Cher-ère-s compatriote-s,
Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont su faire de leur mieux pour éviter que cette discussion sur le vodou ne tourne au “joure manman”. Au premier abord nous pouvons avoir l’impression que ce débat est nouveau. Mais en réalité il est aussi vieux qu’Haïti. Il ne s’agit pas d’une discussion entre les partisans du vodou et ceux qui s’y opposent. Ce n’est pas non plus, contrairement à ce que certains détracteurs du vodou veulent faire croire, un débat qui tend à essentialiser le vodou. C’est un débat entre d’une part ceux qui comprennent qu’aucune culture n’est figée et que les cultures dites sauvages ont participé au même titre que la culture dite occidentale à la modernité, et d’autre part ceux qui croient que la culture dite occidentale est d’essence supérieure. Je reproche à ces derniers de s’approprier le discours de leur ancien maître sans réflexivité aucune. Je réaffirme que la modernité occidentale n’aurait pas été possible sans la colonisation et les « sauvages ».
Je ne souhaite pas, comme le font certains, profiter de ce débat pour vendre ma petite personne. C’est pourquoi vous constaterez que j’évite autant que possible de parler de moi. Ceux/celles qui me lisent et me connaissent savent que ne suis ni voudouisant ni religieux. Mais si j’avais une croyance religieuse j’aurais trouvé cela indécent de l’utiliser dans un débat de cette nature.
Il y a dans la vie les gens qui passent leur temps à analyser les choses telles qu’elles devraient être et ceux qui les appréhendent telles qu’elles sont. Le vodou est une réalité au même titre que le christianisme en Haïti.
La religion en général a des incidences négatives sur la vie d’une communauté mais elle lui est peut être aussi utile. Sinon on se demanderait bien pourquoi une société, une personne ou un groupe de personnes s’adonnerait à un ensemble de rites, de croyances théistes, composé de règles (éthiques ou pratiques), de récits, de symboles ou de dogmes. La liberté de culte est un principe consacré par notre constitution. De la même manière que cela serait scandaleux de partir en croisade contre le christianisme, il est scandaleux et incongru d’utiliser le vodou comme bouc émissaire.
La croyance dans le caractère maléfique ou bienveillant du vodou participe à « l’haïtiannité ». Les détracteurs du vodou le prouvent encore une fois. Certains ont perdu des êtres qui leur étaient chers, probablement faute de soins appropriés, faute d’un système de santé efficace, et ils nous disent que c’est le vodou. Moi aussi j’aurai pu dire que des gens sont morts à cause du christianisme. Parce que j’en connais des paysans chrétiens qui, quand ils ont un proche malade, préfèrent passer leur temps à prier pour lui au lieu de l’emmener à l’hôpital. Il s’agit d’un problème d’éducation. C’est en réalité ni la faute du christianisme ni la faute du vodou. Ces religions ne font que combler un vide laissé par l’Etat.
Certains ont cru que quand on parle du vodou on se réfère à une race. Là encore c’est la preuve tangible que l’esprit du XIXe siècle est vivant. Haïti n’est pas faite pour une race, les valeurs que véhicule 1804 ne sont pas les valeurs d’une race mais d’humanité. Haïti n’est ni noire, ni rouge, ni verte ni blanche. Elle est nègre ! Gare aux esprits coincés qui verraient dans le mot nègre une référence raciale. C’est une référence historique qui a construit le vivre ensemble et que nous ne saurons rejeter.
Une personne n’est pas obligée d’être noire ni vodouisant, tout comme elle n’est pas obligée d’être chrétienne, pour être haïtienne. Etre haïtien c’est adhérer aux idéaux de 1804, c’est respecter la liberté de culte. Traiter le vodou comme une religion barbare ou la religion des sauvages devrait être un délit. Ceux qui ont du mal à appréhender la dimension anthropologique du vodou utilisent leur expérience personnelle mêlée d’un discours colonial pour nous dire que la culture occidentale est géniale et que le vodou est barbare. Ces gens oublient que jusqu’au début du XXe siècle cette civilisation occidentale dont il se réclame ne les considérait pas comme des hommes. Seuls étaient hommes les européens. Quel paradoxe !
En calomniant le vodou, ces détracteurs tendent à l’essentialiser. Or je n’attribue aucune essence au vodou. Le vodou haïtien c’est aussi la culture occidentale. Ma culture en tant qu’haïtien est aussi bien une culture africaine qu’une culture occidentale empreinte de culture indigène. On me parle de la « saleté » qui serait le fait du vodou. A ces personnes, je dis : ayez l’intelligence de comprendre que la saleté n’est pas inhérente à la pratique vodouesque mais ce sont les conditions de son exercice qui engendrent la saleté ! Changeons donc les conditions de son exercice, et le vodou sera aussi propre que vous semblez le souhaiter.
Cordialement
Renald LUBERICE
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