Haïti : des partis politiques d’inculture ou de sous-culture de partis ?
L’expert français en « droit de l’homme », Louis Joinet, vient de faire une « découverte majestueuse » : qu’il « ne suffit pas, pour assurer le retour à un État de droit, d'organiser des élections et de se doter d'un Parlement. Il est impératif à cet égard que se forge une culture de partis politiques » avant d’ajouter que « les partis s'apparentent trop souvent à des groupes, parfois des groupuscules, essentiellement électoraux, sans grande aptitude à influencer leurs membres dans les instances parlementaires ». Cette déclaration ne risque pas pour autant de heurter la sensibilité de la classe politique haïtienne, donc les élites, ni pousser les partis à une prise de conscience. Elle passera inaperçue, enfin presque, pendant que l’activité politique continue de frôler l’absurdité. Revenons au premier abord à la question d’élection.
L’élection fait, en effet, figure incontournable des principes du gouvernement représentatif –démocratie représentative – qui est le fruit d’une culture politique spatiotemporelle donnée. S’il suffisait d’organiser des élections avec les renforts déterminants de l’étranger pour établir un Etat de droit dans un contexte socioculturel non approprié, ça s’ saurait ! Par ailleurs quand on importe un régime politique comme le gouvernement représentatif qui se base sur un savant dosage oligarchique et démocratique, il subit à l’échelle locale un processus d’indigénisation. Richard Banégas (Prof. à l’Institut d’étude politique de l’Ille) dans son article paru in Politique Africaine, n° 069075, intitulé « Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin » montre comment des us et coutumes locaux (au Bénin – Afrique occidentale) travestissent la démocratie importée en y insérant des principes de « marchandages » qui font que le candidat en campagne électorale se trouve dans cette situation du « Big man » où : pour avoir le pouvoir politique il faut avoir de la richesse et pour avoir de la richesse il faut avoir le pouvoir politique. Ce qui insère de facto dans le processus électoral un phénomène qu’on qualifierait de corruption en Occident.
Une vision a-normative (qui ne fait pas appel à des jugements de valeurs) et non ethnocentrique permettrait d’affirmer qu’étant donné qu’en Occident on a su mélanger la démocratie, l’oligarchie et la technocratie pour former le gouvernement représentatif (sorte « d’indigénisation » à l’occidentale) nous pouvons bien, nous aussi, nous permettre d’y ajouter les us et coutumes locaux.
Cependant, qu’elle soit représentative ou non la démocratie nécessite des normes, c’est-à-dire d’être institutionnalisée. L’institutionnalisation dans le système démocratique suppose des partis politiques qui pourvoient au Parlement le plus grand nombre de représentants disciplinés, unis par un fort encrage idéologique et une forte détermination qui font fonctionner le système.
Il ne suffit pas de mettre le mot démocratie ou démocrate dans le nom d’un parti politique pour qu’il soit démocratique. Le parti démocratique est celui qui établit en son sein des normes démocratiques de fonctionnement et de passation (prise) de pouvoir. C’est celui qui promeut les principes démocratiques et dont les dirigeant-e-s en sont conscient-e-s. L’affirmer peut paraître banale mais un parti politique ne se dirige pas comme une affaire familiale où les héritiers se succèdent légitimement, le pater familias fait place à la mater familia (pour ne pas dire sub manu) qui, à son tour, se fera remplacer par ses progénitures. Un parti politique est différent d’un club d’amis ou d’une corporation. Ce n’est pas non plus un business où on s’y lance en vue de gagner un gros lot ou de son enrichissement personnel pur et simple. Si on veut amasser de la paillette, « rouler » en 4X4 climatisée, je n’ai rien contre ceux/celles qui ont ce genre de désirs, il faut viser d’autres sphères d’activités, développer d’autres talents par exemple : jouer au foot, chanter, savoir gagner au loto etc.
En ce sens je pense que beaucoup de nos leaders se sont trompé-e-s de sphère d’activité, ils/elles avaient voulu être riches de et par la politique maintenant ils/elles doivent changer, se reconvertir, leur parti se réformer ou dissoudre. La société quant à elle devra se forger une (nouvelle) culture de parti. Si l’élite a une nouvelle vocation ce pourra bien être celle-là.
Renald LUBERICE
Paris, 21 juin 2008
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire