratés, ou des intrus à savoir des miraculés, mais globalement les classes supérieures arrivent à garder leur rang grâce à une constante vigilance et surtout à la légitimité que l’Etat accorde à leur titre scolaire. L’institution scolaire (ici, les grandes écoles) en détenant le monopole exclusif de la sélection dès élèves et de la distribution des titres sert l’Etat, mais pas seulement.

Elle sert aussi le « capital des grands corps », les statistiques que nous avons détaillées ci-dessus le prouvent. Les grandes écoles, particulièrement Sciences-Po et l’ENA, demeurent (pour ne pas dire l’unique voie, car le clientélisme politique ou autre peut en être une aussi) la meilleure voie qui mènent aux hautes fonctions publiques ou ‘technocratiques’ en France. Les Grandes écoles ont été crées en vue d’une cause bien déterminée, en ce sens elles mettent en œuvre, les moyens qui, peut-être, leur semblent nécessaires afin de servir cette cause.

II/Un processus de sélection

A) Choisir son parcours

De nombreuses écoles ont été créées par le passé afin de former les dirigeants, les têtes pensantes, l’élite de ce pays qu’est la France. Ezra Suleiman considère même que c’est « le seul État démocratique à avoir créé des écoles dont l’objectif premier consistait à former des serviteurs loyaux de l’État. » (Voir Le recrutement des élites en Europe, p.20)

Bien entendu il est essentiellement question de l’élite de la politique et de l’administration qui, si l’on se réfère une fois encore aux propos de E. Suleiman, serait composée des fonctionnaires d’autorité (emplois supérieurs dans les administrations centrales et territoriales), des membres des états-majors administratifs, des hauts responsables des entreprises nationalisées et des établissements publics, des membres des cabinets ministériels, et des membres des cinq grands corps administratifs et techniques de l’État (inspecteur des finances, conseillers d’État, juges à la Cour des comptes, ingénieurs des Ponts et des Mines). (Voir Le recrutement des élites en Europe, p.36)

Donc, la formation et la sélection de ces élites nationales, débutant au niveau du milieu social, s’organisent également, et surtout, à travers le parcours scolaire, pour s’achever à l’École Nationale d’Administration (ENA), souvent considérée comme l’ultime filtre, le dernier obstacle à franchir avant de pénétrer dans le monde, très fermé, des élites françaises.

Avant toutes choses les prétendants au titre d’élite politico administrative se doivent de choisir le chemin qu’ils vont devoir arpenter avant d’atteindre les sommets. Ainsi s’effectue la première sélection d’ordre scolaire, tous les parcours ne se valant pas.

Fidèle au vieil adage « Au royaume des aveugles les borgnes sont rois », celui, ou celle, qui aura le mieux préparé son plan de route rencontrera moins de difficulté que ceux qui partiront à l’aventure sans prévisions. Pierre Bourdieu, lors d’un entretien pour le Nouvel Observateur en 1989, établissait cet état de fait, il parlait de « dérive des continents qui se déplacent insensiblement », donnée dont il est primordial de tenir compte afin de situer le « centre du pouvoir » qui déjà à l’époque « n’ [était] plus à Polytechnique [ni à l’Ulm] mais à l'ENA. ». Le but étant donc d’être accepté comme étudiant à cette fameuse École nationale d’administration, il serait d’autant plus intelligent de regarder dans quelles proportions les diplômés d’autres écoles y parviennent.

Jean-Michel Eymeri, se basant sur les états statistiques du service des concours de l’ENA de 1987 à 1996, fait ressortir qu’une large majorité des nouveaux énarques est diplômée d’un IEP. (Voir Tableau n° 1)

En effet, durant cette période, 62.8% des candidats et 82.3% des reçus, au concours externe, sont passés par un des Instituts d’Études Politiques, dont 46.4% et 77.8% par celui de Paris.

Les autres grandes écoles telles que l’École Normal Supérieure (Ulm), l’École Polytechnique (X), l’École Centrale, l’École des Hautes Études Commerciales (HEC), l’École Supérieure des Sciences Économiques et Commerciales (ESSEC), ou l’École Supérieure de Commerce de Paris (ESCP, fusionnera avec l’EAP en 1999), se voit reléguées à la seconde place ; pour 8.9% de leurs candidats, non diplômés d’un IEP, seuls 13% sont reçus.

Malgré une brusque chute du nombre d’admis provenant des IEP, principalement de celui de Paris passant sous la barre des 60% par deux fois en 3 ans (58% en 1997 et 1998) et atteignant 62% en 1999, un communiqué de presse du 20 décembre 2001 provenant du 27 rue Saint Guillaume (autrement dit, Sciences Po Paris) montre que l’hégémonie des IEP sur le concours externe de l’ENA n’est en rien entamée.

Il se trouve qu’au cours de l’année 2001, « 54 des 60 admis au concours externe de l’Ecole Nationale d’Administration, ainsi que les 2 candidats figurant sur la liste complémentaire, [étaient] issus de Sciences Po. Portant le taux de réussite à 90% ».

En 2005, sur 45 admis lors du concours externe, 39 provenaient de Science Po Paris, soit 87%. Tandis qu’en 2004 « seul » 80% étaient passés par un IEP (Voir la newsletter de Science Po Info et le site Internet de la Fédération des Associations des Diplômés des IEP de France).

Bien sûr, il ne faut pas oublier les autres concours, qui bien que métaphoriquement moins appréciés (le concours interne, réservé aux fonctionnaires ou agents publics ayant, au moins, 4 années de services effectifs, est souvent appelé la « petite porte ») n’en sont pas moins des voies emmenant tout droit à l’ENA, lieu de regroupement de l’élite parmi les élites.

