Si Je n’avais pas lu l’histoire : je vous aurais pris au sérieux !
Qui peut prendre au sérieux les nationalistes haïtiens du Web, les pétitionnaires fondamentalistes, les « va-t-en-guerre » fallacieux qui nous assaillent à coup de cris : liberté ou la mort ? Personne ! Personne à part eux-mêmes. Les haïtiens qui se soucient réellement de l’amélioration du sort du peuple haïtien et la prospérité d’Haïti ne les prendront pas au sérieux. Non. Parce que, comme moi, ils ont lu l’histoire de notre pays.
De mon silence, qui pourrait avoir l’air complice, je sors. Sous mes yeux, j’ai la chance de voir l’histoire se répéter. Sous forme de farce, bien sûr. Car nous n’avons rien appris de nos historiques tragédies. Nous ne craignons pas d’être risibles, puisque la comédie est notre affaire. Que nous importe le sort des générations futures ! Aujourd’hui nous ne savons pas nous prendre en charge, nous avons la MINUSTAH sur le dos. Dans 15 à 20 ans, si comme les nationalistes haïtiens du web et pétitionnaires fondamentalistes, nous agissons, nous aurons la République Dominicaine comme tutrice.
Pour expliquer nos débâcles en tant que peuple nous avons formulé toute sorte d’hypothèses. Les unes plus tautologiques que les autres : le sous-développement d’Haïti est dû à la non-émergence de l’Etat moderne ; la non-émergence de l’Etat moderne est dû à la non-institutionnalisation du vivre ensemble, etc. Or, il est plus plausible d’affirmer que la principale cause de la constitution du chaos qui a engendré la MINUSTHA et qui engendrera la République Dominicaine, si nous ne prenons pas conscience, est la folie révolutionnaire permanente qui ne nous a pas quittés depuis 1804. Elle engendre soit le sultanisme soit l’instabilité politique chronique. Le sultanisme et l’instabilité politique chronique sont à la base de la déchéance historique. Le fait qu’il n’y a pas eu de transition post-duvaliériste mais un pur et simple dessouchage (dechoukaj) a engendré ces 25 dernières années d’absurdités politiques et socioéconomiques.
Pour comprendre notre histoire et les causes de nos désarrois, il faut la découper en séquences. Il est courant en Haïti d’appréhender l’histoire uniquement de manière holistique. Ce faisant, beaucoup de choses nous échappent. Et les erreurs se répètent ! Nous traversons une phase cruciale de notre histoire. Si nous voulons cette fois-ci réussir, il faut, comme je le dis maintenant depuis trois ans, un calendrier précis avec des taches précises pour la MINUSTHA. Le renouvellement annuel est un leurre qui crée une situation de tension permanente, organise une précarité institutionnelle et ne permettant pas une projection à long terme. Le calendrier prévoira un retrait progressif de la MINUSTHA, et l’ONU pourra prendre conscience de son échec ou sa réussite. Le fait de dire qu’il s’agit d’une mission de stabilisation est aussi un leurre. Puisque personne ne saura évaluer cette « stabilisation ». Par définition la stabilisation est processuelle. Quand s’arrêtera le processus ?
Faire de la politique de manière systématique exige un certain nombre de sacrifice que les pétitionnaires du Web ne sont pas prêts à faire. C’est tellement plus confortable de rester derrière son ordinateur et de crier : « Liberté ou la mort ! ». Combien de pétitionnaires du web sont-ils prêts à prendre les armes, si besoin était ? Entre 2001 et 2003, j’ai suivi de près des groupes armés qui réclamaient le départ d’Aristide en Haïti. Entre 2003 et février 2004, j’ai rencontré à Paris nombre d’actuels pétitionnaires qui manifestaient en vue du départ d’Aristide. Je peux vous assurer qu’ils procèdent toujours de la même logique : renvoyons-le et on verra après. C’est ainsi qu’on fait de la politique en Haïti. Personne ne prend le temps de réfléchir le jour d’après. Une fois que le chaos se produit, ils disent que c’était mieux avant.
En 1986, j’avais 4 ans. L’histoire ne s’est donc pas déroulée sous mes yeux attentifs. J’ai tout de même entendu de façon répétée des gens disant que c’était quand même mieux sous Duvalier, que sous Aristide on avait tout de même un brin de souveraineté. En cas d’un départ précipité de la MINUSTHA, les pétitionnaires fondamentalistes, les « va-t-en-guerre » fallacieux qui nous assaillent à coup de cris : liberté ou la mort seront les premiers à le regretter. Mais n’oubliez pas : si Haïti ne se prend pas en main dans la décade (dans le sens anglais), la République Dominicaine le fera à notre place, pour notre malheur et pour l’histoire.
A bon entendeur salut !
Québec, le 17 octobre 2009
samedi 17 octobre 2009
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