Cher-ère-s ami-e-s, cher-ère-s compatriote-s,
J’ai certainement encore péché de n’avoir pas pu répondre en temps réel aux questions qui m’étaient adressées et suivre d’un bout à l’autre le passionnant débat autour du vodou. Je ne m’interdis néanmoins de réagir au moment opportun sur le sujet.
J’ai pu remarquer au passage « l’amour » d’Ed. Lagroue pour la méthode je l’en remercie. Seule une approche méthodique nous permettra de tenir un discours raisonnable et responsable sur le vodou dont l’objet est conforme à la question ou au problème de départ. Au début de ce débat je m’étais intéressé à la nature des discours tenus jusque là sur ce sujet. Force est de constater un mélange récurrent entre un savoir qui n’a pour fondement que le sens commun et un autre qui peut avoir une valeur scientifique. Le problème se pose de cette manière au lecteur : comment dissocier les arguments scientifiques des arguments du sens commun, surtout lorsqu’une même personne dans un même texte tient ce discours manifestement d’une double origine.
Les universités haïtiennes en tant qu’établissements scientifiques sont en grande partie responsables des préjugés relatifs au vodou pour n’avoir pas su faire la lumière, rationaliser l’image qu’on a des pratiques vodouesques. Cette situation fait planer de sérieux doutes sur le des différentes Unités de Formation et de Recherche (UFR) ou facultés des sciences humaines et sociales du pays. Le travail qu’on prétend faire sur ces forums qui par définition ne sont pas des espaces scientifiques est avant tout le travail des universités.
Dans mes premières interventions certains de nos compatriotes ont compris que j’ai refusé qu’on critique le vodou. Je ne sais pas comment ils ont fait pour lire de telles choses dans ce que j’ai écrit. Je me suis intéressé à la nature des discours avec pour hypothèse qu’il s’était agi de discours d’origine coloniale. Dire cela n’est pas la même chose que dire qu’il ne faut pas critiquer le vodou.
Certains ont confondu l’anticolonialisme et le racisme, la xénophobie et l’haïtiannité. Juger que quelqu’un est mentalement colonisé parce qu’il est sorti avec ou a épousé un-e blanc-che n’est autre que du racisme. La question se pose autour des valeurs et de l’appropriation de valeurs coloniales dont le racisme. Je ne suis pas de ceux qui définissent la nation haïtienne en fonction d’une couleur de peau. Je pense qu’on peut être bleu, blanc, jaune, vert, noir, blanc et être haïtien authentique. La mentalité coloniale ne fait pas appel ni au lieu de résidence, ni à la religion, ni à la couleur de l’époux-se. La mentalité coloniale est une vision du monde qui n’a pour essence que les valeurs coloniales. On peut tout à fait être mentalement colonisé sans le savoir, mais c’est un autre débat.
Cordialement
Renald
Auriez-vous l’amabilité de m’excuser de n’avoir pas pu, faute de temps, réagir de suite à vos textes. Mon cher Jacques je te remercie sincèrement de l’intérêt que tu portes à mes textes. Quant aux considérations que tu as faites au sujet de l’article intitulé « vodou et colonisation mentale en Haïti », je pense que je ne saurai apporter de réponses plus édifiantes que celles apportées, entre autres, par notre compatriote Zabeth Jean-Bergeron et notre amie Maureen.
J’ai essayé de répondre aux questions suivantes : « quelle est la nature
de ces prises de positions contre la religion des pauvres ? Quels
sont les mécanismes psychiques et culturels qui permettent la
production, la reproduction et la perpétuation de ces discours qui
sont manifestement d'un autre âge ? ». Mon hypothèse est que « l’ineffectivité de la décolonisation mentale » dans notre pays favorise la reproduction et la perpétuation » du regard colonial envers les/la culture/s indigène/s. Autrement dit des regards qui se veulent objectifs et neutres ne sont que des regards coloniaux portés par des haïtiens sur une partie de la culture haïtienne. Sur les traces de Frantz Fanon, j’affirmerai que la colonisation n’est pas uniquement l’implantation physique d’un groupe de colons armés ou non dans un espace indigène donné mais aussi et surtout la large diffusion de la culture métropolitaine/coloniale. Cette diffusion s’accompagne nécessairement d’un processus d’infériorisation des éléments (humains et non-humais) indigènes. Pour que la colonisation soit réussie il faut que l’indigène arrive à intégrer le fait qu’il est inférieur par rapport au colon, tout ce qui lui appartient est inférieur et que son seul salut viendra de l’appropriation des valeurs coloniales et le rejet des valeurs indigènes. Ce processus cognitif est lent mais une fois effectif, il n’est pas aisé de s’en débarrasser. On peut facilement chasser physiquement le colon mais les valeurs coloniales dont l’essence est la dévalorisation des valeurs locales restent et continuent de guider les relations entre anciens colonisés, les relations entre élites (ceux qui s’approprient le plus souvent le plus les valeurs coloniales) et les autres couches de la population. C’est ce que j’appelle colonisation mentale.
Si on prend conscience cet état de fait on peut analyser plus ou moins objectivement le rôle de l’héritage « cognitif » colonial dans nos rapports aux autres et aux valeurs.
Mon cher jacques je ne suis pas dans une logique de censure, les intervenants disent ce que bon leur semble. Mais j’aimerais que tu me permettes de me questionner sur la nature de certaines interventions, sur les motifs cachés, les non-dits qui sous-tendent certaines prises de positions au même titre que les autres intervenants (ma liberté d’expression quoi). Le problème n’est pas le débat mais la nature du débat. C’est pourquoi j’ose croire que tu n’as pas bien lu mon dernier texte et t’inviter à le faire. Je ne suis pas dans une perspective manichéenne. Je ne suis pas et je ne serai pas de ceux qui cherchent les éléments positifs ou négatifs du vodou. Si je ne le fais pas pour les autres religions pourquoi le ferai-je pour le vodou ?
Je ne fais pas de hiérarchie entre les religions, je veux que le vodou soit traité au même titre que les autres religions et affirme que l’image du vodou n’est que le reflet des conditions sociales des pratiquants. Améliorons les conditions sociales d’existence des vodouisants pour pouvoir avoir une autre image du vodou. Entant que laïque convaincu, je ne m’attends pas à ce qu’une religion peu importe son importance numérique développe le pays. Mais je pense qu’on ne peut pas développer le pays sans attribuer à chaque religion sa juste place.
Mon cher Jacques merci de m’attribuer des rôles sur les forums qui m’obligeraient à me taire, c’est vraiment sympa de ta part. Je comprends que tu sois intéressé par ce sujet et vouloir apprendre des choses à propos du vodou. Mais dis-moi qu’est ce que cela t’apporte quand un intervenant, c’est peut être de son droit, demande l’interdiction du vodou en Haïti ? je n’ai pas vu ta réaction sur ce coup-là. Imaginons que quelqu’un demandait la même chose pour le christianisme ? J’ose espérer que tu n’avais pas lu ces genres d’intervention et que le rapprochement entre mon texte et un possible discours de Duvalier est un compliment.
Jacques, je te remercie par ailleurs de me dicter mes conduites en tant qu’animateur de forum.
Cordialement
Renald LUBERICE
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