La domination sur le concours interne se partageait entre le CFPP (Centre de Formation Professionnelle et de Perfectionnement, remplacé par l’Institut de la Gestion Publique et du Développement Économique (IGPDE) le 5 juillet 2001) et Sciences Po, de 1987 à 1996 (Voir Tableau n° 2), mais il semblerait que par la suite l’IGPDE ait pris entièrement le contrôle. On peut notamment s’en rendre compte en observant les résultats du concours d’entrée de l’année 2005, l’IGPDE y compte 22 admis sur 36 (61%). (Voir Tableau n° 3)

Le 3ème concours est beaucoup moins prisé car il s’adresse aux personnes issues du secteur privé, ou ayant un mandat électif national ou local, justifiant de 8 années de pratique professionnelle ; de plus les places sont très limitées (De 1987 à 1996 seulement 55 admis, 9 pour l’année 2006). Ce que l’on peut dénoter est l’absence de réelle domination de la part de telle ou telle formation ; de 1987 à 1999 la répartition est relativement équitable avec une légère supériorité des diplômés d’Université de 2ème et 3ème cycle (avant la réforme LMD). (Voir Tableau 1 et 4)

En tous les cas, il apparaît clairement que le meilleur parcours à suivre, 3ème concours mis à part, est de passer par l’IEP de Paris, quitte à compléter sa formation par la suite, avant de tenter l’ENA. L’une des raisons pourraient être l’objectif déclaré de Science Po qui n’est autre que de « susciter les vocations et d'encourager les étudiants à s’engager vers les métiers de la fonction publique. » (Voir communiqué de presse), ce qui correspond à la « mission » que se fixe l’ENA qui est de « recruter et de former les hommes et les femmes qui feront vivre et évoluer les administrations », de « démocratiser l’accès à la haute fonction publique et professionnaliser la formation des hauts fonctionnaires » (Voir site Internet de l’ENA).

B) Préparer et réussir

Après la sélection liée au cursus, s’effectue celle, plus concrète, de l’admission dans l’établissement choisi, souvent dépendante de la réussite à un ou plusieurs concours.

Ces derniers ne sont pas ceux de l’École Nationale d’Administration mais ceux qui servent de premiers paliers, qui permettent de rejoindre les rangs de l’élite, l’ENA étant le palier désignant l’élite parmi les élites.

Il est évident que les concours centraux seront ceux des IEP, et plus précisément de Sciences Po Paris, mais l’élite politico administrative ne se limite pas à ces seules écoles. En effet l’Ulm, ou certains concours de la fonction publique, de catégorie A ou A+ (les concours d'entrée aux Instituts Régionaux d'Administration, d’Inspecteur des Impôts, d’Inspecteur des Douanes, d’Inspecteur du Trésor, d’Attaché territorial, d’Attaché d'Administration hospitalière, de Directeur d'Hôpital, le concours de la Sécurité Sociale,…) peuvent être considérés eux aussi comme des paliers.

Quoiqu’il en soit la réussite aux divers concours dépend de la formation préalable qui permet d’obtenir les connaissances, d’apprendre les us et coutumes des milieux d’épreuve, dont l’admission dépend. Cette formation peut continuer par la suite avec l’enseignement dispensé dans les grandes écoles.

Ce faisant, entamer le travail de formation suppose au préalable l’assimilation des connaissances des différents thèmes abordés lors des concours; ceux-ci englobent le capital culturel nécessaire à tout membre haut placé dans la hiérarchisation administrative et politique de l’État.

Ce qui marque d’emblée à la vue des différentes épreuves, quelque soit le concours, ce sont les matières à passer. (Voir site internet de l’UPF, de l’ENS, de La Documentation française, de l’ENSP, et http://cybsante.free.fr) Que ce soit pour les concours de la fonction publique, pour les IEP, ou, dans une moindre mesure, pour le concours de la section Lettres de l’ENS, les connaissances demandées sont semblablement les mêmes. Droit, sciences sociales, histoire, économie, culture générale, parfois une ou deux langues étrangères, voici les grands thèmes dont il faut détenir les secrets pour passer avec brio ce test qu’est le concours.

En regardant d’un peu plus près chaque examen on peut voir qu’en fonction des spécificités de la place à la clé, les épreuves s’axent plus sur telles ou telles matières ; le concours d’Administration hospitalière, par exemple, traitera du droit hospitalier, tandis que le concours d’Inspecteur du Trésor se centrera plus sur l’économie.

La particularité des grandes écoles telles que les IEP, est que leurs concours d’entrée ne permettent pas d’accéder directement à un travail en tant qu’élite politico administrative mais qu’elles en procurent tout de même le statut, de par leur prédilection à orienter leurs élèves vers ces débouchés.

Alain Garrigou, auteur d’un article pour Le Monde diplomatique semble être du même avis ; selon lui « les noms des diplômés de Sciences-Po abondent au sommet de la hiérarchie ou dans les cabinets ministériels », la « France d’en haut », en référence à l’expression de l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, voit souvent ses membres inscrits sur l’« annuaire des anciens élèves [de Sciences Po]». L’ENS-Ulm voit également les grands Corps de l'État (Mines, Ponts et Chaussées, Télécom, GREF, INSEE, etc.) accueillir chaque année un certain nombre de normaliens. (Voir site Internet de l’ENS)

Les thèmes des concours désormais connus, il est temps de s’intéresser à leurs préparations.

Visualiser un parcours et atteindre un but sont deux choses bien différentes. Pour parvenir à réaliser un tel projet qu’est celui de réussir un concours d’entrée dans une grande école ou un autre palier de l’élite, il est nécessaire de bien se préparer.

Cela se déroule en deux temps, tout d’abord la préparation aux concours des grandes écoles qui peut se faire aussi bien au Lycée qu’en Université, ou qu’en prépa (Hypokhâgne, ISTH, IPESUP,…).

Exception faite de la préparation liée aux milieux sociaux, elle n’est réellement utile qu’à la réussite aux concours d’admission. La seconde partie se déroule dans les écoles intégrées. Cette formation censée modeler les futurs serviteurs de l’État, dans le domaine de la politique et de l’administration, s’effectue, comme susdit, principalement dans les Instituts d’Études Politiques. Durant 3 à 5 ans (pour les étudiants en Master) les élèves des IEP suivent un ensemble « d'enseignements magistraux (Direction d'études), de conférences de méthode et d'entraînements à l'ensemble des matières prévues aux programmes des différents concours, y compris les épreuves de langues et de sport », une préparation aux « exigences de la vie professionnelle à travers une forte dimension méthodologique, atout majeur de cette formation depuis sa création, mais aussi par le biais d’enseignements consacrés aux technologies de l’information et de la communication, à la lecture croisée de l’actualité ou encore aux réalités de l’entreprise.».

