Vodou : Réponse à Jacques Mali
Cher Jacques,
En attendant le résultat de la recherche de M. Bastien, je me permets de mettre en exergue nos points d’accord et de désaccord. Je me méfie généralement des discours qui se veulent scientifiques prononcés par les initiés (qu’il s’agit du vodou ou d’une autre religion). Je pense qu’il y a souvent un problème de réflexivité (P. Bourdieu) qui se pose. Je ne pense pas que le religieux soit le mieux placé pour analyser objectivement sa religion ou celle des autres. Car par définition la croyance (à part des cas de syncrétisme avérés) est exclusive.
Le vodou comme je le dis tantôt est une réalité. Il me semble que tu es de cet avis. Par contre l’assertion qui veut que le vodou haïtien ait une tendresse particulière pour les loas maléfiques est quelque chose qui reste à prouver. Dans mon texte intitulé « vodou : véhicule d’évasion, outil de l’ailleurs, corvéable à merci », j’ai montré comment les esclaves ont utilisé intelligemment le vodou comme outil de pression psychologique sur les colons. Dans ce sens, pour que cela marche, il fallait que ces derniers aient peur du vodou.
Ce n’est pas parce que des adeptes du vodou affirment que les vodouisants ont un penchant particulier pour le mal, que les maux reprochés au vodou lui sont effectivement dus. La relation « cause à effet » n’a jamais été prouvée. Les chercheurs haïtiens devront se mettre au boulot pour pouvoir répondre à ces questions.
Les croyances primitives attribuées au vodou ne sont pas les croyances des vodouisants mais celles de la société haïtienne dans son ensemble. Quel haïtien peu importe sa confession ne croit pas en la vertu maléfique ou bénéfique du vodou ? Et ce sans qu’il y ait l’application de la loi de causalité !
Quand j’étais petit, on me racontait que Duvalier savait voyager dans un « layé (espèce de cabaret volant) ». Un jour j’ai été à l’église un pasteur (ancien houngan converti) nous a expliqués qu’il savait se transformer en grenouille quand il était adepte du vodou ! Les fidèles de l’Eglise croient dans ces histoires rocambolesques.
Jacques, je crois que le vodou est le miroir de la société haïtienne. Les croyances dites primitives sont partout dans la société haïtienne, y compris chez des gens très instruits.
Contrairement à toi, je crois que c’est le sous-développement qui permet la prolifération et la perpétuation de ces croyances dites primitives et non l’inverse. Tout comme toi, je pense qu’il ne faut pas et qu’on ne pas (on a déjà essayé et cela n’a pas marché) rejeter le vodou. Je suis pour une modernisation et pour l’institutionnalisation du vodou, avec un organisme central qui s’en occupe et qui sanctionne les dérives des houngans et des mambos. L’Etat y jouera un rôle surement mais je suis pour un Etat laïque.
Cependant je ne crois pas à un darwinisme religieux. Je crois que la religion s’exerce en fonction de la condition matérielle d’existence de ses adeptes. Si on améliore la condition matérielle de ces gens, la religion s’améliorera automatiquement.
Si la codification dont tu parles vise à faire comme les chrétiens (sorte de bible), alors je suis contre. Mais si elle établit des règles et des modalités de fonctionnement, je suis à 1000% pour. L’analphabétisme est l’handicap sérieux du vodou, or personne de sensé ne peut affirmer que c’est à cause du vodou que les gens ne sont pas scolarisés. Le problème du vodou c’est le sous-développement mais le problème du sous-développement ce n’est pas le vodou mais les élites haïtiennes formées pour la plupart à l’école congréganiste.
Bien cordialement
Renald Lubérice.
vendredi 8 mai 2009
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