Contribution pour une rupture historique
Les interventions qu’a pu susciter mon texte précédent intitulé « Haïti : une société incapable de produire des hommes d’État ? » (voir Le Matin, édition du 9 au 11 janvier 2009) me poussent à faire un second texte de clarification. En guise d’envolée théorique autour du concept d’homme d’État, permettez que je parte des simples affirmations suivantes : L’homme d’État se caractérise par, primo, sa vision ; deuxio, sa capacité à s’inscrire dans une triple temporalité, c’est-à-dire le passé, le présent et le futur ; tertio, par ses facultés d’arbitrage.
Avant de développer ces différentes caractéristiques de l’homme d’État, j’aimerais, au premier abord, préciser que l’homme d’État n’est ni un surhomme, ni un messie. Il se différencie du politicien par ses rapports à lui-même (à soi), aux autres et à la chose publique (res publica). Cette précision me permet, je l’espère, sans grand risque de contresens, de dire ce que j’entends par « vision d’homme d’État ».
La vision permet à l’homme d’État de se placer au-dessus de la « politicaillerie » et de la « politique alimentaire » une politique dont la finalité est la satisfaction personnelle du dirigeant. Le politicien dont la petitesse de l’âme, la vision inepte du monde et de la chose commune pousse à être constamment dans l’immédiateté, à inventer les stratégies pour soutirer quelques milliers de dollars de la collectivité, n’a point le temps de diriger. Il cherche à garder le pouvoir le plus longtemps. Si possible, tant qu’il sera en vie. L’envie que son successeur soit sa femme ou un de ses plus proches ne le quitte jamais.
Quant à l’homme d’État, sa vision le pousse à s’inscrire dans une temporalité triple. Ses yeux sont braqués sur l’histoire afin d’éviter les erreurs du passé. Il veille au bien-être de ses concitoyens en étant dans le présent. Il positionne stratégiquement l’État qu’il dirige par rapport à ses homologues en vue d’optimiser les chances de prospérité de la nation. L’homme d’État s’inscrit dans le futur. Il a une vision précise de ce que doit être sa nation dans 20, 30, 50 ans…. Il a un projet à court, à moyen et à long termes. En ce sens, il sait où il veut emmener le peuple qui lui confie TEMPORAIREMENT son destin.
L’histoire n’est, certes, pas téléologique. Les grandes constructions historiques ont toujours été « sérendipitiennes » de l’anglais serendipity -, c'est-à-dire le fruit de résultats atteints par chance ou par erreur[i]. La politique (dans le sens de politique publique) consiste à agir ou à ne pas agir, à arbitrer ou à ne pas arbitrer entre intérêts et valeurs souvent contradictoires. Cependant, les grandes constructions historiques ont toujours été du côté de ceux qui agissent face aux problèmes sociétaux.
Enfin, l’homme d’État est doté de faculté d’arbitrage. Il mobilise à son compte l’ensemble des mécanismes lui permettant d’identifier et de proposer des solutions aux problèmes sociaux et politiques. Afin de s’assurer de la justesse et de la clairvoyance de son arbitrage, il consulte systématiquement chaque secteur concerné par l’acte d’arbitrage. L’homme d’État gouverne avec le peuple et pour le peuple. Il l’aide à prendre en main son destin de peuple. Il apprend aux collectivités territoriales et locales à gérer avec justesse les affaires des populations locales.
En fait, l’homme d’État fait en sorte que ses facultés d’homme d’État soient mises au service de la gouvernance nationale et locale.
Pour une Haïti à la hauteur de son histoire !
Paris, 13 janvier 2009
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