Pour les concours administratifs, Sciences Po dispense une « année complémentaire de préparation [ayant] pour vocation de préparer les diplômés de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris aux carrières ouvertes par ces concours. ». (Voir site Internet de Sciences Po)

La formation ne se limite pas qu’aux IEP, l’IGPDE ou l’ENS sont également des moyens de se forger avant d’entreprendre de passer les concours de la fonction publique. L’Ulm dispense de nombreux cours sur les sciences sociales, l’économie, la géopolitique, et l’histoire, de plus les « littéraires peuvent […] passer le concours de l'ENA. » (Voir site Internet de l’ENS), la formation serait donc adaptée aux carrières politico-administratives.

L’IGPDE, pour sa part, est un système de préparation fonctionnant par correspondance en ce qui concerne la préparation aux concours de l’IRA et de l’ENA. C’est un des « principaux opérateurs ministériels de formation continue. » ayant pour vocation d’ « assurer […] des actions de formation permanente au bénéfice principal des agents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (MINEFI)».

Ainsi la dernière sélection, s’achève, ne laissant que les élites dans la course perpétuelle du pouvoir et de la réussite dont nul ne sait quand elle s’arrêtera. Quant aux ultimes préparations nécessaires, l’ENA s’en charge.

C) L’ENA ou la fabrication de haut fonctionnaire administratif

L'ENA opère une concentration de tous les concours séparés et devient la seule école qui prépare explicitement au pouvoir. Sa création comme école d’application, a été faite en 1945 par le Gouvernement provisoire de la République française présidé par le Général de Gaulle. C’est Maurice Thorez, homme de gauche, qui va réussir à amener l’idée de la réforme administrative. L’ENA réussit à monopoliser la formation de fonctionnaires pour chaque corps ou ministère.

Le but de l’Ecole Nationale d’Administration est de dispenser une formation interministérielle. Cependant, c’est une école dont la nature n’est ni skholé (terme Eymerien), ni une véritable école d’application, car trop généraliste et formelle puisque le savoir y est tenu pour acquis durant la formation préparatoire à Science Po.

La formation est constituée d’une série d’épreuves quasi-ininterrompues débutant par le concours d’entrée et aboutissant à un classement final. La position des élèves au sein de ce classement est directement liée à leur future fonction publique, le sentiment d’hyper compétitivité durant toute la formation est donc très importante. Le cursus est composé d’une période de stage de douze mois, normalement consacrée à l'apprentissage des responsabilités sur le terrain, suivie d’une période dite d’études.

Le stage est constitué de deux grands socles, l’un localisé en France généralement au sein d’une préfecture, l’autre est localisé à l’étranger dans une ambassade ou une entreprise. Ces deux stages longs peuvent s’accompagner de stages complémentaires variant par leur nombre et leur nature.

Concernant la notation de ces stages, une critique peut être émise : En effet, cette note étant attribuée par le directeur de stage et non par le responsable de stage, elle apparaît clairement subjective.

De plus, correspondant à 20% de la note finale elle implique un impact psychologique énorme sur l’ensemble des élèves car « elle peut [en] plomber [certains] des le départ […] par rapports aux meilleurs ».

La période dite d’étude est composée de deux enseignements ; un de type « traditionnel », anciennement localisé à Paris, et l’autre de type « périphérique ». Cependant, depuis 2005 ces enseignements sont tous localisés à Strasbourg. Les enseignements périphériques sont consacrés essentiellement à l’administration comparée et territoriale, à la gestion publique, aux questions internationales, à l’enseignement des négociations, de communications et des ressources humaines ainsi qu’aux procédures et aux affaires communautaires.

Les enseignements dits « traditionnels » sont pour leur part : la gestion publique, l’élaboration de textes administratifs et juridiques, l’analyses économiques ainsi que les problèmes budgétaires et fiscaux, les travaux de question sociale et les langues étrangères (nouvel enseignement).

Les épreuves très spécifiques à l’ENA sont construites sur deux schémas : les séminaires et les conférences. Les séminaires consistent à la rédaction d’un rapport unique et d’un rapport individuel. Cependant selon « Jean-Michel Eymeri », ce type d’épreuve répété tout au long de la formation, entraîne « la maximisation de la lutte d’influence et de la lutte de pouvoir ».

Les conférences sont réalisées à partir d’un dossier fourni par l’école sur lequel les élèves doivent plancher, montrant ainsi que la connaissance ne constitue pas l’objet de l’évaluation de ces épreuves mais l’évaluation de leur capacités à synthétiser les informations du dossier afin de les retranscrire au mieux à l’oral et à l’écrit ; le but étant de vérifier les capacités de l’élève à s’approprier dans un délai limité les termes d’un dossier et de les restituer dans un terme précis.

Ainsi le type d’épreuve exercée à l’ENA montre bien que, l’école n’est pas un lieu d’apprentissage du savoir sur le mode universitaire, mais un enseignement orienté vers l’application administrative des connaissances acquises. Le savoir n’y est pas tenu pour acquis. L’ENA n’est pas non plus une « école d’application », car l’enseignement y est trop généraliste. Elle a pour but de transmettre une méthodologie. Malheureusement cet enseignement ne s’appuie pas sur des cas réels, contrairement à Harvard ; une grande majorité des élèves s’estiment assez peu préparés à leur prise de fonction.

L’ENA forme ses élèves conformément à un modèle prédéfini. En effet, le cycle ininterrompu d’épreuves sur le type d’exposé et de notes de synthèse, exerce une pression sur les élèves afin qu’ils soient conformes aux attentes de l’institution.

Le rapport imposé entre le maître de stage et le stagiaire durant la période est un exemple frappant de la soumission aux formes des élèves, conformément aux attentes de l’institution. En effet, plus vous êtes conforme plus la note sera élevée. Ainsi l’énarque apprend à « mettre les formes et à se mettre à la forme ». L’élève doit apprendre à lire, écrire, penser, parler, agir à la manière de l’énarque, pour cela il doit s’auto contraindre et exercer une discipline de l’esprit.

