mardi 29 avril 2008

Question de couleur {suite}

Ray,

Effectivement, « l’humain collabore avec l’autre » dans l’acquisition de la connaissance. Mais qui est c’est autre ? Qu’elle sa place dans la collaboration ?

L’autre c’est cet autrui qui m’est étranger et différent c’est un moi qui n’est pas moi mais qui prétend être mon semblable, mon alter ego. Comment moi, j’appréhende ce dilemme-là ? La différence quant à elle apparait dans la psyché « instinctive » de l’humain graduel. Il y a autre que autre. Cette manière d’appréhender les choses a pris forme « scientifiquement » au XIXème siècle quand des savants européens, je pense notamment au français de Gobineau, élaborent des théories scientifiques hiérarchisant les êtres humains allant, du sommet de l’échelle, de ceux qui les ressemblent le plus : les « Blancs », et au bas ceux qui leur sont plus éloignés : les nègres.

On peut avancer sans trop de difficulté que la découverte de l’autre se fait souvent avec un certain nombre d’appréhension, de schèmes appréciatifs socialement transmis qui vont guider sa perception de l’autre. Si aujourd’hui on a pu « grâce ou à cause » de Hitler revoir nos préjugés de races et de couleurs en essayant de prôner une sorte d’altérité. La différence se concentre désormais sur la culture. On pointe du doigt des cultures autres. Des cultures qui seraient incompatibles. Certains parlent de « choque des civilisations ». Un exemple flagrant de ces cultures autres est l’Islam.

Le discours du président Français, Nicolas Sarkozy au Sénégal devant un parterre d’étudiants et d’enseignants a battu en brèche l’idée de la disparition des préjugés et l’instauration du « melting pot ». L’homme Africain pour le président est celui qui n’est pas entré dans l’histoire, qui répète tout le temps les mêmes faits et les mêmes gestes. Or la répétition des mêmes faits et les mêmes gestes est le fait de ce « non-cogito » agissant par instinct. Donc l’inhumain.

La mondialisation n’est pas un phénomène récent dans l’histoire de l’humanité. N’a-t-elle pas commencé au moins avec Christophe Colomb ? Le commerce triangulaire n’était-il pas mondial ? Certes la « mondialisation n’est pas qu’économique et technologique » mais elle consacre la suprématie culturelle de certaines régions au détriment des autres.

L’acquisition de la connaissance technique est-elle intimement liée avec la capacité à accepter l’autre ? L’Europe a fait des progrès économiques considérables au 19eme siècle pourtant c’est à ce moment même qu’on rejette l’autre a travers des théories faussement scientifique qui légitiment ce rejet.

Je rappelle qu’Hitler a été démocratiquement élu. Hannah Arendt n’a-t-elle pas montré qu’Hitler est la personne par qui le mal s’est concrétisé mais les racines du mal étaient ancrées dans la culture européenne, sinon dans le christianisme ? La monstruosité hitlérienne n’a-t-elle pas été légitimée justement par les évolutions techniques et technologiques ? Par ailleurs, certaines théories qui étaient au cœur du programme d’Hitler telles que le « manifest destiny » ou la « théorie de l’espace vital » ont-elles été hitlériennes ?

Cordialement

Renald LUBERICE.

Paris 29/04/08

LA QUESTION DE COULEUR ou Opium des Misérables

Renald,
Merci d'avoir soulevé ces points. Cela nous permettra certainement d'avoir des échanges fructueux. Vous dites: "J'établis une différence nette entre la connaissance du fonctionnement de la matière (qui n'est autre qu'une connaissance technique issue de l'expérience) et la capacité à accepter l'autre..."
Dans l'acquisition de la "connaissance technique" (know-how), l'humain désormais collabore avec l'autre, le découvre, apprend à le connaître, etc. Les technologies de pointe, par exemple, favorisent ce melting pot où toutes les races du monde se rencontrent pour enfin produire, créer ensemble, et ce faisant, apprennent à se découvrir, à s'apprécier, à s'acculturer. Et à mesure qu'on s'enfonce dans cette nécessité historique, économique, sautent graduellement les barrières, les préjugés, etc. La mondialisation n'est pas qu'économique et technologique. Elle a des ramifications socio-culturelles qui font éclater beaucoup de tabous.
L'acquisition du know-how et la "capacité à accepter" l'autre sont intimement liées.
Avant la prise du pouvoir par Hitler, l'Allemagne fut le centre de la culture, de la philosophie, de la science, de la technologie. Philosophes et scientifiques allemands collaboraient avec leurs collègues d'Europe. Les congrès Solvay de physique où les Paul Langevin, les Louis de Broglie, Einstein, Borh, Heisenberg, Planck, (juifs et non-juifs) se rencontraient, caratérisaient une période prolifique et exceptionnelle de la pensée humaine. Sans oublier les nombreux clubs Science et Philosophie. C'était une période de grands débats scientifiques et philosophiques.
Et si un tel pays s'est laissé prendre au viol nazi, quelle société est à l'abri des récessions économiques exploitées par les racistes, les xénophobes?
Quelques individus ont saisi l'opportunité que présentaient des difficultés économiques pour cibler les juifs et entonner le chant de destruction en substituant habilement la suprématie d'une race à la collaboration fructueuse par delà les frontières. Désormais, soudainement, les collaborateurs d'hier se retrouvaient dans des camps opposés. Martin Heidegger, Max Planck, Heisenberg dans le camp nazi, Einstein, Borh contre la folie hitlérienne.
Autrement dit, les choses sont autrement complexes. Il faut mettre plutôt l'accent sur l'acquisition de la connaissance technique, son comment, ce processus de collaboration intense qui fait intervenir non seulement des talents mais ce que nous appelons à corporate America "how to deal with people" (the people process of the culture of execution). Il faut mettre l'accent sur les difficultés économiques et les politiciens qui les exploitent à des fins égoïstes. Une poignée d'hommes peuvent tout chambarder.
Et c'est pour cela que nos sociétés doivent empêcher "qu'un seul homme ne détienne de pouvoirs tels qu'il puisse usurper la liberté publique".
Cordialement,
Ray

