dimanche 18 janvier 2009

L'algérie se dévoile, construction du genre

Frantz FANON « L’Algérie se dévoile » in sociologie d’une révolution. L’an V de la Révolution algérienne, Paris, MASPERO, 1959 (présenté par Renald Lubérice)

Fanon : une brève introduction. Qui est-il ?

Deux mots sur Fanon : né à Martinique le 20 juillet 1925, arrière petit fils d’esclavage, Fanon s’engagera dans la résistance où il subira de plein fouet la discrimination raciale en métropole. Psychiatre français, Il est l’un des fondateurs de la pensée tiers-mondiste, et s’est notamment intéressé des conséquences de la colonisation sur les colonisés. Fanon sera médecin chef d’une division de psychiatrie à l’hôpital de Blida-Joinville (Algérie) où il nouera des contacts avec le FLN. Fanon mourra très jeune d’une leucémie (1961).

Son œuvre : fanon a notamment écrit :

* L'œil se noie, Les Mains parallèles, La Conspiration, (trois pièces de théâtres inédites écrites entre 1949 et 1950. Ouvrages introuvables).

* Peau noire, masques blancs, 1952.

* Les Damnés de la Terre, La Découverte, 1961.

* Pour la révolution africaine, La Découverte, 1964.

* L'An V de la révolution algérienne, 1959, dont je vous présente ici un chapitre intitulé : « l’Algérie se dévoile. »

Dans cet article Fanon met en exergue la dynamique historique du voile qu’on peut observer tout au long du processus de la colonisation et la décolonisation de l’Algérie. Il est à la fois élément identitaire et élément de résistance. Quel a été le rôle exact des femmes voilées et/ou dévoilées dans la colonisation et les luttes de libération nationale ? Nous présenterons cet article de Fanon en trois temps.

Il s’agira d’abord de «La femme comme « moyen » de transmission et de sauvegarde de la tradition », dans un dans un second temps, nous aborderons « Le voile entant qu’enjeu de bataille et de résistance » et enfin nous mettrons en lumière la division sexuelle des taches parmi les révolutionnaires qui implique une certaine chosification de la femme la femme Algérienne.

II.1 La femme comme « moyen » de transmission et de sauvegarde de la tradition

« L’appartenance à une aire culturelle donnée, est le plus souvent signalée par les traditions vestimentaires de ses membres. Dans le monde arabe par exemple, le voile dont se drapent les femmes est immédiatement vu par le touriste. »

Même si les traditions festives comme le ramadhan peut altérer provisoirement certaines habitudes de la communauté « le voile de la femme apparait avec une telle constance qu’il suffit, en général, à caractériser la société arabe » contrairement au « vêtement masculin qui admet une certaine marge de choix »

« la Femme prise dans son voile blanc unifie la perception que l’on a de la société féminine algérienne. » Par ailleurs on découvre que la mère algérienne, la grand-mère et la tante jouent un rôle important dans la sauvegarde et la retransmission des valeurs dites indigènes.

le voile : élément de contre assimilation

Le voile symbolise de manière explicitée aux yeux de l’occupant le système de valeur à l’aide du quel l’occupé s’oppose à ses innombrables offensives. Tout ce qui a l’air de volonté de singularisation, tout ce qui apparait comme volonté de maintenir intact quelques bribes d’existence nationale est assimilé à des conduites fanatiques, religieuses et magiques. Les phénomènes de résistance qu’on peut ainsi observer chez l’algérien sont manifestement une attitude de contre assimilation, la volonté de garder une originalité culturelle, donc nationale. En mettant accent sur le voile, la force occupante met à jour le poids réel de la femme dans la société.

II.2 utilisation de « la » femme pour conquérir « les » femmes

Parce que l’occupant, pour reprendre les termes de fanon, pense que s’il a les femmes avec lui la tache lui sera plus facile. Il va donc utiliser la femme européenne (universelle) pour conquérir les femmes algériennes.

L’algérienne est perçue comme « celle qui se dissimule sous le voile ». Le voile est un élément d’identité et potentiellement élément de réalité nationale. L’administration coloniale découvre que pour atteindre la société algérienne il leur « faut d’abord conquérir les femmes ; il faut que nous allions les chercher derrière le voile où elles se dissimulent et dans les maisons, ou l’homme les cache. »

la femme européenne vue comme femme universelle (pour sauver les algériennes)

Pour y parvenir, et pour faire « honte à l’algérien du sort qu’il réserve à sa femme », on va mobiliser des assistantes sociales et animatrices d’œuvres de bienfaisance. Ces femmes européennes dont l’identité semble décrire la femme par excellence, c’est à dire la femme universelle, vont s’attaquer au voile et à la claustration.

On invite l’algérienne à être artisane de la transformation de son sort. Elle est pressée en vue de dire non à sa sujétion séculaire. Elle devra ensuite bousculer l’homme algérien.

