dimanche 3 janvier 2010

La politique métaphysique

La politique métaphysique

Les dés sont jetés, dit l’un. Les jeux sont faits, dit l’autre. Les choses vont de mal en pis clame le pseudo analyste. De quelle chose parles-tu, suis-je tenté de lui demander ? Guidé par le sens commun, il m’aurait certainement répondu : toutes les choses, l’éducation, l’insécurité, la production nationale, la Minustah, etc. Il n’est pas ainsi guidé par ses observations, mais d’un certain habitus régi par l’affect qui fait que l’analyse de la chose ne se fait pas à partir de ce qui se voit, ce qui s’observe mais des idées générales, transmises au fil des ans, qui veulent que de toute façon rien ne peut s’améliorer en Haïti. Le temps et l’action sont faits pour détériorer les choses, le bilan du vivre ensemble ne peut être que négatif. C’est la vérité, leur vérité. Point n’est besoin de dissocier dans l’ensemble des actions d’un individu et/ou d’un groupe d’individu les actions positives des négatives. L’objet du discours de l’analyste n’est pas la réalité de mon pays, mais lui-même.

L’opposition politique et le discours politique procède des mêmes schèmes. Le programme d’un candidat à la présidence sera Exempli Gratia : l’éducation, l’insécurité, la production nationale, peut être le tourisme aussi. C’est ce qui se dit à la radio et ailleurs, alors le dit-il également. Lui demandant qu’est-ce qu’il compte faire au juste pour améliorer l’éducation des haïtien-n-e-s ? Combien cela coutera-t-il ? Pour quel résultat ? Sur combien d’années ? Comment compte-t-il procéder ? D’où proviendront les fonds ? etc. il marmotte ou bredouille. Ainsi sera-t-il pour tous les autres thèmes.

N’ayant cure de la réalité, le discours de l’analyste susmentionné, celui de l’opposition et/ou du candidat procède d’une même métaphysique politique : la divagation. Puisque la réalité observable n’est pas prise en compte dans leurs analyses et dans l’offre politique, tous les discours se valent (tout voum se do). On ne mesure pas les cotes de popularité de tel ou tel homme politique, de telle ou telle proposition ou position politique, on traite des choses politiques comme on traite des affaires relatives à l’invisible et à l’au-delà.

Le meilleur exemple en date est la posture de certaines personnalités politiques ou de certains regroupements politiques face au Président Préval et son « Inite ». Préval s’apprête à voler les élections grâce à l’aide d’un CEP (Conseil Electoral Provisoire) soumis, nous disent-ils. Considérons provisoirement que ce postulat soit fondé.
Vu le passé de Préval, on peut croire qu’il est capable de tramer un tel complot. Car dans les années 2000, il s’est arrangé avec Aristide en vue de l’organisation d’élections truquées au profit de ce dernier. Cela a provoqué de graves problèmes et réintroduit une nouvelle mission des Nations Unies.

Mais pourquoi Préval voudrait-t-il refaire ces mêmes choses ? Telle est la question qu’on devrait se poser. Soit Préval est politiquement faible, dans ce cas là, pour gagner les élections il faut qu’il triche. Soit il est politiquement moyen, et vu ses ambitions politiques, il lui faut une majorité parlementaire confortable pour parvenir à réaliser ses objectifs. Si on considère que Préval est fort politiquement, il peut donc gagner. Ce serait crétin de sa part de vouloir tricher alors qu’il peut gagner. Sachant que la tricherie et la légitimité politique ne font pas bon ménage.

Au-delà des considérations métaphysiques sur quoi l’opposition (qui en réalité n’en est pas une) peut-elle se baser pour répondre à cette question ? En gouvernement représentatif, on se base sur des enquêtes de qualité. On sonde les cotes de popularité, on demande aux électeurs leur avis sur tel ou tel homme politique.
Si Préval est faible, cela voudrait-il dit dire que « l’opposition » est forte ? Comment peut on le savoir si cette opposition n’a pas d’offre politique ? Dire qu’il faut que la situation de la population soit améliorée, qu’il faut donner du travail au chômeur, résorber l’insécurité et la corruption, n’est pas une offre politique. C’est du blablabla, de la métaphysique. N’importe quel crétin peut le dire, et tout le monde sera d’accord. Il faut des chiffres e
t des propositions concrètes qui puissent cristalliser une opposition réelle.
Admettons que je sois considéré comme faisant partie des haïtien-n-es moyens. Si, moi, je ne suis pas capable de percevoir l’offre politique de l’Inite, de l’Alternative ou d’une autre plateforme électoraliste, croyez-vous que nos compatriotes dont la plupart ne savent ni lire ni écrire sauront le faire ?

Pour finir, revenons à notre postulat de trucage électoral manigancé par Préval. Posons la question suivante : si Préval ne triche pas, « l’opposition » sera-t-elle en mesure de gagner les élections ? (J’espère que les opposants auto-déclarés sauront y répondre). En fait, qui sont aujourd’hui les opposants de Préval ? Lavalas (exclus des législatives) et l’Alternative ? Au-delà de la métaphysique politique, cette opposition-là a-t-elle une offre politique valable à faire qui puisse avoir l’adhésion du plus grand nombre ? Rien n’est moins sûr !

Messieurs ne nous dites plus qu’il faut changer Haïti, ça nous le savons déjà. Dites-nous plutôt comment vous comptez vous y prendre.

Renald LUBERICE
3/01/2010

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