Mon cher Ray,

Mon affirmation est loin d'être une définition complète ni une réflexion achevée. C'était une manière de corroborer autrement ce qu'avait avancé Gérard Étienne et que vous avez complété. En revanche, sans toutefois vouloir apporter une définition définitive au terme de "culture" qui demeurera encore longtemps problématique, j'appelle inculture l'incapacité à aller vers l'autre, à comprendre ce qui n'est pas nôtre (soi), la volonté de hiérarchiser les modes de vie et les cultures. J'établis une différence nette entre la connaissance du fonctionnement de la matière (qui n'est autre qu'une connaissance technique issue de l'expérience) et la capacité à accepter l'autre dans sa différence et les valeurs qui sont les siennes. L'inculture est avant la volonté d'uniformiser l'humanité, de comprendre qu'un élément n'existe dans un "univers d'objets" que par sa capacité innée ou acquise à se différencier des autres éléments. Sinon tout est confus. Or l'Allemagne Hitlérienne avait été guidée par cette volonté d'uniformisation poussée jusqu'à l'absurde (c'est un déficit de culture aigu engendrant l'inhumanité, mettant particulièrement accent sur l'altérité).

Une connaissance technique n'est, à mon sens, pas preuve de culture puisque c'est le résultat de l'expérience issue de la manipulation de la matière. C'est discutable me diriez vous... c'est bien pour cela que je l'affirme et que j'y crois.

(Jacob, vous semblez reproduire ce que nous sommes entrain de dénoncer? Vous savez ce que cela peut engendrer comme conséquence en imputant le malheur d'une nation à un groupe d'individus constitués en fonction de leur caractéristiques morphologiques?
)


Cordialement

Renald L.

lundi 28 avril 2008

Plaidoyer II -Rupture historique

Plaidoyer II

« Rupture épistémologique » pour une rupture historique en Haïti.

Il est certaines choses de notre passé historique qui constituent un ensemble de mécanismes de blocage, de stagnation de notre nation qu’il convient de connaître réellement, de déceler puis de « détruire » en vue de poser les bases de la nouvelle nation qui doit émerger. Certains pans de notre histoire, de notre rapport à l’autre, à la société et à nous-mêmes bloquent la renaissance de l’homme haïtien et l’émergence d’une Haïti digne, à la hauteur de son histoire.

Certaines lectures historiques consistant à faire de l’acte héroïque des premiers des Haïtiens quelque chose allant uniquement dans le sens de certains hommes haïtiens, les balbutiements économico-sociopolitiques et ce que représente la révolution haïtienne ont manifestement empêché sa juste reconnaissance à travers toute la planète. Or la révolution haïtienne ne s’est pas orientée en fonction d’un idéal exclusif et particulier mais d’un idéal total et universel visant à réhabiliter l’humain dans son essence même et ce qu’il a d’universel, c’est-à-dire l’humanité. La révolution haïtienne n’a pas été faite pour une race particulière mais pour la réhabilitation de l’espèce humaine.

Nos erreurs, nos balbutiements historiques et la façon d’être haïtien constituent désormais un ensemble de structures structurantes qui structurent nos pensées et nos actions engendrant ainsi un blocage historique que seule une rupture sera capable de dénouer. De part sa nature et son ambition de permettre la célébration du 250eme anniversaire de l’indépendance d’une Haïti à la hauteur de son histoire, cette rupture sera historique.

