samedi 24 mai 2008

Banalisation de l'inadmissible

Pour une Rupture historique

Haïti : la banalisation de l’inadmissible.

Parfois le citoyen lambda, que je suis, ne peut franchement s’empêcher de se demander si Haïti n’est pas l’objet d’une sorte d’exceptionnalité tant du point de vue des agissements de nos gouvernants, de nos élites et même des étrangers évoluant da ns notre pays.

Il y a quelques mois déjà que je me suis étonné des déclarations d’un chef de mission diplomatique accrédité en Haïti. Le diplomate a fait une leçon bien méritée aux élites haïtiennes de l’extérieur en leur disant qu’une forte partie des étudiants haïtiens (à l’étranger) une fois obtenus leur diplômes ne revient pas en Haïti et que ce n’est pas « comme cela qu’on va développer » le pays. Récemment encore ce même diplomate affirme sur les ondes d’une station de radio métropolitaine que « l’absence de méthode de travail » serait une des raisons du sous-développement en Haïti, il met l’accent sur le problème de coordination des bailleurs de fonds, sur le « manque absolu de communication », sur le fait que la « direction vers laquelle on va » n’est pas déterminée.

Ces assertions sont tellement vraies et lucides qu’elles feraient même l’unanimité. Donc je ne saurais ici les remettre en cause. Ce qui est en revanche choquant c’est le fait que nous considérons qu’il est normal qu’un diplomate s’immisce comme bon lui semble dans les affaires internes d’Haïti, que certains de nos journalistes n’hésitent pas à aller régulièrement solliciter l’avis des diplomates sur des affaires économico-sociopolitiques de notre pays.

Est-il besoin de rappeler que la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (Vienne, 18 avril 1961) définit à l’article 3 les fonctions d’une mission diplomatique de la manière suivante : « Représenter l’Etat accréditant auprès de l’Etat accréditaire; Protéger dans l’Etat accréditaire les intérêts de l’Etat accréditant et de ses ressortissants, dans les limites admises par le droit international ; Négocier avec le gouvernement de l’Etat accréditaire; S’informer par tous les moyens licites des conditions et de l’évolution des événements dans l’Etat accréditaire et faire rapport à ce sujet au gouvernement de l’Etat accréditant; Promouvoir des relations amicales et développer les relations économiques, culturelles et scientifiques entre l’Etat accréditant et l’Etat accréditaire. »

L’article 41 définit certaines limites des privilèges et immunités dont bénéficient les membres de mission diplomatique : « Sans préjudice de leurs privilèges et immunités, toutes les personnes qui bénéficient de ces privilèges et immunités ont le devoir de respecter les lois et règlements de l’Etat accréditaire. Elles ont également le devoir de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de cet Etat. »

Si aucun diplomate étranger, peu importe la puissance de l’Etat accréditant, ne s’arrogerait le droit de s’immiscer dans les affaires internes d’un pays comme la France mais aucun journaliste français digne de ce titre n’irait non plus à une mission diplomatique pour demander aux diplomates leur avis sur les affaires internes de la France, il n’encouragerait pas contrairement à nous, Haïtiennes et Haïtiens, à violer les lois de son pays et les conventions internationales.

La croyance à une puissance accroit de manière exponentielle la force réelle de cette puissance pour lui attribuer une puissance qu’elle ne saurait détenir sans l’aide de celles et ceux qui y croient. A force de croire que l’avis des puissances étrangère est déterminant dans la résolution ou de l’empirement de nos difficultés nous banalisons l’inadmissible et faire d’Haïti un Etat pas tout à fait comme les autres. C’est-à-dire un Etat qui n’en est pas un !

Certains faits et agissements a priori anodins constituent un mécanisme de blocage à l’émergence d’une Haïti fière et digne, à la hauteur de son histoire. Seule une rupture méthodique sera à même de nous sortir de ce bourbier bicentenaire.

Renald LUBERICE

Paris, 24 mai 2008

http://luberice.blogspot.com/

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