L’ENA est donc une école comportementale où ce qui est jugé sont vos attitudes et aptitudes et non vos connaissances. Elle inculque et évalue un comportement conforme à l’adhésion d’un code social considéré. Par exemple la forme d’exercice unique par la note de synthèse, qui a pour objectif de dégager l’essentiel d’un dossier, est une simple contraction de texte par laquelle aucune notion de créativité n’est requise. La note doit être brève et opérationnelle, la problématique n’y est pas étudiée, seule la solution, conforme à l’ordre du monde, y est apprise. Le But est d’aboutir à un produit « standard ».

L’ENA ne sert pas que l’Etat. Elle ‘tend à devenir’ une « Business school ». Bien que l’Ecole Nationale d’Administration forme les élèves à la Haute fonction publique, on observe une nouvelle tendance manifestée par les grandes entreprises nationalisées à recruter des cadres. Cette évolution est encouragée par l’acharnement de Sciences-Po, à « séduire les entreprises » et à privilégier une organisation des études contribuant à préparer les étudiants à des carrières dans le privé.

En effet l’arrivée d’autres modèles de formation, français ou étrangers, telles que les écoles de gestion et particulièrement les Masters of Business Administration (MBA) américains tend à transformer les grandes écoles, type ENA, en business school (voir l’article d’Alain Garrigou, « Comment Science Po et l’ENA deviennent des « business schools » datant de Novembre 2000, du Monde Diplomatique).

Dans un autre article du même journal intitulé : «Sciences Po Inc » paru le 07-11-2006, Alain Garrigou (professeur de science politique à l’université de Paris X, auteur de l’essai « Les Elites contre la République »), renforce sa position en réponse aux propos de M. Richard Descoings, directeur de l’établissement de la rue Saint-Guillaume à Paris qui estime que Science Po n’est pas une business school. L’auteur insiste sur le caractère business school de IEP paris, de par les métiers préparés (direction des ressources humaines, banque, notamment), le nombre des enseignants vacataires issus de l’entreprise (il n’y a que soixante-six enseignants titulaires sur un total de mille quatre cents), et par la place accordée aux liens avec des entreprises partenaires (BNP Paribas, l’Oréal, Accor, Andersen, Schlumberger, etc.).

Malgré la tendance à suivre le modèle des ‘business schools’, les institutions de formation des élites françaises restent cependant très attachées à leur modèle « ancien » de formation généraliste. La réussite de ces élites, leur faculté d’adaptation et le succès généralisé par les ‘business schools’ ne leur assurent pas des postes à haute responsabilité contrairement à l’ENA.

En revanche si la réussite à fournir des élites par les ‘business schools’ était assurée, la légitimité de l’ENA en serait menacée ce qui n’a jamais été le cas depuis le XIXe siècle.

Il n'y a donc pas de raisons réelles pour que les énarques soient meilleurs dans la gestion des entreprises publiques ou de l'administrations que les élites issues des autres grandes écoles (voir les faillites des grands groupes privatisés tel Vivendi). De facto, l'absence de concurrence masque leur incapacité. En ce sens on peut aussi dire le système élitiste français présente un caractère bien particulier.

III/La place et le rôle de l’ENA dans l’administration

A) L’exception française

Comme nous l’avons vu dans la première partie, la France est sans doute le pays occidental dans lequel l’homogénéité des élites est la plus grande : cette homogénéité est due notamment au fait que ces élites proviennent du même vivier, ont suivi les mêmes filières de recrutement et sont passées par les mêmes écoles, celles d’Etat.

Cependant, il convient de ne pas faire de l’ENA le dispositif unique de cette configuration, car non seulement le système des élites d’Etat ne date pas de la création de celle-ci, mais elle ne constitue ni une voie exclusive (tenant compte de la filière structurée autour de Polytechnique, centrale et des grandes écoles d’ingénieurs, ainsi que du pôle constitué autour des grandes écoles de commerce, HEC, ESSEC, ESCP-EAP), ni une voie suffisante pour être intégrée à l’univers des élites. La mise en place de l’ENA a été un facteur de polarisation et d’intégration, à la fois symbolique et pratique, des élites, autour duquel se sont restructurées les diverses voies d’accès aux positions de pouvoir. L’ENA répond-elle aux besoins de l’administration, ou plus exactement des administrations, tant est divers et multiforme ce que l’on regroupe commodément sous le terme d’ « administration » ? Est-elle une école d’application qui fournit à l’administration les cadres supérieurs de l’Etat ?

Tous les anciens élèves de l’ENA ne sont pas en service dans l’administration. Elle n’est pas la seule école à pourvoir aux besoins des administrations en cadres supérieurs : Polytechnique et les Ecoles normales supérieures notamment apportent leurs concours dans des secteurs spécialisés (l’équipement, l’industrie, l’armement, l’éducation, la Recherche…).Toutefois, l’ENA occupe en la matière une place qui n’a fait que croître depuis plus d’un demi-siècle.

Les énarques en activité ne sont pas tous en fonction dans l’administration, au sens large du terme. Selon Arnaud Teyssier, président de l’Association des anciens élèves de l’Ecole Normale de l’Administration, on dénombre environ 6 000 énarques sans compter 2 000 anciens élèves étrangers. Plus de 75 % des étudiants issus de l'ENA font traditionnellement carrière dans l'administration d'Etat. Les premières orientations dépendront pour une très large part des classements. Une orientation en début de parcours ne scellera pas d'ailleurs un destin. Seule une toute petite minorité, pas plus de 2 ou 3 %, se lance dans la politique. Plus de 20 % des anciens élèves rejoignent aussi l'entreprise.

Les anciens élèves de l’ENA constituent l’armature de la haute fonction publique française. Présents dans toutes les sphères d’action de l’Etat, ils ont été formés par une même école, pour un même Etat. Ce modèle, spécifiquement français, qui ne se retrouve pas chez les autres grandes nations développées, correspond à la fois à la tradition colbertiste et napoléonienne et aux impératifs de la reconstruction d’après guerre, puis du développement industriel et économique des « Trente Glorieuses ».

Il faut reconnaître que le système, dans un contexte de croissance, a donné longtemps satisfaction aux administrations employeurs dont les besoins étaient considérables et à l’ensemble du corps social, attaché à la fois à l’Etat providence et à la méritocratie des grandes écoles.

