lundi 5 mai 2008

Le libéralisme

Le libéralisme

Quel passionnant débat ! Les interventions ont été d’une manière ou d’une autre fructueuses. Ce n’est donc pas cela qui me préoccupe mais l’acharnement de plus d’un, des deux camps, à attribuer les valeurs de liberté dont le « libéralisme » serait porteur à la gauche ou à la droite. Ce faisant on établit une frontière nette entre la droite et la gauche (identifiée chacune par des valeurs singulières). Or, quand on observe de plus près on constate sans trop de difficulté qu’entre la droite et la gauche il y a des zones grises régies par les rapports de force (politique et économique), par les circonstances dans les quelles les actants sont appelés à agir.

Avant de répondre à la question concernant les valeurs proprement de gauche et celle spécifiquement de droite orientant les décisions publiques, il faudrait pouvoir identifier clairement qui est aujourd’hui plus déterminant entre les convictions politiques et les rapports de force (dans le cadre des politiques publiques). D’autant que la plupart des décisions prétendent être le fruit d’expertise scientifique donc rationnelles et Dieu sait que la raison n’est ni de gauche ni de droite mais « humaine ».

On peut remonter très loin dans l’histoire de la pensée politique afin de retracer les racines du libéralisme mais ce serait problématique de vouloir l’étiqueter à gauche ou à droite d’autant plus qu’il est antérieur à l’appellation gauche/droite. En revanche on peut regarder par rapport aux valeurs que revendiquent la droite et celles revendiquées par la gauche qu’est-ce qui serait plus conforme au principe de liberté.

L’intervenant a eu raison de faire le parallèle entre les principes de propriétés qu’affirme Locke (contrat social, état de nature –fictif) et les principes de libertés. Cependant peut-t-on envisager la liberté sans l’égalité ? Le principe de propriété de Locke qui fait que l’homme soit propriétaire de soi-même est fondamental pour le développement du capitalisme. Car pour pouvoir « vendre sa force de travail », il faut être propriétaire de cette force. Il y a là un principe de liberté. Mais une fois cette force vendue, n’y a –t-il pas de l’aliénation ? L’aliénation permet-elle l’égalité ? La relation Employeur/salarié est elle égalitaire ? Sinon peut-on envisager la liberté dans une situation inégalitaire ?

L’affirmation même du principe de propriété est la consécration de l’inégalité, puisqu’elle suppose des non-propriétaires et des propriétés inégales. On n’aurait pas besoin de l’affirmer si tout le monde avait des propriétés égales, mais cela poserait un problème dans le processus d’accumulation. Donc si on fait de Locke l’un des grands théoriciens du libéralisme on ne peut pas logiquement affirmer que c’est un libéralisme qui a pour essence l’égalité. Or l’inégalité et liberté sont incompatibles.

Les détracteurs du communisme en ont fait l’antinomie de la liberté se référant à la terreur stalinienne. Ils ont ainsi confondu un capitalisme d’Etat, le pire des capitalismes, à une utopie (utopia) d’égalité du point de vue des conditions matérielles d’existence dont le communisme (qui n’a d’ailleurs à ma connaissance existé nulle part dans l’histoire récente de l’humanité) est porteur. Ce faisant le capitalisme apparaît comme la moins pire des modes de production.

Le capitalisme n’a pas de valeurs propres mais se conforment à toutes les valeurs il se les attribue toutes. Une seule condition est donc nécessaire : ne pas gêner le processus illimité d’accumulation.

BOLTANSKI Luc et CHIAPELLO Eve à travers leur désormais célèbre ouvrage "Le nouvel esprit du capitalisme, illustrent l’étonnante capacité du capitalisme à intégrer les critiques qui lui sont adressées et s’approprier des valeurs qui sont pourtant celles de ses ennemis en vue de sa pérennisation et son développement. Les valeurs ennemies du capitalisme sont celles qui nuisent réellement à son développement. Pour s’adapter, il a su changer d’esprit en fonction des périodes et des rapports de force. Ainsi attribuer un principe propre qu’il soit de liberté ou non au capitalisme revient à passer à coté de ce qui fait son essence : l’absence de valeur propre.

{À suivre}

Renald LUBERICE

Paris 5/05/08

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