Qui sera le sauveur d’Haïti ? La diaspora ? L’homme providentiel ?
L’esprit messianique chez l’humain remonte très loin dans l’histoire de l’humanité. C’est en quelque sorte l’expression même de la condition humaine. Souvent il relève de l’ordre de la croyance. Etant donné que toute domination a besoin d’au moins un minimum de croyance pour sa perpétuation, l’esprit messianique se trouve donc au cœur de la chose politique. Alors certains peuples plus éclairés que d’autres le considèrent uniquement dans sa dimension symbolique. Dans un système de démocratie dite représentative il y a –t-il de place pour le messie ? Pourquoi ?
Haïti semble très tôt dans son histoire coincée. Elle doit attendre celui qui viendra la délivrer. Certains attribuent ce blocage au fait que l’histoire a toujours été jalonnée par des pourris. J’aimerais ici affirmer que dans l’histoire d’Haïti, il n’y a pas eu que des pourris mais ce sont des pourris qui ont toujours vaincu, ce qui est responsable de la catastrophe actuelle. Nous avons le devoir de réhabiliter les sains, afin que sur leur trace Haïti puisse renaître, je pense à Anténor Firmin, Massillon Coicou, Léon Dumarsais Estimé, etc. Mais ce qui m’intéresse c’est la dimension messiaque que prônent plus d’un.
D’abord la diaspora. Je m’étonne que des gens censés bien sensés utilisent le terme diaspora[1] pour désigner les haïtiens vivants à l’étranger sans jamais prendre la peine de préciser ce qu’ils entendent par ce terme, en ignorant sa dimension problématique même. Mais bon, ce n’est pas l’objet de ce papier.
Certains voient en les expatriés haïtiens le messie. Mais ajoutent-ils tout de suite qu’il faut que le gouvernement crée les conditions pour que ces expatriés puissent revenir. A force de s’appeler diaspora mes compatriotes finissent par se prendre pour effectivement des diasporas et pensent qu’à la manière d’Israël, Haïti va créer les conditions de leur retour à la terre promise. Quelle absurdité de croire à des choses pareilles !
En fait ce discours ne peut être compris que comme une stratégie de légitimation, une démarche de déculpabilisation du genre : vous voyez si Haïti est dans cet état et que nous ne faisons rien, ce n’est pas de notre faute. C’est parce que le gouvernement haïtien ne crée pas les conditions de notre retour.
Pourtant on n’est pas des diasporas mais des expatriés. Nous avons nos tantes, nos frères, nos sœurs, nos cousins etc. en Haïti. Nous pouvons y retourner comme bon nous semble et nous battre pour que cela cesse et change en Haïti, si on y retourne pas c’est parce qu’on en a pas envie, on est trop confortable là où l’on est pour remettre en cause nos conforts. On veut bien y retourner, mais faut qu’on nous appelle pour un poste ministériel, et comme ça on pourra rouler tranquillement dans des 4X4 climatisés et le jour où cela ne va plus on retournera là où l’on était. La diaspora est donc un messie improbable, puisque la diaspora haïtienne n’existe pas. J’illustrerai bientôt mes propos par une enquête qualitative réalisée sur ce qui est désigné en Europe (France en particulier) sous l’appellation de diaspora haïtienne qui en réalité n’en est pas une.
Concernant l’homme providentiel, j’ai eu l’occasion d’expliciter pourquoi le problème haïtien ne pourra pas être l’affaire d’un homme providentiel mais de partis politiques. « D’abord pour des raisons simples : pour gouverner en démocratie représentative telle que l’institue notre Constitution il faut une majorité parlementaire. Majorité parlementaire unie par un projet cohérent et solide et par un fort encrage idéologique. […]Parce que pour sortir Haïti delà il faut des réformes sociétales importantes qui seront pour la plupart votées par le Parlement (les deux chambres). Seul un parti politique avec des femmes et des hommes déterminés, bien implanté, saura mener ces réformes. Sinon, on s’amusera à créer des coalitions, des plateformes électoralistes avec des parlementaires (représentants) achetables. Or les réformes qu’on doit mener se heurteront à de nombreux intérêts mesquins de femmes et d’hommes qui n’hésiteront pas à acheter les représentants pour bloquer les changements institutionnels et sociétaux. »[2]
Cessons donc d’attendre le messie. Je lance un appel solennelle à mes compatriotes de l’extérieurs, comme moi, pour que nous n’attendions plus qu’on nous donne le pouvoir mais le prenions et contribuer à l’émergence d’une Haïti à la hauteur de son histoire.
Cordialement
Renald LUBERICE
[1] « À la différence du mot hébreu galout (« exil »), qui se rattache à la nostalgie des origines, à la théologie du retour, aux thèses sionistes, le terme grec diaspora renvoie objectivement au phénomène historique de la dispersion des juifs à travers le monde. On s'accorde le plus souvent à distinguer deux phases dans la Diaspora : la première répond à une volonté d'essaimage des communautés, la seconde obéit à la nécessité de fuir les persécutions qui, du Moyen Âge à l'avènement du national-socialisme en Allemagne, ont cruellement frappé les juifs », voir l’encyclopédie universalis, http://www.universalis.fr/encyclopedie/T901740/DIASPORA.htm
[2] Renald LUBERICE, « Banque de CV et le choix d’un nom pour l’apres Préval », http://luberice.blogspot.com/2008/02/banque-de-cv-et-le-choix-dun-nom-pour.html
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