Elle sera historique parce qu’elle reconsidèrera l’histoire d’Haïti non pas en fonction des ses absurdités sous-jacentes et répétées mais en fonction du caractère universel et les principes réels d’humanité que véhicule la révolution Haïtienne. La rupture sera historique parce qu’elle visera à réhabiliter des femmes et des hommes qui se sont battus pour l’application de valeurs qui ont été prononcées (les droits de l’homme) mais demeurées formelles.

Cette une rupture historique parce qu’elle s’attache non pas à la contemplation d’une histoire lointaine mais à l’action afin que naisse l’Haïti que Anténor Firmin, Massillon Coicou, Dumarsais Estimé, Price Mars etc. auraient voulu voir de leur vivants. C’est une rupture historique parce qu’elle est la résultante de la prise de conscience que nous sommes les acteurs contemporains de l’histoire de demain et que de nos actions d’aujourd’hui dépend la couleur de l’Haïti de nos enfants.

Solidarisons-nous

Pour une Haïti à la hauteur de son histoire

(à distribuer à toutes les personnes susceptibles de faire avancer la réflexion pour la Rupture historique)

Renald LUBERICE

Paris 28/04/08

dimanche 13 avril 2008

Qui sera le sauveur d’Haïti ? La diaspora ? L’homme providentiel ?

Qui sera le sauveur d’Haïti ? La diaspora ? L’homme providentiel ?

L’esprit messianique chez l’humain remonte très loin dans l’histoire de l’humanité. C’est en quelque sorte l’expression même de la condition humaine. Souvent il relève de l’ordre de la croyance. Etant donné que toute domination a besoin d’au moins un minimum de croyance pour sa perpétuation, l’esprit messianique se trouve donc au cœur de la chose politique. Alors certains peuples plus éclairés que d’autres le considèrent uniquement dans sa dimension symbolique. Dans un système de démocratie dite représentative il y a –t-il de place pour le messie ? Pourquoi ?

Haïti semble très tôt dans son histoire coincée. Elle doit attendre celui qui viendra la délivrer. Certains attribuent ce blocage au fait que l’histoire a toujours été jalonnée par des pourris. J’aimerais ici affirmer que dans l’histoire d’Haïti, il n’y a pas eu que des pourris mais ce sont des pourris qui ont toujours vaincu, ce qui est responsable de la catastrophe actuelle. Nous avons le devoir de réhabiliter les sains, afin que sur leur trace Haïti puisse renaître, je pense à Anténor Firmin, Massillon Coicou, Léon Dumarsais Estimé, etc. Mais ce qui m’intéresse c’est la dimension messiaque que prônent plus d’un.

D’abord la diaspora. Je m’étonne que des gens censés bien sensés utilisent le terme diaspora[1] pour désigner les haïtiens vivants à l’étranger sans jamais prendre la peine de préciser ce qu’ils entendent par ce terme, en ignorant sa dimension problématique même. Mais bon, ce n’est pas l’objet de ce papier.

Certains voient en les expatriés haïtiens le messie. Mais ajoutent-ils tout de suite qu’il faut que le gouvernement crée les conditions pour que ces expatriés puissent revenir. A force de s’appeler diaspora mes compatriotes finissent par se prendre pour effectivement des diasporas et pensent qu’à la manière d’Israël, Haïti va créer les conditions de leur retour à la terre promise. Quelle absurdité de croire à des choses pareilles !

En fait ce discours ne peut être compris que comme une stratégie de légitimation, une démarche de déculpabilisation du genre : vous voyez si Haïti est dans cet état et que nous ne faisons rien, ce n’est pas de notre faute. C’est parce que le gouvernement haïtien ne crée pas les conditions de notre retour.

Pourtant on n’est pas des diasporas mais des expatriés. Nous avons nos tantes, nos frères, nos sœurs, nos cousins etc. en Haïti. Nous pouvons y retourner comme bon nous semble et nous battre pour que cela cesse et change en Haïti, si on y retourne pas c’est parce qu’on en a pas envie, on est trop confortable là où l’on est pour remettre en cause nos conforts. On veut bien y retourner, mais faut qu’on nous appelle pour un poste ministériel, et comme ça on pourra rouler tranquillement dans des 4X4 climatisés et le jour où cela ne va plus on retournera là où l’on était. La diaspora est donc un messie improbable, puisque la diaspora haïtienne n’existe pas. J’illustrerai bientôt mes propos par une enquête qualitative réalisée sur ce qui est désigné en Europe (France en particulier) sous l’appellation de diaspora haïtienne qui en réalité n’en est pas une.

Concernant l’homme providentiel, j’ai eu l’occasion d’expliciter pourquoi le problème haïtien ne pourra pas être l’affaire d’un homme providentiel mais de partis politiques. « D’abord pour des raisons simples : pour gouverner en démocratie représentative telle que l’institue notre Constitution il faut une majorité parlementaire. Majorité parlementaire unie par un projet cohérent et solide et par un fort encrage idéologique. […]Parce que pour sortir Haïti delà il faut des réformes sociétales importantes qui seront pour la plupart votées par le Parlement (les deux chambres). Seul un parti politique avec des femmes et des hommes déterminés, bien implanté, saura mener ces réformes. Sinon, on s’amusera à créer des coalitions, des plateformes électoralistes avec des parlementaires (représentants) achetables. Or les réformes qu’on doit mener se heurteront à de nombreux intérêts mesquins de femmes et d’hommes qui n’hésiteront pas à acheter les représentants pour bloquer les changements institutionnels et sociétaux. »[2]

Cessons donc d’attendre le messie. Je lance un appel solennelle à mes compatriotes de l’extérieurs, comme moi, pour que nous n’attendions plus qu’on nous donne le pouvoir mais le prenions et contribuer à l’émergence d’une Haïti à la hauteur de son histoire.

Cordialement

Renald LUBERICE



[1] « À la différence du mot hébreu galout (« exil »), qui se rattache à la nostalgie des origines, à la théologie du retour, aux thèses sionistes, le terme grec diaspora renvoie objectivement au phénomène historique de la dispersion des juifs à travers le monde. On s'accorde le plus souvent à distinguer deux phases dans la Diaspora : la première répond à une volonté d'essaimage des communautés, la seconde obéit à la nécessité de fuir les persécutions qui, du Moyen Âge à l'avènement du national-socialisme en Allemagne, ont cruellement frappé les juifs », voir l’encyclopédie universalis, http://www.universalis.fr/encyclopedie/T901740/DIASPORA.htm

[2] Renald LUBERICE, « Banque de CV et le choix d’un nom pour l’apres Préval », http://luberice.blogspot.com/2008/02/banque-de-cv-et-le-choix-dun-nom-pour.html

Aurions-nous un jour une Haïti digne de son histoire ?

Aurions-nous un jour une Haïti digne de son histoire ?

Rien que sur le net des centaines de discours pleuvent quotidiennement sur Haïti. Ce pays est à la fois pour certains « objet de préoccupations » pour d’autres « objets de distractions ». Cette Haïti humiliée, bafouée a pourtant eu un début historique glorieux en tant qu’inventeur de la liberté universelle. Liberté qu’elle n’a pas su ni pu consolider. Chaque nation définit les cadres des libertés des nationaux ou des humains qui y demeurent dans des textes fondamentaux que les institutions étatiques se chargent de respecter et de faire respecter. Qu’en est-il d’Haïti ?

En essayant de nous faire croire qu’il fera les lois, les respectera et les fera respecter le parlement haïtien actuel n’a de cesse de violer la Constitution, il ne la viole pas parce que la constitution est inapplicable comme certains sophistes veulent bien l’entendre. Il la viole par « je-m’en-foutisme », par manque de méthode, par des comportements non-républicains mais jaculatoires et émotifs qui font qu’il ne prend pas le temps de lire la constitution avant de vouloir prendre une décision en son nom. Il la viole parce que la tradition haïtienne veut que chaque petit chef s’octroie plus de pouvoir que ce que ne lui accordent les institutions. Il la viole parce que « méthode » ne rime pas avec leur façon de faire. Nombre d’Haïtiens sont toujours pressés pour n’aller nulle part et ne rien faire.

Après divers comportements inconstitutionnels de la chambre basse le Sénat vient de porter un gros coup encore une fois à la constitution. Il vient de renvoyer un Premier Ministre parce qu’il en a envie tout simplement sans se soucier des « prescrits » constitutionnels. Alors il y a des sophistes, des opportunistes qui applaudissent parce que cet acte va dans leur sens. Pour eux ce qui priment ce n’est pas le respect des lois que le peuple s’est données mais les politiques politiciennes qui les arrangent. Comment pourrons-nous faire respecter nos lois, œuvrer pour l’émergence d’une Haïti à la hauteur de son histoire avec de tels comportements ?

En défendant ses petits intérêts mesquins, chacun veut faire croire qu’il défend celui du peuple, comme si les intérêts mesquins de chaque groupuscule pouvaient former l’intérêt général. Ce n’est pas avec ce comportement qu’on va faire émerger une Haïti digne de son histoire. Ayons bien en tête que c’est nous qui écrivons l’histoire. Elle ne sera autre chose que la direction que nous lui donnons. L’Haïti de demain dépend de nos actes d’aujourd’hui.

Cordialement

Renald LUBERICE