Le problème de la démocratisation du recrutement de l’ENA est une autre forme d’exception « franco-française ». Si après la seconde guerre mondiale elle avait pour but de se démocratiser afin que les recrutements par concours externes (ouvert aux diplômés de l’enseignement, appartenant aux classes supérieures) et internes (ouvert aux seuls fonctionnaires) ne constituent pas une fermeture sociale, aujourd’hui ce n’est plus le cas.

En effet, selon les statistiques, on constate que 90 % des reçus du concours externe de l’ENA proviennent de l’IEP Paris et que la quasi-totalité des postes dans les grands corps leur revient.

Les étudiants passés par Sciences-Po détiennent donc le monopole des grands corps. En d’autres termes il est quasiment impossible pour des fonctionnaires de l’administration publique d’aspirer à un poste à haute responsabilité au sein même de la haute administration où ils sont affectés s’ils ne sont pas passés par les grandes écoles types (ENA, Science Po….).

Cependant, il n’en demeure pas moins que l’employeur a pu identifier des insuffisances et des lacunes dans le produit qui lui était livré. Il est vrai que les attentes des administrations en matière de compétences, de qualifications et de métiers sont diverses, imprécises et parfois contradictoires. Elles ont pu varier dans le temps puisque, en effet, elles sont étroitement liées au rôle que l’Etat entend jouer dans la société française d’aujourd’hui, confrontée à de lourdes contradictions et à des défis internationaux.

B) Le débat généraliste/spécialiste : insuffisances et lacunes

La satisfaction globale des administrations n’a pas empêché l’employeur de poser des questions sur la formation des cadres supérieurs et d’observer des insuffisances et des lacunes. Trois questions se trouvent implicitement posées par l’employeur à l’institution chargée du recrutement et de la formation de la haute administration.

La première porte sur le point de savoir s’il est préférable de former des généralistes ou des spécialistes. Le souci immédiat et utilitaire des administrations pousserait celles-ci à souhaiter disposer de professionnels de leur domaine spécifique. Jusqu’à présent, le point de vue contraire, avec quelques nuances, a prévalu. Il a estimé que le rôle de l’ENA n’est pas de former des spécialistes ou des techniciens, fussent-ils de très haut niveau : les administrateurs qui assistent les gouvernants doivent avoir nécessairement une approche interdisciplinaire des problèmes.

Toutefois, l’Ecole nationale d’administration a varié dans l’application de ce principe ; en effet, au cours de son histoire, elle a connu pour simplifier, quatre organisations de la scolarité qui ont privilégié alternativement la polyvalence ou au contraire une certaine spécialisation. Actuellement, et depuis la réforme de la scolarité de 1982, prévaut une formation unique. La spécialisation prévue en 1972, pour lutter contre l’encyclopédisme et la superficialité d’une formation, qui de surcroît, ne correspondait pas à la diversité des besoins des administrations, était fondée sur deux voies de recrutement (une voie d’administration générale pour les littéraires à formation juridique et une voie d’administration économique pour les scientifiques formés aux sciences politiques et économiques) et deux voies de scolarité avec un tronc commun mais des enseignements spécifiques.

Ce choix, qui conduisit à une excessive atomisation de la scolarité, ne permit pas de donner aux élèves le professionnalisme que les administrations utilisatrices étaient en droit d’attendre. Cette organisation fut donc abandonnée.

Simon Nora, Directeur de l’ENA de 1982 à 1986 dans une lettre mensuelle de l’Ecole, exposait sans détours les termes du débat généralistes/spécialistes. Selon lui, le but de l’ENA est de « former des généralistes de méthodes et de langages qui permettent d’apprendre vite et bien des spécialités. C’est-à-dire des gens au courant des technologies modernes, des formes modernes de management, avertis de la façon dont ces questions sont traitées dans d’autres pays ». Il vrai que l’école forme des gens dotés de rigueur d’analyse, apte à décider, à administrer, à gérer.

La scolarité telle qu’elle est organisée et surtout telle qu’elle est sanctionnée oblige à lire vite de volumineux dossiers, à en faire rapidement la synthèse, à distinguer de manière réaliste le possible du souhaitable, à proposer de manière argumentée si ce n’est la réponse la réponse au problème posé du moins les diverses solutions parmi lesquelles le politique devra choisir.

Cette position en faveur d’une formation de généralistes n’est donc pas sans force ni fondement ; c’est notamment celle défendue par l’Association des anciens élèves de l’ENA qui dans sont Livre blanc du cinquantenaire de l’ENA : dix propositions pour l’administration de demain, rappelle sous la rubrique « Donner un contenu plus concret à la scolarité » que « la formation de l’ENA n’est pas spécialisée. L’idée d’une formation généraliste est au centre du système. Elle est un atout et est particulièrement adaptée à une époque où les cadres de référence évoluent rapidement.

C’est paradoxalement dans les études générales et classiques que se forme le mieux l’aptitude à décider et à résister au risques de manipulation qui caractérisent des sociétés surmédiatisées ».Toutefois, l’Association reconnaît que « l’enseignement délivré à l’ENA n’est pas suffisamment concret : certaines matières mériteraient un approfondissement.

A la lueur de ce qui précède, on peut comprendre, dans ces conditions, que les administrations-employeurs ne soient pas totalement satisfaites du produit fini.

La deuxième question qui intéresse l’employeur est la part que la formation consacre à la pratique et à l’expérience professionnelle par rapport à l’enseignement théorique.

L’une des grandes réussites de la formation à l’ENA est incontestablement la période de stage, notamment le stage long. Consacrer la moitié du temps de la scolarité à un stage situé en amont de la période d’études, afin de rendre celle-ci plus concrète et plus consistante, tel est l’idée des concepteurs de la scolarité de l’ENA, même si des problèmes très prosaïque de locaux et de crédits intervinrent dans ce choix audacieux de l’hiver 1945.

Le futur employeur ne peut qu’approuver cette démarche où l’élève, placé auprès d’un chef de stage fonctionnaire d’autorité ou chef d’entreprise, est en position de responsabilité et joue un rôle actif en faisant l’apprentissage des relations du travail. On peut bien sûr reprocher au stage de l’ENA, et notamment au stage en préfecture, de favoriser un certain comportement fait de conformisme voire d’opportunisme, mais tous ceux qui l’ont fait lui reconnaissent un rôle formateur supérieur à celui de la scolarité proprement dite.

