lundi 9 juin 2008

Plaidoyer pour une rupture historique

Le plaidoyer dont il est question est une proposition de travail dans le seul but de construire « un ensemble plus ou moins systématisé d’idées, de la représentation de la réalité haïtienne dont on doit ensuite se charger de la transmission et la consolidation ». Autrement dit, il s’agit de l’élaboration d’un socle idéologique en vue de prôner la reconstruction d’Haïti. Il ne s’agit pas d’une pensée figée mais évolutive, constructive.

Si nous avons jugé important de reconstruire Haïti, c’est qu’il y a logiquement quelque chose qui ne va pas. On ne reconstruit pas sur une construction bancale. Une reconstruction nécessite une déconstruction préalable. Cette déconstruction je l’appelle « rupture historique ». Cependant n’étant pas un adepte du « fétichisme des mots », on peut l’appeler autrement. Mais je demeure convaincu de cette nécessité de déconstruction.

J’aimerais par ailleurs attirer votre attention sur le fait que PREH est un parti à construire, qui n’a pour l’instant pas de base idéologique solide et que je ne saurai, ni ne souhaite faire ce travail seul. Si je vous fais cette proposition ce n’est pas pour que vous jouiez à l’apprenti professeur mais que vous contribuiez à l’élaboration du projet. A moins que vous ne voyiez pas la nécessité !

Le texte que j’avais précédemment envoyé s’intitulait « en guise d’introduction », donc une manière d’entrée dans la matière. J’y ai précisé qu’il s’agira « ici d’un questionnement progressif du rôle de la valeur des valeurs historiques dans la stagnation de la nation haïtienne que nous avons le devoir de reconstruire ». C’est seulement après ce travail de questionnement qu’on pourra procéder à la déconstruction ou à la rupture historique, dont il sera question. Le questionnement devra être le fait du groupe mais pas de moi seul. La rupture historique sera dialectique donc il ne saura être question de contradiction pure. Si vous préférez on pourra parler de dialogique.

Etant donné que c’est un travail en construction les possibilités d’interprétation sont variables. C’est comme un géomètre qui va dessiner une figure. Il commence toujours par tracer un point. A ce moment précis, le point donne lieu à toutes sortes d’amalgames parce que l’observateur est incapable de savoir au juste où veut en venir le géomètre, mais lui sait son projet. Pour cette rupture historique PREH est le géomètre, ensemble nous allons élaborer les bases que nous aurons jugées nécessaires à l’édification de l’édifice.

Non, la rupture historique n’est pas une rupture avec l’histoire mais une relecture de la partie historique qui constitue le blocage pour pouvoir mieux déceler les causes. Un peuple ne se renie pas en possédant à une relecture de son histoire mais se redéfinit en se donnant de nouvelles bases et de nouvelles directions. La rupture historique pourrait se résumer ainsi, si vous tenez vraiment que je la définisse tout seul : dans l’histoire d’Haïti, contrairement à ce que l’imaginaire collectif laisse entendre, il n’y a pas eu que des pourris mais ce sont des pourris qui ont toujours vaincu, réhabilitons donc les sains, afin que sur leur trace nous puissions reconstruire Haïti.

Comment pourrions-nous reconstruire Haïti sans rompre par exemple avec l’idée que « voler l’Etat, n’est pas voler », que nous pouvons « plimen poul la depi nou pa kitel kriye », que si nous construisons notre pays « le blanc » ne va pas être content, que si nous n’allons pas à l’ambassade X nous ne pourrons pas résoudre notre problème. Notre histoire est jalonnée d’exemple similaire, rompre avec tout ça c’est faire une rupture historique.

La rupture historique passe justement par le rejet d’un certain nombre de valeur et l’adoption de normes susceptibles de nous faire avancer. La rupture historique c’est dire à l’Haïtien lambda qui croit que c’est mort pour Haïti, qu’on n’y peut rien que l’Haïti de demain dépend de ses actions d’aujourd’hui. Une nation se base sur un certain nombre de valeurs, des valeurs ont été édifiées en vue de la révolte esclavagiste, mais ces valeurs-là ne sont plus compatibles à l’Haïti contemporaine, pourtant nous les gardons encore, je pense au fameux « coupe tèt boule kay » qui est présent dans l’imaginaire collectif, nous devons rompre avec tout cela pour la nouvelle Haïti.

La rupture historique est une reconsidération de notre histoire. L’identité d’un peuple n’est pas quelque chose de figée mais est en perpétuelle évolution selon les besoins réels et l’ambiance contemporaine. C’est pourquoi le peuple Allemand qui s’est longtemps considéré comme étant essentiellement Aryen et qui considérait la nationalité allemande comme quasi-exclusivement transmise par le jus sanginis a revu récemment cette conception pour considérer la nationalité allemande selon d’autres aspects également. Ernest Renan met surtout l’accent sur la volonté de vivre ensemble comme critère de cohésion nationale. Il serait problématique d’affirmer que « ce sentiment d’appartenance commune ne saurait avoir de sens sans une histoire commune, sans un passé auquel on s’identifie tous ». Si Ernest Renan parle de volonté de vivre ensemble c’est parce que justement, tous les peuples ou individus de la nation n’ont pas ce passé auquel ils s’identifient tous. Quelle serait la légitimité d’un américain blanc de revendiquer un passé commun avec l’indien qui est sur le territoire depuis des millénaires ? Qu’est ce qui fait que le passé des alsaciens est plus commun avec les français qu’avec les allemands ? Non dans la pensée de Renan, les alsaciens sont français plutôt qu’Allemands parce qu’ils ont la volonté d’être français et non en raison de leur passé.

Je propose qu’on revienne ultérieurement sur cette question quand on aura à attaquer la question de la nation et de la nationalité. Mais pour l’instant posons les bases, donnons de la direction à la rupture historique, à la déconstruction nécessaire à la reconstruction d’Haïti

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