samedi 23 février 2008

La diaspora et le danger du net

La diaspora et le danger du net

Si le terme diaspora est un concept fourre-tout qui ne veut rigoureusement rien dire, s’il divise les chercheurs spécialistes de la question, il les réunit sur un point : le caractère problématique du terme. Ce mot grec (diaspora) « renvoie objectivement à phénomène historique de la dispersion des juifs à travers le monde. »[i] Par extension on parle aujourd’hui de diaspora arménienne, irlandaise, québécoise etc. cependant pour qu’un groupe soit considéré comme diaspora il faut qu’il réponde à trois ces caractéristiques minimales :

La conscience nationale et le fait de revendiquer une identité ethnique et/ou nationale l’existence d’une organisation politique, religieuse ou culturelle du groupe dispersé

l’existence de contacts sous diverses formes, réelles ou imaginaire, avec le territoire ou le pays d’origine

Bien qu’on puisse sérieusement se questionner dans quelle mesure les expatriés haïtiens répondent à ces caractéristiques minimales, on s’accorde volontiers sur le fait que les haïtiens de l’extérieur s’appellent souvent « Diaspora ». Donc le terme fait partie de ces savoirs, de ces concepts transmis par voie de socialisation. Il ne s’agit pas ici d’une étude sur la diaspora, ni entant que concept ni sur son acception par les acteurs eux-mêmes. Mais de la considérer comme idéaltype en vue de discourir et de problématiser davantage le regard de bon nombre d’Haïtiens-nes de l’extérieur sur les problèmes socio-politico-économique d’Haïti, notamment sur le net. Le danger dont il est question est le danger de l’illusion (illusio). C’est-à-dire le fait de se laisser prendre par le jeu et son ambiance jusqu’à oublier la réalité de l’extérieur.

Depuis quelque temps déjà la « diaspora » haïtienne s’est montrée de plus en plus concernée, du moins en apparence, par la crise structurelle bi-séculaire qui traverse le pays. Elle n’a de cesse de faire des propositions, souvent non-méthodiques et même maladroites, en vue de résoudre le mal du pays. C’est plutôt très encourageant. Cependant entre le net, les pays dans lesquels on vit et la réalité haïtienne il y a un fossé incommensurable. On peut avoir de la bonne volonté, de l’expertise, comme la communauté internationale, mais résoudre le problème haïtien ne saurait autre chose qu’un travail de dur labeur effectué sur le terrain. Ce travail doit se dérouler en deux temps :

Comprendre les problèmes et la réalité dans laquelle ils s’insèrent

Travailler et proposer des solutions en conséquence

Internet ne peut nous servir que de liaison et d’un outil de travail. Cependant à force d’y rester on peut avoir l’illusion de comprendre le problème haïtien en essayant de l’identifier à ce qui se fait autour de nous dans des contextes socio-économico-culturels très différents et nous dire qu’on va résoudre le problème haïtien, en 2011 par exemple.

On peut aussi passer son temps sur internet à faire des sondages qui n’échantillonnent que nous-mêmes (et encore…) et se dire que : ça y est, j’ai obtenu 40% d’intentions, je peux demander le renversement de Préval et son équipe, je suis prêt à les remplacer avec ma banque de meilleur CV !

Il s’agit là d’un danger : un danger pour nous-mêmes, parce que nous nous mentons, mais aussi un danger pour Haïti parce que nous allons amplifier son problème et accélérer sa descente aux enfers. Si nous voulons participer à la construction d’une Haïti à la hauteur de son histoire, élaborons d’abord un projet de retour pour un état des lieux qui durera minimum deux ans.

Renald LUBERICE



[i] Encyclopédie universalis

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