L’algérien de son coté est poussé par son collègue européen en vue de transformer ses habitudes de vie avec sa famille. (p. 21). Les patrons européens vont jusqu’à inviter l’algérien et sa femme à l’occasion de fêtes nationales (jour de l’an etc.) Des embuscades tendues par l’Européen pour acculer l’Algérien à se singulariser. A déclarer : Ma femme est voilée. Elle ne sortira pas ou à trahir : « puisque vous voulez la voir la voici. ». Par le voile la mission salvatrice du colon se manifeste. Car à ses yeux dévoiler une femme algérienne c’est la sauver.

Chaque femme algérienne dévoilée est signe de victoire (cela implique la radicalisation du port du voile)

Le maximum des actions psychologiques ont été portées sur le voile. Ce qui a permis à l’occupant d’obtenir des résultats. Il va exister une sorte d’euphorie autour de chaque femme nouvellement dévoilée. «Et de fait dans la société européenne, les artisans de cette conversion gagnent en considération. On les envie. Ils sont signalés à la bienveillante attention de l’administration. » (p.24) La femme est donc conçue comme support de pénétration dans la société algérienne. Et enlever un voile donne plus d’espoir aux colons quant à la possibilité de réussite de leur entreprise. « Chaque nouvelle femme algérienne dévoilée annonce à l’occupant une Société algérienne aux systèmes de défense en voie de dislocation, ouverte et défoncée. Chaque voile qui tombe. Chaque corps qui se libère de l’étreinte traditionnelle, Chaque visage qui s’offre au regard hardi du colonisateur donne l’impression d’une Algérie qui commence à se renier et accepte le viol du colonisateur.

II.3 les « transformations » du voile : brouillage des identités

A. Le voile est tantôt :

- enjeu de fantasme

Aux yeux de l’individu européen, qui n’est pas directement engagé dans le processus de conversion, (surtout l’homme), l’algérienne est l’objet de fantasme, d’exotisme et de sensualité. Le voile, c’est ce qui dissimule sa beauté. Pour illustrer cette affirmation, Fanon rapporte le cas d’un européen avocat de passage en Algérie qui a pu voir quelques algériennes dévoilées. « ces hommes, disait-il, parlant des algériens, sont coupables de couvrir tant de beautés étranges. Quand un peuple, concluait-t-il, recèle de telles réussites, de telles perfections de la nature, il se doit de les montrer, de les exposer. » pour l’européen, la femme algérienne est la reine de toutes les femmes. Dévoiler l’algérienne c’est donc mette à jour sa beauté, dévoiler son secret. La rendre disponible pour l’aventure masculine. L’impossibilité de voir l’algérienne telle qu’il voudrait la voir rend l’européen agressif.

Des médecins européens rapportent leur déception quant à la banalité des femmes qui se dévoilent devant eux. Ils les trouvent vulgaires et il n’y a vraiment pas de faire un mystère.

Les femmes européennes ne sont pas moins violentes à l’égard des algériennes. Elles affirment qu’on ne dissimile pas ce qui est beau. Et selon elles l’attitude des algériennes se rapporte à une « volonté bien féminine » de dissimiler les imperfections. Il y a donc volonté de tromper sur la marchandise.

Par ailleurs ces mêmes femmes déclarent à l’égard de certaines femmes algériennes dévoilées avec une certaine rapidité, se sent mise en danger sur le plan de coquetterie, de l’élégance, voire de la concurrence par cette… des femmes européennes vont rejoindre les algériens pour rejeter avec férocité les femmes algériennes dévoilées.

- enjeu de résistance

Résistance parce qu’à travers le voile le colonisé va déployer une importante forme d’inertie. C’est le blanc qui crée le nègre mais c’est le nègre qui crée la négritude, autrement dit c’est le blanc qui crée le noir mais c’est le noir qui crée le noirisme. L’offensive autour du voile va engendre le culte du voile et le transformer en tabou, alors qu’il était à la base élément indifférencié d’un l’ensemble. Le maintien du voile devient un enjeu d’échec spectaculaire aux yeux du colonisé à l’égard du colon.

II.4- la femme algérienne : pilier important dans la lutte de libération nationale ou pilier chosifié ?

La lutte pour la libération nationale va faire appel à la femme et au voile dans ses tactiques révolutionnaires. L’identité qu’on lui avait construite (à la femme) va être sans cesse brouillée.

B. dédoublement du moi (chez la femme algérienne)

Le voile va jouer un rôle important dans les mécanismes de défense (stratégie plus ou moins consciente) mis en place par le FLN. Dans une perspective adaptative l’algérienne va tantôt garder son voile, tantôt l’enlever.

