vendredi 29 janvier 2010

Brady, H.E. & Collier, D., 2004. Rethinking social inquiry. Diverse tools, shared standards, New York: Rowman

Brady, H.E. & Collier, D., 2004. Rethinking social inquiry. Diverse tools, shared standards, New York: Rowman and Littlefield Publishers.

Par Renald Lubérice


Cet ouvrage constitue véritablement une réponse au livre de S. Verba, R.O Keohane, G. King, Designing Social Inquiry: Scientific Inference in Qualitative Research. Les termes de l’ouvrage que nous commenterons sont : La recherche scientifique, « Problemation » et théorisation déductive (76), le compromis.

La recherche scientifique (p. 22) suppose, au premier abord, la capacité à faire une certaine opération mentale permettant de tirer une conclusion (qui peut être provisoire) à partir d’une série de propositions considérées comme étant vraies. Autrement dit, elle tend à faire des inférences en essayant de déduire à partir de données immédiates quelque chose de plus large qui n'est pas directement observé (ou observable). L’idée d’inférence est ici centrale.

Ensuite, une autre caractéristique de la recherche scientifique est qu’elle révèle publiquement ses modalités de travail, en précisant comment les cas ont été sélectionnés, comment les données ont été recueillies, etc. c’est important, voire nécessaire, pour que la recherche puisse être soumise au jugement de la communauté scientifique. C’est, entre autre, à partir de ces éléments qu’elle en jugera les qualités et la plausibilité des conclusions.
Citant S. Verba, R.O Keohane, G. King, Designing Social Inquiry: Scientific Inference in Qualitative Research, Brady, H.E. & Collier, D. affirment « If analyst do not report how they conduct their research, then ‘‘ [w]e cannot evaluate the principles of sélection that were used to record observations, the way in wich observations were processed, and the logic by wich conclusions were drawn » (p.23).

L’accent est également mis sur le degré d’incertitude des inférences en sciences sociales. L’aspect de l’évaluation de la recherche scientifique est avant tout la méthode utilisée. C’est probablement l’un des aspects distinctifs entre le travail du chercheur en sciences sociales et celui du journaliste qui, lui, n’est pas tenu de révéler ses sources ni ses méthodes.

Quant à ‘‘la’’ vérité scientifique, qu’il s’agit des sciences dites dures ou celles dites molles, il faut, à notre sens, la considérer dans sa « provisoirité ». Toute vérité scientifique est provisoire, car elle susceptible d’être remise en question par une nouvelle vérité. Le géocentrisme a été la vérité jusqu’à ce que l’héliocentrisme ne vienne le remettre en question. La recherche scientifique ne devrait faire l’économie de cette donnée inhérente à la nature même de la science, au-delà des distinctions entre différents « types » de sciences.

« Problemation » et théorisation déductive (76) : Tout comme dans les sciences naturelles, l’inférence se révèle plus efficace en procédant primo à l’élaboration d’un modèle claire tout en formulant des hypothèses de travail, secundo en testant les « implications déductives » de ce modèle tout en mettant particulièrement accent sur les implications apparaissant a priori les moins plausibles, tertio en mettant à l’épreuve (empirie) ces implications a priori non plausibles.

Il s’agit là d’une proposition de rigueur qui ne s’éloigne pas, du moins dans l’esprit, des Règles de la méthode sociologique (1895) durkheimiennes. L’exemple cité ne cache pas un penchant à considérer un « fait social », objet du travail du politiste, comme une chose. La Théorie de Relativité d’Einstein est pris par les auteurs comme exemple classique versus le modèle classique newtonien.

Toutefois Ronald Rogowski conclut : « DSI, I contend, emphasizes the third part of scientific inquiry, the rigorous testing of hypotheses, almost to the exclusion of the first two - the elaboration of precise models and deduction of their (ideally, many) logical implications - and thus points us to a pure, but needlessly inefficient, path of social-scientific iquiry. » (77)

Compromis (221): Dans la méthodologie en science sociale, toutes les bonnes choses ne vont pas nécessairement de paire. D’où la nécessité de compromis que prônent les auteurs dans les recherches en sciences sociales. Cette idée est également exprimée par John Gerring (2001), Social Science Methodology : A criterial Framework. Travailler avec des concepts, développer des propositions et mener des recherches impliquent l’existence de terrain d’ententes entre les différents chercheurs de la discipline, au-delà des écoles qui, parfois, peuvent s’apparenter à de véritables chapelles (voir Salvador JUAN, Méthodes de recherche en sciences socio-humaines. Exploration critique des techniques. Paris, Presses Universitaires de France, coll. Le Sociologue, 1999).

Proposant des compromis méthodologiques, les auteurs soulignent que Gerring avait déjà proposé des compromis quant aux concepts de différenciation, d’opérationnalité, de familiarité, de résonance, d’utilité théorique, etc. Toutefois le compromis ne doit pas avoir d’incidences négatives sur le but poursuivi par le chercheur. Il doit se faire dans le respect des outils théoriques utilisés.

S’il faut incontestablement une « méthodologie standard » qui puisse faire office de terrain commun aux différents chercheurs en sciences socio-humaines – Juan propose le terme Sciences Socio-humaines en vue dépasser le clivage entre sciences humaines d’une part et sciences sociales de l’autre – il est un versant du problème qui est lié à la nature même de l’objet. Notre objet d’étude est étonnamment mouvant et ce sont de surcroît des « êtres parlants » ou des objets produits par eux et par leurs interactions. Nous sommes à la fois sujet et objet des sciences « socio-humaines ». Ces différents facteurs peuvent concourir à donner une explication satisfaisante des difficultés rencontrées.

Par ailleurs une bonne partie de l’impossibilité du compris pourrait provenir des différentes visions que les chercheurs ont eux-mêmes de la réalité et du monde, visions qui ne sont pas sans interférences sur nos choix méthodologiques et épistémiques. Dire que les sciences socio-humaines peuvent être une science dans la mesure où on peut mener des Enquêtes, qu’il existe une relation avec l’empirie, qu’on peut faire de l’expérience et après généraliser (voir Mortimer J. Adler, 1993. The four dimensions of philosophy. Methaphysical moral objective categorical) ou, à l’inverse dire qu’on ne peut pas faire tout cela, procède de visions spécifiques du monde. Peut-être en reconnaissant que nos approches méthodologiques ne sont pas totalement neutres, nous serons conduits à systématiser la « réflexivité » (P. Bourdieu) dans nos entreprises scientifiques.

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