Celle-ci, précisément, se veut celle d’une école d’application qui privilégie l’étude de problèmes concrets, tels qu’ils se posent à l’administration avec des maîtres de conférence qui sont de hauts fonctionnaires eux-mêmes dans l’action administrative.

Malgré des méthodes pédagogiques fondées sur l’étude de cas, les travaux en groupes de séminaire avec une production et une évaluation collectives, les déplacements à l’extérieur dans les administrations, les entreprises, les centrales syndicales, la scolarité est vécue comme une machine à classer loin des préoccupations futures des élèves et de celles de l’employeur.

Comme l’a si bien écrit François Bloch-Lainé (1976), l’ENA est une machine à classer les gens « c’est de moins en moins un lieu d’enseignement »

La troisième question porte sur la combinaison de la formation administrative classique avec l’enseignement des techniques modernes de gestion auxquelles l’employeur est évidemment très attentif. Il est clair que les administrations ne se désintéressent pas de la maîtrise que les élèves doivent acquérir en matière de rédaction et d’interprétation des textes, de préparation et de mise en œuvre des documents budgétaires, de connaissances des enjeux communautaires ou internationaux. Ce sont les bases fondamentales de l’administrateur généraliste.

Toutefois, le directeur des personnels qui « touche » un nouvel arrivant, fraîchement formé à l’école national d’administration, est en droit d’attendre du cadre supérieur qui lui est affecté qu’il maîtrise les méthodes et les outils modernes de préparation des décisions et de gestion. Il ne s’agit pas d’avoir un comptable, un statisticien, un informaticien ni un psycho-sociologue, mais un responsable qui connaît les principes, les outils et les enjeux de la comptabilité, de la statistique, de l’informatique ou de la psycho-sociologie.

Un directeur de personnels recruteur devrait légitimement pouvoir être assuré de cette prestation de l’école de formation de la haute administration. En dépit des efforts de l’école en la matière, il n’en rien. Aussi, tenant compte des réponses données par l’institution aux trois questions de l’employeur, il est possible de pointer très concrètement des insuffisances, voire des lacunes, de la formation des hauts fonctionnaires.

Régulièrement, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique fait des enquêtes auprès des services de personnels des ministères et des juridictions administratives et financières sur les besoins en formation initiale et continue de l’encadrement supérieur.

Le dernier de ces recensements fait clairement ressortir que le principal reproche porte sur le caractère insuffisamment concret et approfondi des enseignements.

Il est relevé, par exemple, que les enseignements du module de formation « procédures budgétaires et fiscales» et « gestion publique » se réduisent trop souvent à un exercice formel et convenu d’entraînement à la note de synthèse, sans réel contenu technique.

C’est dans ce contexte que l’on retrouve les termes du débat sur la formation de généralistes ou de spécialistes, car derrière le reproche du manque de concret apparaît très vite l’insuffisance de la maîtrise de certaines techniques, notamment en matière de commande publique d’exécution de la dépense, voir, ce qui est plus surprenant, d’expertise juridique.

La principale carence porte sur la gestion des ressources humaines. Aucun enseignement approfondi n’est assuré dans ce domaine alors qu’inévitablement, à un moment ou à un autre de sa carrière, le cadre supérieur aura une responsabilité en la matière. Ce sujet ne se résume évidemment pas à une formation sur le droit e la formation publique et les carrières.

Il s’agit de dispenser un enseignement concret avec études de cas afin que la gestion des agents, leur évaluation, les entretiens professionnels, la délégation, l’utilisation de la formation comme un investissement, la motivation et le besoin de considération des agents, la capacité d’animation des équipes soient enfin sérieusement traités.

Ces sujets sont d’une extrême importance dans un contexte d’emploi où de nombreux diplômés de l’université sont reçus à des concours de catégories B.

On peu s’interroger sur la légitimité des cadres supérieurs de la haute fonction publique à l’égard de collaborateur surdiplômés, mais de rang statutaire et hiérarchique modeste, si les techniques de responsabilisation et d’évaluation ne sont pas maîtrisées par les hauts responsables.

Les compétences, les aptitudes, les qualifications fondent désormais les relations de travail plutôt que le seul principe d’autorité. Que penser des timides tentatives d’enseigner les « relations humaines » à l’ENA qui placent les modules de formation sous la responsabilité de sociétés de conseil en stratégie privée et non pas sous celle des gestionnaires de personnels des administrations ?

D’autres lacunes pourraient tout aussi bien être développées : les formations à l’audit administratif ou financier, au contrôle de gestion.

Enfin, des pans entiers de la gestion publique sont peu traités ou à peine effleurés par la formation à l’ENA : le secteur de la protection sociale et celui de l’éducation. Sur ce dernier par exemple, il n’y a pratiquement rien sur la connaissance du système éducatif : ses enjeux, son coût, son devenir, sont évolution, alors qu’il mobilise à la fois plus d’un million d’agents (le premier employeur de France) et la part la plus importante du budget de l’Etat. On ne peut que le regretter.

C) L’analyse d’Eymeri et les critiques

Dans un entretien accordé à « Regards sur l’actualité » en avril 2006, Jean-Michel EYMERI dressait le bilan ou en tout cas rappelait les objectifs qui présidèrent à la création de l'ENA.

Selon lui, l'ambition des fondateurs de l'ENA semblait se décliner en quatre principaux objectifs, qui s'avèrent soixante années plus tard avoir été inégalement atteints. Tout d'abord, il s'agissait d'en finir avec le monopole que Sciences-Po exerçait sur le recrutement de la haute fonction publique. L'expérience se solde en la matière par un échec. Très vite ces deux institutions se sont inscrites dans une relation d'osmose exclusive, a-t-il dit. J-M Emery fustigeait la quasi-hégémonie qu’exerce l’IEP de Paris sur l'accès à l'ENA par le concours externe.

Il ajoutait que le deuxième objectif des fondateurs, en particulier Michel Debré, était de faire de l'ENA une "école d'application" véritablement « professionnalisant ». Cet objectif n'a visiblement pas été atteint selon J-M EYMERI, et a conduit à de regrettables effets pervers ; pas de corps d'enseignants permanents. S'y ajoute une scolarité à l'ENA dont les anciens élèves s'accordent à dire qu'elle est « une super prép'ENA » où l'aspect d'école d'application se traduit, par le recours à une technique quasi-exclusive, ressassée jusqu'à satiété, de la "note sur dossier avec mise en situation".