- un corps au service de la révolution

A travers une division sexuelle accrue des taches guerrières la femme algérienne et son voile vont jouer un rôle important. La femme algérienne dévoilée qui avait peu l’habitude des grands espaces va devoir maitriser parfaitement son corps (c'est-à-dire faire comme les européennes) au cœur des grandes villes européennes

- Confusion des identités

Le voile s’adapte au gré des circonstances. Lui qui faisait partie de l’identité de femmes dans la société algérienne et qui permettait d’altériser les algériennes va être tantôt présent, tantôt absent, toujours au service de la révolution. L’absence du voile symbolise la mise à l’écart du moins provisoirement l’identité algérienne au profit de l’identité européenne qui se veut universelle. La révolution et les taches qui sont confiées (port de grenade, d’argent, de rapport, etc.) à la femme algérienne exige qu’elle brouille son identité de femme indigène au gré des circonstances. Ces brouillages d’identité ne lui ont pas permis d’accéder à la dimension universelle de l’homme c'est-à-dire du mâle mais parfois à la dimension universelle de la femme.

La révolution a donc utilisé le corps des femmes pour parvenir à ses fins. Les femmes algériennes, même en période révolutionnaire « restent » femmes pendant que l’homme algérien tend vers l’accession à l’homme universel

1 commentaire:

EDNER SAINT-AMOUR a dit…

BONHEUR DANS LA NOIRCEUR
Dieu a jugé bon et indispensable à la vie
De créer le mouvement quotidien décrivant un cycle
Où le jour succède à la nuit qui succède au jour
Le jour est clair ou lumière et la nuit est obscure ou noire

Mais l’homme discrimine les choses par ses préjugés
Le jour qui est lumière devient le symbole de l’esprit de Dieu
La nuit qui noire devient symbole de l’ignorance cruelle de Satan
Le jour a bonne réputation, la nuit porte l’opprobre de la création

Ainsi on assiste à la diabolisation systématique de tout ce qui est noir
Auquel on attribue du négatif, du péjoratif, symbole de tout mauvais augure
Le chant et le vol de tous les oiseaux noirs annoncent le malheur
Le corbeau, noir, c’est l’incarnation par excellence de Satan

Seul le merle, noir, échappe à la funeste impression à cause de son bec jaune
Tous les oiseaux blancs plaisent, sont adorés, des mascottes porte bonheur
L’araignée appelée veuve noire, c’est le diable car plus venimeuse que le serpent
Mouton noir, le mal aimé de tous est condamné à porter la croix du monde

Se retrouvent dans la catégorie du négatif, du péjoratif formant le monde de Satan :
Messe noire, magie noire, marché noir, travail au noir, caisse noire,
Série noire, film noir, roman noir, liste noire, livre noire, idées noires
Regard noir, souvenir noir, misères noires, la mort est deuil de couleur noire

Avec la croisade brutale des blancs et des noirs au moment de l’esclavage noir
La diabolisation s’intensifiait pour aller atteindre toute la race noire africaine
Le noir devait rejeter toutes ses valeurs pour adopter les valeurs imposées
Comme supérieures afin de mieux le rabaisser au statut d’une chose ou de rien

Si l’on se fie à ces catégories qui imbriquent les préjugés consacrés par la tradition
On risque de s’aveugle aussi au point de ne voir rien de bon, positif dans le noir
Pourtant contrairement à la tradition, le bonheur est dans la noirceur
La chaleur accablante du jour irritante nuit, la douceur de la noirceur de la nuit ravit

Le jour de lumière est symbole du labeur, du travail, de l’effort, donc de la fatigue
Et dans la fatigue invite à dormir, le soir, la nuit est le symbole du repos de la paix
C’est au repos où s’évacue tout stress du jour qu’on ressent la douceur du bonheur
Après la pluie le beau temps! Après la fatigue, le repos le moment le plus merveilleux

C’est dans la noirceur qu’on peut s’émerveiller en contemplant la beauté du ciel
À regarder la lune qui brille et les étoiles qui scintillent dans la nuire noire
À regarder les noctiluques qui illuminent les surfaces et les flots de la mer
À jouir du silence enlaçant berçant tranquillisant enivrant de la nuire noire

C’est dans la noirceur de la nuit qu’on peut au mieux du bonheur de l’amour
Que l’on peut se prodiguer d’affection au zénith de l’extase et de la transe
Où les deux cœurs amoureux se battent au rythme d’un même langage
Miel, tendresse, affection, ivresse, allégresse, douceur, bonheur et bonheur

Au jour de lumière on se jette dans le labeur, on se tracasse jusqu’à la fatigue
Dans la nuit noire on se repose c’est dans la noirceur réside le bonheur
La vie humaine est ainsi faite un moment de fatigue et un moment de repos
Au jour on se lasse, on se fatigue, au soir on se repose, on se détend, on se réjouit

Le jouir dans le brouhaha humain et de la nature
Ajouté à la nécessité du labeur, de l’effort de la fatigue
Ce n’est pas le moment idéal du rendez-vous avec Dieu
Notre cœur et notre âme actifs et fatigués n’y sont pas

Mais c’est dans le silence noctambule de la nuire noire
Consacré au repos qui est le temps idéal à l’âme disposée
de communiquer avec Dieu, de le contempler de l’implorer
Le silence mystérieux de la nuit noire témoigne de la présence divine
13 octobre 2009








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