Pour une Rupture historique
Gouverner en Démocratie
Nos régimes contemporains de démocratie dite représentative, consacrant l’élection comme « instrument démocratique par excellence »[1], contrairement à la démocratie athénienne où « le tirage au sort /…/ paraissait le mieux apte à respecter l’égalité stricte des candidats »[2] nous renvoient à un problème récurrent qui est l’exercice même du pouvoir politique. Ce problème est encore plus flagrant dans les démocraties naissantes comme c’est le cas en Haïti.
L’exercice du pouvoir politique n’échappe pas aux structures structurées promptes à fonctionner en tant que structures structurantes qui structurent les « mœurs » et les comportements. C’est ce que le sociologue Pierre Bourdieu appelle habitus. La société haïtienne a son habitus que nous pouvons désigner sous l’appellation de « l’habitus haïtien » qui influe sur l’exercice du pouvoir et sur la manière d’être en société. Notre démocratie naissante se trouve donc en proie à cet habitus.
Faute d’institutions solides pouvant palier au déficit démocratique notre nation se trouve à la merci de la corruption et la violence du pouvoir institutionnalisées depuis maintenant de très longues années. Après le départ des Duvalier, le processus de « transition démocratique » qui s’est enclenché a vu naître des dizaines de partis politiques. Ce qui aurait été dans certains contextes preuve de vitalité démocratique. Pourtant l’éclosion de ces partis n’a pas permis à notre pays de faire décoller le processus démocratique.
En démocratie représentative, telle que l’institue notre Constitution, les partis politiques sont d’un intérêt vital. Car il faut une majorité parlementaire pour gouverner. Majorité unie par un fort ancrage idéologique et déterminée. Or parmi notre centaine de partis politiques rares sont ceux réellement en mesure d’obtenir une majorité parlementaire. La capacité d’élaborer un projet socio-économique à long terme reste aussi incertaine. Nos partis ne semblent pas être pressés de se questionner sur les raisons de leurs échecs et de se réformer. Tout le monde s’amuse à faire des plateformes électoralistes, à nouer des alliances contre nature qui n’auront pour effet que de bloquer le pays. Quels sont les partis en mesure d’obtenir la présidence et/ou une majorité parlementaire dans les prochaines élections présidentielles et législatives ?
Il est certain que tous les partis n’ont pas la même vision du monde, et c’est peut-être ça la raison d’être du multipartisme. Dans une situation où constitutionnellement les mesures doivent être prises à la majorité et qu’aucun parti n’a de majorité, on est condamné à des alliances contre nature. Ces alliances obligent à tout revoir à la baisse, puisqu’il faut trouver un consensus pour avancer. Souvent, les considérations ne se portent pas sur l’intérêt national mais ce que chaque parti (partie) peut tirer en termes de capitaux dans le partage des pouvoirs.
Pourtant notre pays nécessite des réformes profondes qui passeront par une rupture historique avec les pratiques et la gouvernementalité traditionnelle. Pour gouverner en démocratie, il faut des partis politiques institutionnalisés et puissants (en terme de capacité de mobilisation électorale).
Que devons-nous faire dans une telle situation ? Lancer des partis politiques avec de nouvelles générations de dirigeants? Homogénéiser (fusionner) certains des partis existant en vue d’obtenir des partis à la hauteur de l’enjeu ? Augmenter le nombre de signatures nécessaires en vue de la participation aux processus électoraux ? Cette dernière mesure a été prise mais aurait été contournée par des partis politiques qui ont pu se procurer des signatures de manière totalement illégale, ce qui est assurément dû à l’incapacité institutionnelle à juger de la véracité des listes fournies. Que faire ?
Pour une Haïti à la hauteur de son histoire
Renald LUBERICE
Paris, 12 mai 2008
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