Poursuivant son analyse, J-M EYMERI affirmait que le troisième objectif assigné à l'ENA, était d'en finir avec le cloisonnement des grands et moyens corps, mais aussi des divers ministères en autant de « maisons »ou de « chapelles » ayant chacune son « esprit de corps ». Sous ce rapport, a-t-il ajouté, le succès de l'ENA est plus que mitigé. L'ENA n'a nullement fait disparaître les esprits de corps, et les soucis de distinction entre les grands corps, les « petits grands corps » et les autres. Enfin concluait-il, un quatrième objectif était de former des cadres à haut potentiel. Cet objectif a été pleinement atteint : la montée en charge de l'ENA, s'est traduite, à partir des années 1970, par un fort rajeunissement des sommets de l'administration.

Par ailleurs, il s’est trouvé aussi un membre du sérail pour décréter en 2005 la mort des élites françaises issues de ces prestigieuses écoles :

Alain Minc, puisqu’il s’agit de lui, a sifflé le premier cette fin de partie. « Une élite n’est pas en train de se substituer à une autre avec ses propres codes, ses processus de recrutement, ses modes de reconnaissance. C’est en effet à la mort des élites que nous assistons, ou, plus prosaïquement, à la disparition de la classe dominante, telle que Marx l’avait mise en scène : la communauté se dissout, qui réunissait les détenteurs de tous les pouvoirs politique, économique, intellectuel et les faisait agir de conserve. Leurs intérêts les rapprochaient, mais aussi une idéologie, une vision du monde : ce pouvait être un « complot d’intérêt général », comme la construction européenne, au même titre que la défense prosaïque de leurs intérêts de classe ».

Nonobstant ces nombreuses critiques, on peut dire que l’ENA est d’abord une école, un lieu de formation. Et c’est précisément le point de vue prosaïque de l’utilisateur qui se trouve ici sollicité, loin du fracas des débats et des polémiques sur l’énarchie et ses élites.

Pour conclure sur ce diagnostic, l’on ne peut pas ne pas évoquer la question du décalage entre les attentes des élèves lors de la prise du premier poste (piloter la politique du ministère dans un secteur donné) et celles de leur employeur (assurer les tâches concrètes et quotidiennes de chef de bureau d’un ministère). C’est là une question de comportement. Les déconvenues sont parfois rudes.

Cependant, définir aujourd’hui la place et le rôle de l’ENA dans l’administration renvoie aux missions prioritaires que l’Etat doit assurer dans notre société. Or celles-ci ont beaucoup évolué depuis un demi-siècle. Les attentes des citoyens envers leur administration ont accompagné et peut-être précédé cette évolution. Longtemps drapée dans une culture de souveraineté et convaincue de sa légitimité exclusive à défendre l’intérêt général, la fonction publique doit résolument s’adapter pour répondre aux attentes des citoyens qui se vivent de plus en plus comme des usagers du service publique, confortés qu’ils sont par le mouvement consumériste.

La priorité de l’action administrative s’est déplacée, il s’agit désormais de répondre au risque de rupture du lien social, de lutter contre l’exclusion, de protéger l’environnement, de tenir compte de la mondialisation des échanges économiques, culturels, technologiques. L’activité normale des services de l’Etat est sans doute appelée à diminuer, son action à prendre d’autres formes telles que, par exemple, la prévention et la gestion des conflits, ou la mise en place de partenariats avec d’autres collectivités territoriales que l’Etat.

Dans cette perspective, le profil des agents publics, et tout particulièrement des cadres supérieurs qui ont un rôle d’impulsion, va inévitablement changer. On attend désormais d’un haut fonctionnaire qu’il puisse animer des équipes, piloter des actions publiques, conduire des projets, dépasser des cloisonnements créés par les structures ou les procédures, œuvrer de façon interministérielle.

Cela implique une grande réactivité des hauts fonctionnaires, une plus grande diversité des recrutements et une plus forte mobilité au cours de leur carrière. Or, le recrutement actuel des promotions de l’ENA ne permet pas une mise en œuvre aisée de ce triptyque réactivité-diversité-mobilité. Raymond-François

Le Bris ancien Directeur de l’ENA de 1995 à 2000 dans un rapport publié sur le site Internet de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, parlait de l’évidence d’« un décalage entre le profil des candidats reçus aux concours (tout particulièrement ceux issus du concours externe) et la réalité humaine, économique et sociale de notre pays ».

Il s’appuie sur quelques chiffres : « 25% de femmes au total parmi les élèves d’une promotion, plus de 40% des admis au titre du concours externe nés en Ile-de-France, 80% d’entre eux issus d’une famille de cadres et plus de 80% diplômés du prestigieux Institut d’études politiques de Paris. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes », concluait-il.

Il propose un recrutement plus diversifié ouvert aux jeunes diplômés de toutes disciplines (scientifiques, littéraires, juridiques ou de gestion…) des universités, accompagné de facilités plus grandes de préparation régionalisées du concours et une valorisation de leur spécialité aux épreuves de recrutement grâce à un fort coefficient. Il ajoutait : « Cette diversification des origines disciplinaires des élèves ne répond pas d’ailleurs à une simple préoccupation sociale ou à un souci de meilleur aménagement du territoire universitaire. Elle est rendue indispensable par l’évolution profonde des missions de l’Etat ».

Il est vrai que l’on a beaucoup évoqué ces dernières années la transformation de l’Etat. On a préconisé « l’Etat moderne-Etat modeste », avec les conséquences que cela devait avoir sur les administrations. Toutefois, les Français n’attendent pas de l’Etat moins qu’hier.

Ils attendent peut-être autre chose, comme en témoignent les demandes en matière d’éducation, de santé, de justice, de sécurité, et plus généralement en qualité de service rendu.

Le recrutement et la formation des fonctionnaires, à commencer par l’encadrement, doivent en tenir compte.

Conclusion

L’école, vecteur propagateur d’un ensemble de savoirs encadré, vérifié et voulu par l’Etat, sert à fabriquer des éléments sociaux spécifiques nécessaires au bon fonctionnement du système étatique. Pour mieux répondre à ses besoins l’Etat a mis en place des structures plus spécialisées et sélectives, les Grandes Ecoles. Celles-ci se basent sur la méritocratie que prône la République et font appel aux élites formant le grand corps détenteur du double capital culturel et économique.

On l’a vu, pour des raisons diverses les Grandes Ecoles ne répondent pas infailliblement aux attentes de l’Etat qui, lui, doit répondre aux exigences d’aujourd’hui.

Les grands défis tels que : la décentralisation, l’intégration européenne, la mondialisation des échanges économiques et les risques de toutes natures nécessitent des approches plus empiriques axées sur des enseignements plus spécialisés et pointus.

Les grandes écoles en particulier l'ENA doivent redéfinir de fond en comble la socialisation qu'elles donnent aux futurs dirigeants publics, ainsi que le contenu de la formation des hauts fonctionnaires.

En ce sens l’ENA peut apporter un concours décisif, grâce à la notoriété qu’elle a acquise en formation initiale, à une plus grande ambition pour l’avenir. C’est probablement dans cette optique qu’elle met le cap sur l’Europe et les entreprises en annonçant l’ouverture en janvier 2007 d’un « cycle des hautes études européennes », sorte de MBA exécutif (Master of Business Administration) d’une durée de dix mois, destiné à une trentaine de jeunes décideurs français et européens. Ce projet est en tout cas dans le droit fil de la réforme décidée fin 2002 et engagée en janvier 2006 par l’ENA en vue de devenir « une grande école européenne du management public », avec pour objectif de mieux faire connaître « les secrets de fabrication de l’Europe » à des « non-spécialistes » promis à d’importantes responsabilités.

Toutefois, La route sera longue. Dans une Union qui comptera bientôt 27 Etats, la France pourra jouer un rôle dans le cadre de formations des hauts fonctionnaires européens. L’École, tient peut-être là sa « nouvelle frontière ».

Renald LUBERICE et Cyril Vauzelle


Notes

1. http://www.liberation.fr/opinions/rebonds/202827.FR.php consulté le 31/10/06

2. La carte scolaire fait souvent l’objet de contournement et de critique. Elle est souvent remise en questions par les politiques eux-mêmes. Pour plus d’info, voir l’article de libération précité.

3. Source INSEE

4. L'Énarchie ou les mandarins de la société bourgeoise, paru en 1967

5. Pierre BOURDIEU, La noblesse d’Etat, P.406

6. Le terme est bourdieusien

7. Idem voir tableau P.407

8. J.A Kosciusko-Morizet, la mafia polytechnicienne P.99

Bibliographie :

II/Un processus de sélection :

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- EYEMERI, Jean-Michel La fabrique des énarques, Paris, Economica collection Études Politiques, 2001, 253 p.

- Entretien de Éribon, Didier avec BOURDIEU, Pierre à l'occasion de la publication de

« La noblesse d'État » (1989) in Le Nouvel Observateur, 9-15 mars 1989, pp.80-82 : http://www.homme-moderne.org/societe/socio/bourdieu/noblesse/entretienNO89.html

- Direction de la Communication de l’IEP de Paris, Communiqué de presse, Paris, 20/12/2001 :

http://www.sciences-po.fr/presse/concours_ext.htm

- Direction de la Communication de Sciences Po, « Encore de très bons résultats aux concours d'entrée de l'ENA et de l'ENM ! », Sciences Po Info, 19/12/2005 :

http://www.sciences-po.fr/presse/sciencespo_infos/archives/NL_2005_12_19.htm

- EZRA, Suleiman, « Les élites de l’administration et de la politique dans la France de la Vème République : homogénéité, puissance, permanence », Le recrutement des élites en Europe, Paris, La Découverte, 1995, pp.19-47.

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http://209.85.135.104/search?q=cache:byyC7g9egVAJ:www.upf.pf/news/inspecteur-tresor-oct2006.pdf+devenez+inspecteur+du+tr%C3%A9sor+public&hl=fr&gl=fr&ct=clnk&cd=1

- Site internet de La Documentation française :

http://sciencespo.ladocumentationfrancaise.fr/

- Site internet http://cybsante.free.fr (traitant des différents concours de la fonction publique) :

http://cybsante.free.fr/concours.php3?fiche=11

- Site internet de l’École Nationale de la Santé Publique (ENSP) :

http://www.ensp.fr/modules/prepa-concours-10/index.php?id=9

- Site internet de Sciences Po :

http://www.sciences-po.fr/formation/prepa_concours.htm

http://prepaconcours.sciences-po.fr/concours_francais.htm

http://www.sciences-po.fr/formation/cycle1/index.htm

- GARRIGOU, Alain, « Sciences-Po laminoir des élites françaises », Le Monde diplomatique, Mars 1999, pp. 24-25

- Site internet de l’IGPDE :

http://www.institut.minefi.gouv.fr/sections/ligpde_se_presente/missions

- Bourdieux Pierre, La noblesse d’Etat. Grandes écoles et esprit de corps, les éditions de Minuit, 1989, pp101-103, pp110-111, pp118-119, pp140-143, pp258-259

- Suleiman Ezra & Mendras Henri, le recrutement des élites en Europe, Paris, La Découverte, 1995, pp9-27, pp26-27, PP32-45

- Suleiman Ezra, Les élites en France, Grands corps et grandes écoles, Paris, Seuil, 1979. pp18-21, pp25-27, pp36-39, pp98-101, pp274-279

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- Alain Minc, Le crépuscule des petits Dieux, Grasset, 2005, 135p.

- Nadeau Jean-Benoît & Barlow Julie, Pas si fou, ces français! Seuil, 2005, 314p.

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- Klein Thierry, « Causes morales de la crise des élites françaises » Blog www.thierryklein.fr 10/07/05 – Le 16/10/06

- Klein Thierry « La reproduction des élites » 14/07/05 – Le 16/10/06

- « L’ENA à l’heure des choix » : entretien de Mr Raymond-François Le Bris Le Monde du 9/10/1996

- www.asmp.fr Académie des sciences Morales et politiques

- L’ENA s’ouvre à l’Europe et aux entreprises, Quotidien «Les Echos » du 30/10/2006

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